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pas défendu aux tribunaux de fixer par un règlement intérieur le nombre, la durée et l'heure de leurs audiences, ainsi que leur affectation aux différentes natures d'affaires : le décret du 30 mars 1808 l'ordonne même aux cours d'appel, et la loi du 11 avril 1838 aux tribunaux de première instance, et les mesures adoptées par le tribunal de cassation dans son règlement du 4 prairial an VIII ont passé dans l'ordonnance du 15 janvier 1826, qui règle aujourd'hui le service de la cour de cassation. Les dispositions relatives aux bâtiments, à la bibliothèque et au mobilier, la fixation des heures d'ouverture et de fermeture du greffe, et la nomination des agents subalternes sont des mesures d'ordre intérieur que chaque tribunal arrête en vertu de son pouvoir discrétionnaire, et qui ne tomberaient sous la censure de la cour de cassation que s'ils étaient entachés d'excès de pouvoir'. Ces règlements qui ne statuent sur aucun point de droit, et par lesquels tout corps

les fonctions de courtier); civ. cass. 7 juill. 1852 (D. P. 52. 1. 204; annulation d'un arrêt qui défendait à une compagnie de chemins de fer d'exploiter désormais le transport des marchandises ailleurs que sur les lignes de son réseau); Paris, 4 mai 1866 (D. P. 66. 2. 115; annulation d'un jugement qui ordonnait à une compagnie de chemins de fer de remettre, à l'avenir, aux destinataires les marchandises à eux expédiées en gare vingt-quatre heures après l'arrivée de chaque train); et, pour plus de détails, Dalloz et Vergé, op. cit., art. 5, nos 41 et suiv.

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6 Art. 9.

7 Art. 7. Une circulaire ministérielle du 20 floréal an X invite les tribunaux de première instance à adopter le règlement du tribunal de la Seine, approuvé par le garde des sceaux le 6 du même mois (Morin, De la discipline des cours et tribunaux, du barreau et des corporations d'officiers publics, 30 éd. (Paris, 1869, t. I, p. 44). Un juge-commissaire n'a pas le droit de fixer par voie de règlement les jours et heures de ses séances (Req. 15 juill. 1846; D. P. 46. 1. 272). 8 La loi du 25 mai 1838 autorisait les juges de paix à faire des règlements: Dans toutes les causes, excepté celles où il y aurait péril en la demeure et celles dans lesquelles le défendeur serait domicilié hors du canton ou des « cantons de la même ville, le juge de paix pourra interdire aux huissiers de sa « résidence de donner aucune citation en justice, sans qu'au préalable il ait appelé sans frais les parties devant lui (Art. 17). La loi du 2 mai 1855 a abrogé cette disposition (Voy., pour plus de détails, t. II, §§ 645 et 647). Morin, op. cit., t. II, p. 45. Tarbė, Lois et règlements à l'usage de la cour de cassation (Paris, 1840), p. 418. Massabiau, Manuel du ministère public, 4o éd. (Paris, 1876), t. III, no 4817. Trib. de Fougères, 24 janv. 1894 (D. P. 95. 2. 35; S. 94. 2. 183). La cour de cassation a annulé pour excès de pouvoir, le 21 juin 1880, une délibération relative à une cérémonie publique, dans laquelle le tribunal du Mans, le 26 mai précédent, avait exprimé des regrets au sujet d'une circulaire du garde des sceaux (S. 80. 1. 299). Voy., sur le droit, pour la cour de cassation, d'annuler non-seulement les jugements, mais encore tous les actes par lesquels les juges ont excédé leurs pouvoirs, infrà, § 200, et le tome VI.

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constitué pourvoit aux détails de son administration intérieure, n'ont évidemment rien de contraire au principe de la séparation des pouvoirs 10.

§ 11. 2o Les tribunaux ne peuvent s'opposer à l'exécution des lois'. Cette règle inutile aujourd'hui, tant le dessein d'arrêter l'exécution des lois est devenu étranger à nos mœurs judiciaires, a eu pour but, dans la pensée de l'Assemblée constituante, de supprimer une institution de l'ancien régime. Il était d'usage que les ordonnances royales fûssent envoyées aux cours souveraines, et que celles-ci, après les avoir examinées, les fissent transcrire sur leurs registres, et en envoyâssent des copies collationnées aux tribunaux inférieurs de leur ressort. Cette formalité, dont le premier exemple connu ne remonte pas au-delà de 12873, ne servit, d'abord, qu'à publier les ordonnances et à les rendre notoires « afin de perpétuel «< mémoire... ad futuram in perpetuum memoriam »*, et,

10 Je reviendrai plus loin sur une difficulté particulière : les tribunaux de commerce peuvent-ils, sans faire des règlements, donner une existence officielle et une organisation régulière aux corporations d'agréés qui exercent auprès d'eux? Voy. infra, § 285.

§ 11. 1 D. 16-24 août 1790, tit. II, art. 10 et 11. Const. 3 sept. 1791, tit. III, ch. v, art. 3. Const. 5 fruct. an III, art. 203. C. pén., art. 127-1°. A plus forte raison les tribunaux ne peuvent-ils modifier les lois et substituer leur volonté personnelle à celle du législateur, mais il ne leur est pas interdit, en cas d'erreur manifeste dans la rédaction d'un texte législatif, de préciser l'intention du rédacteur et de rendre à ce texte son véritable sens : de décider, par exemple, que l'article 307 du Code civil, qui renvoie, pour la procédure de la séparation de corps, aux articles 236 à 244 du même Code relatifs à la procédure du divorce, a entendu comprendre aussi dans ce renvoi l'article 245 (Dijon, 20 juill. 1896, S. 97. 2. 61; voy., sur cette question, le tome VII).

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2 « Les dispositions simples et claires de l'article 127 du Code pénal n'ont besoin d'aucun commentaire : on sent qu'en traçant le cercle où la magistra«<ture doit se mouvoir, le législateur avait sous les yeux l'exemple des anciens parlements, et craignait de voir leurs écarts se renouveler. Cette inquiétude était chimérique: la constitution actuelle de la magistrature, conforme, d'ail«leurs, à sa mission sociale, ne lui permet aucun empiètement » (ChauveauAdolphe et Faustin-Hélie, op. cit., t. II, nos 457).

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Ordonnances des rois de France (Paris, 1723-1847), t. I, p. 317. Du Cange a cru que cet usage n'était pas antérieur au règne de Jean II (Glossarium media vel infimæ latinitatis, éd. Henschel (Paris, 1840-1850), v° Homologare); voy, la réfutation de cette opinion dans Pardessus, Essai historique sur l'organisation judiciaire et l'administration de la justice depuis Hugues Capet jusqu'à Louis XII (Paris, 1851), p. 198 et suiv.

0.5 févr. 1388 et mai 1391 (Ordonnances des rois de France, t. VII, p. 225 et 420). Aj. lettres patentes du 10 juillet 1336 (Ib., t. II, p. 117) et du 11 mars 1344 (75., t. II, p. 219). Mably, Observations sur l'histoire de France, liv. VI.

jusqu'au règne de Charles VI, on ne s'avisa pas de considérer l'enregistrement comme nécessaire pour leur donner force de loi. La preuve en est dans le grand nombre d'édits et de lettres patentes qui furent expédiés directement aux baillis et aux sénéchaux, et dans un curieux passagé de Juvénal des Ursins, où l'on voit le conseil du roi tenir pour « suffisantes >> des ordonnances qu'on avait été chercher dans les registres de la chambre des comptes, de la chambre du trésor et du Châtelet, et qui n'avaient jamais été enregistrées au parlement'. D'ailleurs, il était admis, dès cette époque, que nonseulement les parlements, mais encore les baillis et les sénéchaux auxquels une ordonnance était envoyée directement, avaient le droit d'en suspendre l'enregistrement et d'en référer au roi mieux informé : c'est l'origine des remontrances qui jouèrent un si grand rôle dans notre histoire parlementaire, et qu'autorisèrent formellement les ordonnances du 23 mars 1302 et de juillet 1319'. Si le roi persistait dans sa première volonté, il prescrivait l'enregistrement par des lettres de jussion auxquelles les magistrats devaient obéir 10, ou venait lui-même tenir un lit de justice où l'ordonnance était enregistrée en sa présence". Les premières lettres de jussion dont

ch. v (dans ses Œuvres complètes (Paris, 1794-1795), t. III, p. 26 et suiv.). Gibert, Recherches historiques sur les cours qui exerçaient la justice (souveraine de nos rois, sous la première et la deuxième race et au commencement de la troisieme (dans les Mémoires de l'ancienne Académie des inscriptions et belleslettres, t. XXX, 1764, p. 605 et suiv.). Merlin, op. cit., vo Enregistrement. Pardessus, op. et loc. cit.

Merlin, op., vo et loc. cit.

Le Châtelet de Paris était l'endroit où se tenait la justice de la prévôté et vicomté de Paris. C'était une ancienne forteresse que Philippe-Auguste affecta à cet usage; on l'appelait aussi le grand Châtelet pour la distinguer du petit Châtelet qui servait de prison. Cette juridiction se composait d'un présidial, d'une chambre civile, d'une chambre de police et d'une chambre criminelle (Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique (Toulouse, 1779), v° Châtelet de Paris; Desmaze, Le Châtelet de Paris, son organisation, ses prévôts, ses avocats, procureurs, notaires (Paris, 1863), p. 1 et suiv.).

1 Histoire de Charles VI, ed. Godefroy (Paris, 1653), p. 254.

* De Barante, Les remontrances (dans ses Études historiques (Paris, 1858), t. II, p. 407 et suiv.). Dareste de la Chavanne, Histoire de l'administration en France (Paris, 1848), t. I, p. 326 et suiv.

'Ordonnances des rois de France, t. I, p. 361; t. II, p. 700.

10 Lettres de jussion du 25 août 1453 (Ordonnances des rois de France, t. XIV, p. 261), des 8 et 10 juin 1462 (Ib., t. XV, p. 498 et 499), des 8 novembre et 6 décembre 1469 (Ib., t. XVII, p. 263 et 264). Pardessus, op. cit., p. 203 et suiv.

11 Ce terme, dans son sens littéral, signifie le trône sur lequel le roi est

il y ait preuve authentique sont datées du 19 octobre 1371 12, et l'ordonnance du 17 novembre 1318, qui règle l'ordre et la tenue des lits de justice, montre que cet usage était déjà

établi

L'enregistrement changea plus tard de caractère, et devint une formalité indispensable sans laquelle les ordonnances n'eurent pas force de loi. Il paraît que Louis XI reconnut le premier aux cours souveraines ce privilège qui les associa au pouvoir législatif en leur permettant de s'opposer à l'exécution des lois"; en tout cas, depuis le xve siècle, les auteurs le proclament, les magistrats le revendiquent comme une de leurs principales prérogatives 16, la royauté le consacre expressément, et s'en sert quelquefois comme d'une arme défensive pour se refuser à l'exécution de ses propres ordonnances".

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assis, lorsqu'il siège solennellement en son parlement ou dans quelqu'une de «<ses autres cours souveraines. Sous les première et deuxième races, nos rois, « dans les séances solennelles qu'ils tenaient avec leur conseil et avec les grands de la cour, siégeaient sur un trône d'or; on a substitué depuis à ce trône d'or «un dais et des coussins, et, comme, dans l'ancien langage, un siège convert « d'un dais se nommait un lit, on a appelé lit de justice le trône où le roi siège « en son parlement ou autre cour. Cinq coussins forment le siège de ce lit: le roi est assis sur l'un, un autre tient lieu de dossier, deux autres servent comme de bras et soutiennent les coudes du monarque, le cinquième est sous ses pieds. On entend par lit de justice, dans le sens figuré, une séance solennelle « du roi au parlement de Paris ou dans quelqu'une de ses autres cours souveraines. Toute séance du roi en son parlement ou autre cour n'a pas le carac» tère de lit de justice, car anciennement nos rois honoraient souvent le parle«ment de leur présence sans y venir avec l'appareil d'un lit de justice; ils assistaient à l'audience et au conseil. On ne qualifie donc de lits de justice « que les séances solennelles de nos rois dans leurs cours » (Merlin, op. cit., v° Lit de justice).

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12 Ordonnances des rois de France, t. V,

P. 430.

13 Ib., t. I, p. 676. Aj., sur ce point, Merlin, op. et vo cit.; les curieux détails que donne Saint-Simon sur le lit de justice du 26 août 1718 (Mémoires, éd. Chéruel (Paris, 1856-1858), t. XVI, p. 414 et suiv.; aj. infrà, note 20); et, dans le P. Anselme (Histoire généalogique (Paris, 1726-1733), t. IV, p. 1), la copie d'un ancien tableau qui représente le lit de justice tenu le 29 mars 1331 pour le jugement de Robert, comte d'Artois.

1 Duclos, Histoire de Louis XI (La Haye, 1745), t. II, p. 443. Merlin, op. et vo cit. C'est sans doute pour cela que Voltaire fait remonter seulement au règne de Louis XI l'usage des remontrances (Histoire du parlement de Paris (Paris, 1769), p. 56). Voy., sur ce point, de Barante, op. cit., t. II, p. 408.

15 Laroche-Flavin, Treize livres des parlements de France, liv. XIII, ch. xvII et suiv. (éd. Bordeaux, 1617, p. 701 et suiv.). Castelnau, Mémoires, liv. III, ch. 1 (dans Michaud et Poujoulat, Collection des mémoires pour servir à l'histoire de France (Paris, 1836-1839), Ire sér., t. IX, p. 444).

16 Merlin, op. cit., vo Enregistrement. De Barante, op. cit., t. II, p. 411 et suiv.

17 Un mémoire rédigé par ordre de François Ier, en réponse aux prétentions que le duc de Savoie faisait valoir sur le comté de Nice en vertu de lettres pa

Les parlements représentaient ainsi le peuple de moins en moins consulté, et qui ne le fut plus du tout de 1614 à 178918; ils protégeaient le roi contre la faiblesse et la légèreté de ses résolutions, et c'est grâce à ce « retenail"» de sa toute-puissance que la monarchie française n'est pas devenue un gouvernement despotique. Toutefois, la couronne continua à forcer la main aux parlements au moyen des lettres de jussion et des lits de justice 20, et plus la royauté se rapprocha du pouvoir absolu, moins elle supporta le contrôle et la résistance des parlements. L'ordonnance de Moulins, en 1566, ordonna aux cours souveraines de faire leurs remontrances incontinent, et d'enregistrer les ordonnances immédiatement après que le roi aurait déclaré persister dans sa volonté. La déclaration

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tentes de 1523, porte expressément que ces lettres, présentées au parlement de Provence, n'y ont pas été enregistrées, et « partant lesdites lettres demeurent « encore sans effet aucun tant qu'elles soient vérifiées » (Merlin, op. et vo cit.). Le président du Ferrier, envoyé par Charles IX à la cour de Rome pour y plaider la nullité du Concordat, soutint la même thèse dans le discours qu'il prononça devant le pape« Moribus nostris et regum christianissimorum antiquis cons«titutionibus in hanc usque diem religiose observatis, nihil in Gallia publice, quod ad sacras vel humanas res pertineat, pro lege statuitur quod non sit "parlamenti arresto publicandum (Pithou, Libertés de l'Eglise gallicane,

ed. Dupuy (Paris, 1715), t. I, p. 121).

18 Voy. suprà, § 3, note 1.

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19 Etienne Pasquier, Les recherches de la France, liv. II, ch. 1v (dans ses Euvres, éd. Amsterdam, 1723, t. I, p. 66). De Barante, op. et loc. cit.

20 L'édit de 1516 relatif au Concordat, et celui de 1521 qui créait des offices venaux de conseillers au parlement de Paris, furent enregistrés, malgré la résistance du parlement, sur l'ordre formel de François Ier (Gaillard, Histoire de François Ier (Paris, 1819), t. III, p. 330 et suiv.; comp. infrà, § 102). On trouvera dans Merlin (Op. cit., vo Lit de justice, l'énumération des lits de justice qui se sont tenus depuis le commencement du xve siècle. Quelques-uns sont particulièrement célèbres : je citerai : 1o celui du 25 mai 1563, où Charles IX ordonna l'enregistrement d'un édit qui prescrivait de vendre une partie des biens du clergé, pour subvenir aux frais des guerres de religion (Henrion de Pansey, op. cit., t. I, p. 97 et suiv.); 2o celui du 15 janvier 1618, où furent enregistrés huit édits, dont l'un déclarait exigible la totalité du droit de franc-fief dù tous les vingt ans sur les fiefs possédés par les roturiers, et perçu pour la dernière fois quatorze ans auparavant (Henrion de Pansey, op. cit., t. I, p. 100 et suiv.); 3° celui du 26 août 1718, où furent enregistrées les déclarations royales qui restreignaient le droit de remontrances (Voy. infra, même §), interdisaient au parlement toute immixtion dans l'administration des finances, et retiraient aux enfants légitimés de Louis XIV la préséance qui leur avait été donnée sur les autres pairs (Saint-Simon, op. et loc. cit.). Le chancelier parcourait les rangs des magistrats pour recueillir les voix, afin qu'il y eût un semblant de délibération (Saint-Simon, op. cit., t. XVI, p. 466), et le parlement avait l'habitude, pour sauver le principe, de protester après coup contre la violence qui lui avait été faite (Henrion de Pansey, op. et loc. cit.). Voy. sur ces deux points, Merlin, op. et vo cit.

21 Isambert, op. cit., t. XIV, p. 191.

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