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dernier ressort'. Ces tribunaux siègent au chef-lieu de l'arrondissement et sont désignés par le nom de ce chef-lieu : par exception, les tribunaux des arrondissements d'Argelès, Boussac, Commercy, la Palisse, la Tour-du-Pin, Mauléon et Poligny siègent respectivement à Lourdes, Chambon, SaintMihiel, Cusset, Bourgoin, Saint-Palais et Arbois3. Le département de la Seine, qui forme trois arrondissements', n'a qu'un tribunal de première instance qu'on appelle tribunal de la Seine, et qui siège à Paris. On compte en France trois cent cinquante-neuf tribunaux de première instance.

§ 29. Les tribunaux de première instance ne jugent pas seulement en matière civile; ils connaissent aussi des affaires commerciales dans les arrondissements où elles sont le moins nombreuses'. Au contraire, les centres importants de

2 L. 27 vent. an VIII, art. 6. La division de la France en arrondissements, au point de vue administratif et judiciaire, ne remonte pas précisément à 1789. Le décret des 22 décembre 1789-janvier 1790 divisait le département en districts (Art. 2), et celui des 16-24 août 1790 établissait un tribunal par district (Tit. IV, art. 1), mais le district n'avait pas la même étendue que l'arrondissement actuel : il y avait dans chaque département trois districts au moins et neuf au plus (D. 22 déc. 1789-janv. 1790, art. 2). Les districts ont été supprimés par la constitution du 5 fructidor an III (Art. 5 et 219); la loi du 28 pluviose an VIII a créé les arrondissements (Art. 1 et 8).

3 L. 27 vent. an VIII, art. 8 à 11.

Tableau annexé à la loi du 28 pluviôse an VIII, art. 85. La loi du 2 avril 1880, qui supprime les sous-préfectures de Saint-Denis et de Sceaux, maintient cependant ces deux arrondissements : ils sont administrés directement par le préfet de la Seine, mais ils conservent leurs conseils d'arrondissement (Art. 2 et 3). L. 27 vent. an VIII, art. 40.

6 La suppression d'un certain nombre de tribunaux de première instance a été pendant longtemps à l'ordre du jour, quoiqu'elle soulevat les mêmes difficultés que la réduction du nombre des cours. Il est de fait que les tribunaux de première instance sont trop nombreux, et que beaucoup d'entre eux jugent trop peu d'affaires. On estime qu'un tribunal n'est suffisamment occupé que s'il expédie au moins deux cents affaires civiles par an; or on en compte aujourd'hui cent qui ne jugent pas cent affaires civiles, et vingt-trois qui n'en jugent pas cinquante (Varambon, op. et loc. cit.). Le projet de M. Bérenger signalé au § précédent, note 1, supprimait tous les tribunaux qui auront rendu en moyenne, dans les trois dernières années, moins de deux cent cinquante jugements civils contradictoires; il conservait, par exception, tous les tribunaux de chef-lieu de département, et tous ceux qui sont situés à plus de 40 kilomètres de ce chef-lieu et n'y sont pas reliés par un chemin de fer. La commission de la Chambre des députés n'accepta pas cette suppression, et n'admit que la réduction du nombre des juges dans les tribunaux les moins occupés (Voy. le rapport de M. Waldeck-Rousseau déposé le 1er juin 1880; Impressions de la Chambre des députés, 2 législature, no 2670). La loi du 30 août 1883 s'est bornée à réduire le nombre de juges dans les tribunaux les moins occupés (Voy. infrà, § 58, et sur cette loi, le § précédent, note 11, et infră, § 122).

§ 29. C. comm., art. 640.

commerce et d'industrie ont des tribunaux de commerce, qu'on appelle aussi tribunaux consulaires'. L'établissement de cette juridiction rentre dans les attributions du pouvoir exécutif, qui détermine par des décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique, le conseil d'État entendu, les villes qui sont susceptibles de recevoir des tribunaux de commerce à raison de l'importance de leur commerce et de leur industrie un décret du 6 octobre 1809 a créé un tribunal de commerce dans chacune des villes par lui désignées, et, à mesure que le besoin s'en fait sentir, de nouveaux tribunaux sont créés par des décrets rendus dans la même forme; un décret de même nature peut également les supprimer3. S'il n'y a qu'un tribunal de commerce dans l'arrondissement, sa compétence s'étend sur tout l'arrondissement; s'il y en a plus d'un, les décrets de création déterminent le ressort de chacun d'eux'.

§ 30. L'arrondissement se divise, au point de vue judiciaire, en cantons'. Une justice de paix est établie dans chaque canton; par exception, les grandes villes sont divisées en un certain nombre d'arrondissements de justice de paix, dont la population moyenne varie de dix à quinze mille

2 D. 16-24 mai 1790, tit. XII, art. 1. Voy., sur l'origine de cette dénomination, infrà, § 69.

3 C. comm., art. 615. L'établissement des tribunaux de commerce rentre dans les attributions du pouvoir législatif, mais le législateur l'a délégué au pouvoir exécutif (Glasson, Éléments de droit français (Paris, 1875), t. III, no 219 bis ; comp. suprà, § 1, note 1).

C. comm., art. 616. Voy., sur la création et le ressort des tribunaux de commerce, Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. I, nos 332 et 333.

§ 30. 1 Le canton, créé par le décret des 22 décembre 1789-janvier 1790 (Art. 3), est une circonscription purement judiciaire, à la différence de l'arrondissement qui est une circonscription à la fois administrative et judiciaire. Cependant quelques lois administratives ont utilisé la division de l'arrondissement en cantons; ainsi : 1o chaque canton élit un représentant au conseil général de son département et au conseil de son arrondissement (L. 22 juin 1833, art. 20; L. 10 août 1871, art. 4); 2o le canton est le centre des attributions administratives du juge de paix (Voy. infrà, § 48); 3o les tableaux de recensement pour le recrutement de l'armée sont dressés par canton, le tirage au sort se fait au cheflieu de canton, le conseil de révision y siège, et la fixation du nombre d'hommes qui seront envoyés en disponibilité dans leurs foyers se fait au prorata de la population cantonale (L. 15 juill. 1889, art. 10, 16, 19 et 39). Quant au département, c'est une circonscription administrative et judiciaire, puisqu'il forme le ressort d'une cour d'assises (Voy. infrà, § 41).

2 D. 16-24 août 1790, tit. III, art. 1.

habitants3; Paris forme vingt arrondissements municipaux, auxquels correspondent autant de justices de paix.

§ 31. Il existe aussi dans les villes de fabrique, pour le jugement des contestations entre ouvriers ou entre patrons et ouvriers, des conseils de prud'hommes établis en vertu de décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique, après avis des chambres de commerce ou des chambres consultatives des arts et métiers: ces décrets indiquent la circonscription du conseil, les genres d'industrie qui y seront représentés, et le tribunal où sera porté l'appel de ses jugements en premier ressort'. Ces conseils peuvent être dissous par un simple décret rendu, sans l'intervention du conseil d'État, sur la proposition du ministre de l'agriculture et du commerce. Plusieurs conseils peuvent exister dans la même ville: il y en a quatre à Paris, un pour les

3 D. 16-24 août 1790, tit. III, art. 2. L. 8 pluv. an X, art. 7. L. 16 juin 1859, art. 2.

§ 31. 1 L. 18 mars 1806, art. 34. D. 12 juin 1809, art. 2. L. 1er juin 1853, art. 1. Voy. dans Dalloz, op. cit., vo Prud'hommes, supp., no 8, le tableau des villes qui possèdent actuellement cette juridiction. Le préfet transmet au ministre de l'agriculture et du commerce les propositions relatives à l'établissement d'un conseil de prud'hommes; elles doivent être accompagnées : 1o de la délibération de la chambre du commerce ou de la chambre consultative des arts et métiers qui appuie la demande; 2o de la délibération du conseil municipal qui s'engage à subvenir aux dépenses; 3° d'un tableau qui indique les industriels justiciables du futur conseil, la division de ces industries en catégories, et, dans chacune d'elles, le nombre des patrons, des ouvriers et des prud'hommes à élire (Circ. minist. de l'agriculture et du commerce, 6 juill. 1853; D. P. 53. 4. 94). Les lois qui ont institué cette juridiction n'ont en vue que la réglementation du travail proprement dit, celui des manufactures, fabriques et ateliers (L. 22 germ. an XI, art. 1; L. 18 mars 1806, art. 34; D. 11 juin 1809, art. 1); il appartient donc au Gouvernement de décider si la ville qui sollicite la création d'un conseil de prud'hommes est une ville de fabrique, et cette détermination n'est pas exempte de difficulté (Voy., sur ce point, Mollot, De la compétence des conseils de prud'hommes et de leur organisation (Paris, 1842), nos 27 et suiv.); et, sur toutes les questions relatives à cette juridiction, outre les autorités citées infrà, §§ 51 et suiv., 163 et suiv., et t. III, §§ 1010 et suiv., Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. I, no 529 et suiv., Grélot, Les conseils de prud'hommes, origine, histoire, organisation et législation (dans la France judiciaire, t. I, 1877, Ie part., p. 529 et suiv.), Constant, De l'organisation et de la compétence des conseils de prud'hommes (Ib., t. XVIII, 1894, Ie part., p. 65 et suiv., 129 et suiv.).

2 L. 1er juin 1853, art. 16. On a vu suprà, § 23, que les conseils de prud’hommes relèvent du ministère de l'agriculture et du commerce.

3 Il ne faut donc pas prendre à la lettre l'article 34 de la loi du 18 mars 1806 : « Il pourra être établi un conseil de prud'hommes dans les villes de fabrique où « le Gouvernement le jugera convenable ».

métaux et les industries diverses s'y rattachant, un pour les tissus, un pour les produits chimiques, un pour les bâtiments divisé en deux sections. Les villes du littoral de la Méditerranée Marseille, Toulon, Cannes, Cassis, Saint-Tropez, Antibes, Bandol, Saint-Nazaire de Provence, Martigues, Saint-Laurent, Bages, Leucate et la Seyne, ont des prud'hommes - pêcheurs pour le jugement des contestations en matière de pêche maritime.

§ 32. La hiérarchie qui existe entre ces juridictions est absolument contraire aux desseins des législateurs de 1790: ils ne craignaient rien tant que de constituer trop fortement les corps judiciaires, et de créer entre eux un rapport de supériorité qui donnerait aux plus élevés une puissance inquiétante pour la souveraineté nationale'. Le rétablissement de la hiérarchie judiciaire date du retour de la France aux institutions monarchiques sous le Consulat. Elle ne se traduit pas seulement par la gradation des traitements", les diffé

D. 8 mars 1890, art. 1, 2, 5 et 11. D. 10 juin 1890, art. 1.

D. 8-12 déc. 1790. D. 9-19 janv. 1790. D. 4-20 mars 1791. D. 17-27 mars 1791. D. 3 avr. 1793. Arr. 23 mess. an IX. A. 26 prair. an XI. Les prud'hommes-pêcheurs du littoral de l'Océan n'exercent aucune juridiction, et ne sont chargés que de constater les infractions aux lois et règlements sur la police de la pêche, et d'en poursuivre la répression (D. 25 avr. 1812, art. 13 et suiv.; D. 9 janv. 1852, art. 16; D. 4 juill. 1853, art. 9).

§ 32. Voy. les discours prononcés par Duport, Barnave, Thouret, Tronchet, Beaumetz, Chabroud, Dedelay d'Agier, Brillat-Savarin et Mougins (Séances des 30 mars, 1er, 2 et 26 mai, 20 et 23 juillet 1790; Moniteur des 31 mars, p. 370, 1er mai, p. 494, 2 mai, p. 497 et 498, 27 mai, p. 598, 23 juillet, p. 838, 25 juillet, p. 848 et 849, 26 juillet, p. 851). Le comité de constitution, qui admettait l'établissement des tribunaux d'appel, disait dans un article de son projet : « La distinction des deux degrés de juridiction n'établit aucune différence ni supériorité personnelle entre les juges » (Moniteur du 23 juillet 1790, p. 838); l'Assemblée entra encore plus avant dans la même voie, en décidant qu'il n'y aurait pas de tribunaux d'appel, et que les tribunaux de district seraient juges d'appel les uns à l'égard des autres (Voy. infrá, § 74).

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2 SC. 16 therm. an X, art. 82 et 83.

3 Voy.: 10 pour les traitements des membres de la cour de cassation, O. 7 nov. 1837, art. 1, D. 19 mars 1851, art. 1; 2° pour ceux des membres des cours d'appelet des tribunaux de première instance, la loi du 30 août 1883 qui a supprimé toute distinction de traitement entre les cours, Paris excepté, et réparti les tribunaux en trois classes (celui de la Seine excepté) au lieu de six qu'ils formaient antérieurement (Art. 3 et 7); 3° pour ceux des juges de paix, L. 21 juin 1845 (Art. 1). On n'a pas manqué de critiquer, à cet égard, nos institutions judiciaires : on a dit, non sans raison, que la fonction de juger est la plus haute qui existe, que tous ceux qui l'exercent sont égaux en dignité, et qu'on la rabaisse en l'or

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rences de costume et les prérogatives honorifiques des magistrats les plus haut placés'; elle consiste aussi et surtout dans le pouvoir disciplinaire dont la cour de cassation est armée à l'égard des magistrats, et dans la surveillance que les cours d'appel peuvent exercer sur les tribunaux inférieurs. Ces cours, chargées de tenir la main, dans tout leur ressort, à la bonne administration de la justice, ont un droit de surveillance sur tous les tribunaux du ressort', et se réunissent en assemblée générale, au commencement de l'année, pour entendre les observations du ministère pu

ganisant sur le modèle des autres administrations publiques. On ajoute qu'une hiérarchie si compliquée porte une atteinte indirecte à l'indépendance des juges, et que le Gouverneuent a trop de prise sur les magistrats, même inamovibles, s'ils ont jusqu'à la fin de leur carrière un avancement à désirer, à espérer et à demander (Voy. le rapport de M. Varambon cité, suprà, § 27, note 1). La loi du 30 août 1883 a donné en partie satisfaction, sur ce point, à l'opinion publique, et la révision, souvent demandée, des lois qui régissent le mode de nomination et l'avancement des magistrats tendrait à peu près au même but (Voy. infrà, § 104).

A. 2 niv. an XI. Arr. 2) vend. an XI. D. juin 1806. D. 6 oct. 1809. D. 6 juin 1811. D. 7 juill. 1811. O. 25 déc. 1822. D. 18 juin 1852. Voy., sur ce point, Glasson, Les origines du costume de la magistrature (dans la France judiciaire, t. VII, 1883, le part., p. 128 et suiv.).

Voy. infra, § 120.

6 La cour d'appel avait autrefois, sur les membres des tribunaux de première instance, et ces tribunaux sur les juges de paix (SC. 16 therm. an X, art. 83; L. 20 avr 1810, art. 51 et suiv.), un pouvoir disciplinaire qu'a supprimé la loi du 30 août 1883 (Art. 14; voy. infra, § 151).

7 SC. 16 therm. an X, art. 83.

8 Aux termes de la loi du 20 avril 1810 (Art. 8), cette assemblée doit se tenir le premier mercredi qui suit la rentrée, mais on la renvoie généralement aux premiers mois de l'année grégorienne; cette année sert de base aux comptesrendus statistiques, et, quand la cour les a sous les yeux, il lui est plus facile d'apprécier les travaux des tribunaux de son ressort, par comparaison avec ceux des exercices précédents. L'usage de tenir cette assemblée un mercredi est très ancien, et de là vient qu'on appelle mercuriales: 1° les discours qu'y prononce l'organe du ministère public auprès de la cour (D'Aubigné, Histoire universelle, (Maillé, 1616-1620), t. I, p. 83; Carloix, Mémoires de la vie du maréchal de Vieilleville, liv. III, ch. xxvi (dans Michaud et Poujoulat, op. cit,, le sér., t. IX, p. 279; Laroche-Flavin, op. cit., liv. XI, ch. 1 et suiv. (p. 642 et suiv.); 2o par extension, les discours qu'il prononce aux audiences solennelles de rentrée (Voy. infra, § 35). L'usage des mercuriales remonte au xve siècle : elles avaient lieu, d'abord, tous les mois (O. juill. 1493, art. 10; Ordonnances des rois de France, t. XX, p. 410), puis tous les trois mois (O. Moulins, 1556, art. 3; Isambert, op. cit., t. XIV, p. 191), puis tous les six mois (0. Blois, 1579, art. 144; Isambert, op. cit., t. XIV, p. 415). Voy. Jousse, De l'administration de la justice civile (Paris, 1771), t. II, p. 255; les dix-neuf mercuriales qu'a prononcées d'Aguesseau de 1698 à 1715 (dans ses Œuvres, éd. Pardessus (Paris, 1819), t. I, p. 47 et suiv.), et celles de Domat au présidial de Clermont (dans ses Œuvres complètes, (Paris, 1777), t. I, p. 248).

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