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NÉCROLOGIE.

AUGUSTE BARTH

(1834-1916).

Depuis quelques années la signature d'Auguste Barth avait à peu près disparu de ce recueil. En respectant si parfaitement l'intégrité de ses hautes facultés, la limpidité de son esprit, la solidité et l'étendue d'un savoir merveilleusement précis, l'âge avait ralenti seulement sa plume alerte. A cette heure de deuil qui clôt une carrière si féconde, le Journal des Savants ne saurait oublier la dette de reconnaissance émue que lui laisse une collaboration brillante de onze années. Barth avait en 1895 pris, comme « auteur », dans les cadres de l'ancienne organisation la place qu'il y conserva jusqu'en 1902. C'est seulement en 1906 que s'arrètèrent ses communications. Il représenta ici l'indianisme avec l'autorité et la diversité de son information profonde, avec la netteté toujours avisée et prudente de ses vues générales. Que, à propos de la Religion du Veda de M. H. Oldenberg, il définisse la nature de la poésie védique ou scrute les origines religieuses, que, à propos des vues du P. Dahlmann sur le Mahabharata, il s'attaque à la formation, au caractère, à la chronologie de l'immense épopée, toujours, parmi les problèmes les plus vastes et les plus épineux, il se meut avec une aisance souriante. Sa discussion invariablement courtoise, naturellement sympathique parce que très pénétrante, se développe sans effort apparent comme dans une atmosphère lumineuse, sous une forme souvent ingénieuse et piquante.

Aucune région de son domaine qui ne lui soit familière. Personne n'était plus que lui qualifié pour embrasser dans une vue d'ensemble l'importante publication fondée par Bühler sur la Philologie et l'Archéologie de l'Inde. Si la chronologie, l'astronomie, l'histoire des sciences étaient en jeu, il se souvenait d'avoir à ses débuts orienté sa vie vers l'étude des mathématiques: sa curiosité de l'art n'était pas moins éclairée que n'était aiguë sa vision des subtilités de la grammaire ou de la liturgie.

Le bouddhisme l'attire, soit que son esprit réaliste y poursuive un reflet

plus immédiat de vie historique, directe et populaire, soit que, dans les souvenirs de pèlerins chinois rendus à notre étude, il recueille pour la connaissance de l'Inde ancienne de nouvelles clartés. De là, à côté de notices sur le Mahâvastu, sur les fouilles du D' Führer au Népal, son étude sur les mémoires d'Itsing. Il devait étendre largement cette campagne d'indianisme hors de l'Inde. Attiré vers l'Indochine par la publication des inscriptions du Campà. il consacra au Cambodge, à son histoire et à ses monuments une attention croissante. Ces articles marquent tout un aspect spécial de son activité où son attachement passionné pour l'honneur et le bon renom de la France ne le soutînt pas moins que le zèle de la recherche. S'armant peu à peu avec son habituelle maîtrise d'une information patiemment élargie, il devint le conseiller le plus sûr, le promoteur le plus autorisé des études relatives à l'Indochine.

Observateur partout attentif et amusé de la vie populaire, il promenait volontiers sa critique sans pédantisme dans le monde chatoyant des traditions et des contes. De ce penchant aussi rendent témoignage ses articles de 1903-1904 sur L'origine et la propagation des fables.

Ce n'est pas assez de constater que le Journal des Savants a largement puisé au trésor de science et d'esprit d'Auguste Barth. Il y a plus et il y a mieux. Entre ce collaborateur d'élite et les tendances traditionnelles d'un recueil qui, dans un respect inviolable des méthodes rigoureuses, s'attache volontiers à dégager de la masse des faits les idées directrices, il y avait comme une convenance préétablie. De vie modeste mais indépendante, sans ambition et surtout sans vanité, Barth était sollicité faiblement par le goût d'écrire pour le public. Son esprit très averti, assez sceptique, s'effrayait sagement des grandes entreprises personnelles où s'engage à fond la responsabilité des thèses doctrinales. Volontiers il se cantonnait dans les comptes rendus brefs et techniques. L'appel de cette maison lui apporta une tentation heureuse; il put, à ses heures et suivant l'avancement de sa pensée, s'exprimer en développements un peu plus amples. Cette collaboration lui fut un stimulant précieux et lui offrit un cadre bienvenu. Le Journal des Savants peut se féliciter d'avoir par là bien servi la science française; il doit surtout se glorifier de conserver plusieurs des pages où se sont le plus heureusement épanouis les dons éminents d'un des esprits de ce temps qui l'ont le plus honoré.

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NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.

LES ÉTUDES ICONOGRAPHIQUES EN RUSSIE.

Au moment où les découvertes des peintures des grottes de Cappadoce ont renouvelé complètement l'idée qu'on se faisait de l'évolution de l'art byzantin, l'étude des icones peintes dispersées dans les églises et les musées d'Europe offre un intérêt capital, car c'est sur ces petits monuments que l'on peut suivre le mieux la tradition de l'art monastique. La constitution d'un corpus des icones rendrait à l'archéologie byzantine des services inappréciables. On apprendra donc avec plaisir la publication d'une revue russe, Rousskaïa Ikona, dirigée par Makovskij (Pétrograd, depuis 1914) et consacrée entièrement à l'étude des icones. Chaque livraison contient 30 à 35 reproductions d'icones, dont 4 ou 5 en couleur par le procédé trichrome. Signalons dans le même domaine la publication nouvelle de Kondakov, Ikonografia Bogomateri, (Iconographie de la Mère de Dieu), Pétrograd, 1914 (Publications de l'Académie des Sciences), 9 vol. L'auteur étudie successivement la figure de la Vierge, sous les aspects suivants : I. Peintures des catacombes et sarcophages. II. Vierge orante et sa signification pour l'ordre des vierges et diaconesses. III. Mosaïques de Sainte-Marie-Majeure et ve siècle. - IV. En Syrie et en Égypte.

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V. Aux v et vi siècles et sur les premières icones de dévotion. VI. Aux vi et vi° siècles dans l'Orient hellénique. VII. Sur les monuments occidentaux des VII et VIII siècles et à Sainte-Marie antique. VII. Dans l'Occident roman aux vIII-IX siècles. - IX. Dans l'art byzantin, à Constantinople et à Salonique.

L. B.

UNE NOUVELLE REVUE BYZANTINE.

Il s'agit en réalité de la transformation des Vizantijskij Vremennik (Byzantina Chronica) publiées depuis 1894 par l'Académie des Sciences de Pétrograd, sous la direction du professeur Regel. Au tome XXI des Vizantijskij Vremennik (1914), succède le tome I de la Vizantijskoe Obozrienie (Revue Byzantine, 1915) avec le mème directeur, les mêmes

SAVANTS

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collaborateurs et la même disposition en trois sections (articles de fond, comptes rendus, textes). Mais la nouvelle revue est désormais publiée à Youriev sous le patronage de la Faculté historico-philologique de l'Université de Youriev. Les langues admises pour la rédaction des articles sont le russe, le français, l'anglais, le latin et le grec. Les tables des matières sont rédigées en russe et en français. On ne peut qu'applaudir à cette transformation qui est destinée à coordonner les efforts des savants russes dans le domaine de l'érudition byzantine.

L. B.

BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ HARVARD.

Sous le titre de Descriptive and Historical Notes, les Bibliographical Contributions of the Library of Harvard ont donné en 1903, sous le no 55. un état de la Bibliothèque de cette célèbre Université qui comprenait un total de 607 214 volumes; nous avons parlé dans le Journal des Savants, avril 1912, d'une seconde édition de ces Notes. Une troisième édition de ces Notes, vient d'être donnée par Alfred Claghorn Potter, bibliothécaire adjoint. La Bibliothèque de l'Université de Harvard renferme toutes les collections de livres que possède cette Université. Elle comprend la collection centrale, placée aujourd'hui dans la Harry Elkins Ebener Widener Memorial Building, et onze bibliothèques départementales : la bibliothèque théologique AndoverHarvard, l'Arnold Arboretum (dans Jamaïca Plain), l'Observatoire astronomique, l'Observatoire météorologique de Blue Hill (à Readville), la Bussey Institution (Jamaïca Plain), l'École dentaire (à Boston), l'Herbier Gray, l'École de Droit, l'École de Médecine (à Boston), le Muséum de Zoologie comparée et le Peabody Museum. Le nombre total des volumes et brochures est 1882 993 dont 1 108 050 dans la collection principale (College Library) dont le nouveau bâtiment construit aux frais de Mrs. Widener, a été inauguré le 24 Juin 1915. Nous remarquerons que l'histoire de France est représentée par plus de 23 000 volumes, dont un grand nombre de cartulaires et d'ouvrages sur le moyen âge et un fonds Jeanne d'Arc formé par le juge Francis C. Lowell, de Boston, qui l'a légué à la Bibliothèque en 1911; la littérature française comprend 17750 volumes, sans compter 3328 volumes de périodiques littéraires; une chambre spéciale est réservée dans la Bibliothèque aux principaux ouvrages de littérature française, soit 2 648 volumes, avec les livres de référence.

H. C.

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| préteurs d'abord en 227 de 2 à 4, un pour la Sardaigne et un pour la Sicile, puis en 191 de 4 à 6 pour les provinces. espagnoles; le chiffre des questeurs subit une ascension parallèle.

On ne pouvait continuer dans cette voie si le nombre des magistrats s'était accru davantage, il aurait été indispensable soit de renoncer droit moral, sinon légal, qu'avaient les

au

Dans ce petit article, M. Frank Burr Marsh met en relief le caractère irrégulier et intermittent de l'expan-ex-magistrats d'entrer au Sénat, soit sion romaine vers la fin de la république et en recherche les causes.

Tandis que de 241 à 197, en quarante-quatre ans, Rome s'annexe quatre provinces, la Sardaigne, la Sicile, les Espagnes ultérieure et citérieure, elle n'acquiert aucun nouveau territoire de 197 à 146, en cinquante et un ans; de même, entre 146 et 121, en vingt-cinq ans, quatre autres provinces sont annexées, Macédoine, Afrique, Asie, Narbonnaise, et entre 121 et 63, en cinquante-huit ans, aucune.

Pourquoi ces deux périodes de stagnation, de repos, entre 197 et 146, entre 121 et 63, pendant lesquelles la république évite soigneusement, avec une aversion marquée, tout agrandissement? Elles tiennent, selon M. Frank Burr Marsh, à la composition du Sénat et à la situation qui lui était faite dans l'État romain.

A la tête des provinces, il fallait un gouverneur armé de l'imperium, c'està-dire un magistrat romain. L'accroissement du nombre des provinces entraînait donc un accroissement du nombre des magistrats. Comme il était hors de cause qu'on augmentât le nombre des consuls, on porta les

| d'élargir les cadres de cette assemblée. Comme on ne voulait pas recourir à ces mesures extrêmes, l'une et l'autre fort dommageables à l'aristocratie, le Sénat fut amené à renoncer aux conquêtes.

Au bout de cinquante ans, il fallut aviser. Au milieu du n° siècle avant J.-C., la politique du Sénat en Macédoine ayant échoué, l'annexion devenait nécessaire; la destruction de Carthage mettait en même temps l'Afrique aux mains de Rome. Pour faire face à cette situation, le Sénat renonça au système de gouvernement par des préteurs et élabora un nouveau plan. Il eut recours à l'emploi de promagistrats, à la prorogation dans sa fonction d'un consul ou d'un préteur au delà du terme régulier de sa magistrature. La substitution du promagistrat au magistrat permit de répondre aux besoins d'une nouvelle période d'expansion; elle avait en outre l'avantage de laisser libres les six préteurs pour s'occuper des affaires judiciaires, de plus en plus nombreuses, à Rome même pendant leur année de charge. 146 peut être considéré comme le début de cette nouvelle forme d'administration provinciale.

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