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camp et massacre de ses défenseurs.

Ensuite nous suivons toutes les péripéties des sièges des places fortes vieille femme espionne qui du pied du rempart donne des renseignements à un assiégé; groupe d'assiégeants porteurs d'échelles qu'ils vont appliquer contre la muraille; chariot roulant et beffroi à tourelles desquels des archers tirent sur les assiégés; mines et contre-mines; puis de menus épisodes tels qu'un médecin qui soigne un blessé et une cantinière qui apporte de la boisson aux combattants. La guerre se termine et les dernières figures nous montrent le vainqueur recevant les clefs de la ville apportées humblement par le vaincu en chemise et pieds nus, ou bien recevant une relique des mains d'un évêque, et rentrant enfin dans sa ville reçu par tout le clergé qui s'avance au-devant de lui, pour le féliciter.

Ces gravures montrent qu'il régnait au XVe siècle une grande variété dans l'armement. Le cavalier se sert de la lance et de l'épée seulement, mais le

fantassin a des armes multiples à sa disposition : le fauchard, lame de faux emmanchée droite au bout d'un long bâton, la guisarme, la vouge, le godendac, la hallebarde, la hache, la masse d'armes, le marteau de guerre. A cette époque les armes à feu commencent à être employées canons sur affût fixe, canons sur affût à roues, puis les armes portatives nommées bâtons à feu ou traits à poudre.

M. Henry Martin a joint à ces gravures, qu'il a choisies très judicieusement, un commentaire détaillé, qui dénote une connaissance approfondie de l'art militaire au xve siècle.

Cette brochure complète très heureusement la série d'albums historiques d'actualité que la librairie Laurens a publiés depuis quelques mois et qui comprend notamment la Marseillaise et le Chant du départ; le Sacre de Louis XV à Reims; la Colonne de la Grande armée; Soissons avant la guerre; Reims avant la guerre.

H. D.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

COMMUNICATIONS.

16 juin. M. Franz Cumont fait, d'après les détails qu'il tient de M. Holwerda, conservateur au Musée de Leyde, une communication sur les fouilles qui vont être entreprises à Vechten sur le Rhin inférieur par la Société anthropologique néerlandaise et la Société historique d'Utrecht.

Fectio, aujourd'hui Vechten, fut sous l'Empire le grand entrepôt du

commerce fluvial et maritime dans l'extrême-nord de la Gaule. On y a découvert depuis longtemps des dédicaces où l'Océan et le Rhin sont invoqués à la suite de la triade capitoline. On y a trouvé aussi quantité de tessons de terra sigillata. Fectio était aussi, dès le début du premier siècle de notre ère, une place forte et une station de la flotte impériale, et en 16 après J.-C. elle servit très vraisemblablement de base navale à Ger

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manicus lors de son expédition de Germanie. Des sondages ont permis déjà de déterminer l'emplacement exact du vieux camp romain, et l'on a mis au jour un petit autel portant une dédicace à un triéarque ou capitaine de la flotte.

- M. Cagnat lit, de la part de M. De Pachtere, lieutenant de zouaves, actuellement à Salonique, une note sur l'emplacement du camp de la légion troisième Auguste d'Afrique au premier siècle de l'Empire. M. De Pachtere estime que ce camp était situé non point à Tebessa, mais dans la localité appelée aujourd'hui Haïdra en Tunisie.

- M. Morel-Fatio communique une étude qui sera publiée prochainement ici sur un recueil dans lequel M. le duc de Medinaceli a reproduit. les documents les plus importants de ses archives et de sa bibliothèque.

23 juin. M. Jullian communique, au nom de M. Philippe Fabia, une note sur la mosaïque de l'ivresse de Bacchus découverte à Vienne en 1841 et reconstituée au Musée de Lyon en 1867. Entre l'original et la reconstitution il y a une différence considérable. Plusieurs parties étant hors d'usage et l'emplacement de la repose n'étant pas assez vaste, la mosaïque raccourcie et rétrécie fut réduite de 45 caissons à 24 et perdit en outre son seuil. Mais tous les éléments supprimés ne furent pas détruits. M. Fabia a retrouvé le seuil et 12 caissons entiers ou fragmentaires, soit dans la décoration composite d'un vestibule et d'un soubassement, soit dans les dépôts du musée.

- M. Franz Cumont fait une communication sur un fragment de sarcophage exposé dans la nouvelle section chrétienne du Museo Nazionale

de Rome. Au milieu de figures purement païennes (Victoires ailées, quatre Saisons) est sculptée une représentation du chandelier à sept branches. Ce tombeau a probablement été celui d'un de ces « judaïsants », qui combinaient les doctrines bibliques avec les croyances des mystères dionysiaques. Les images des Saisons, qui rappellent la mort et le réveil annuels de la nature, étaient devenues des emblèmes de la résurrection et purent être acceptées comme telles par le judaïsme aussi bien que par le christianisme. Le candélabre à sept branches était regardé comme un symbole des planètes, et il fait allusion à la vie bienheureuse réservée aux âmes pieuses qui, croyait-on, devaient revivre au ciel brillantes comme des astres. Le sarcophage du Museo Nazionale prouve en outre, comme le font quelques autres monuments, que la prohibition de représenter la figure humaine n'a pas toujours été strictement observée à Rome par les adeptes d'un judaïsme plus ou moins orthodoxe.

30 juin. M. Paul Fournier fait une communication sur une décision du deuxième concile de Latran tenu en 1139 sous la présidence du pape Innocent II. Le concile prohibe l'usage, dans les guerres entre chrétiens, de l'arc et de l'arbalète considérés comme des engins trop meurtriers; cette disposition fut insérée au siècle suivant dans le recueil officiel des Décrétales. Elle fait partie d'une série de mesures prises par l'Église

atténuer les maux de la guerre, pour qu'elle se reconnaissait impuissante à supprimer; on sait que la plus ancienne de ces mesures est la trêve de Dieu. Alors prit naissance un courant qui reparut à l'époque moderne,

et trouva son expression dernière dans les conventions diplomatiques, systématiquement méconnues et violées par nos adversaires, qui répudient ainsi les meilleures traditions de la société chrétienne. Les motifs de la décision du concile de Latran furent le perfectionnement du mécanisme de l'arbalète qui devenait une arme dangereuse, et les modifications qui se produisirent dans la tactique du combat à la suite de la première croisade. Cette décision ne fut guère respectée que par la France dont les soldats, pendant près d'un demi-siècle, s'abstinrent d'employer l'arbalète.

- M. Antoine Thomas signale une curieuse tentative faite, aux environs de l'an 1300, à Paris même, pour distinguer dans l'orthographe du français l'e final masculin de l'e final féminin. Elle consiste à écrire l'e masculin par un e cédillé, procédé que l'on retrouve seulement au XVIe siècle, où Giles du Wès, professeur de français du roi d'Angleterre Henri VIII, et Louis Meigret en firent un large emploi. Le

seul manuscrit où M. Antoine Thomas ait constaté cet usage est le journal du Trésor de Philippe le Bel pour les années 1298-1301, conservé à la Bibliothèque nationale, fonds latin, n° 9783.

Prix Gobert. Le premier prix est décerné à M. Delachenal pour son tome III de l'Histoire de Charles V, le deuxième prix est décerné à M. l'abbé Dussert pour son ouvrage : les États du Dauphiné aux XIVe et XVe siècles.

Le prix Duseigneur est décerné à M. Leite de Vasconcellos, professeur à l'Université de Lisbonne, pour l'ensemble de ses travaux d'archéologie hispanique.

Nécrologie. M. GASTON MASPERO, secrétaire perpétuel, qui avait été élu le 24 juillet 1914 en remplacement de M. Georges Perrot, a succombé subitement le 30 juin, à l'Institut, pendant le cours mème de la séance. M. Maspero fut longtemps le collaborateur du Journal des Savants. Une prochaine notice rappellera le concours très précieux qu'il apporta à ce recueil,

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JOURNAL

DES SAVANTS.

AOUT 1916.

UN THEOLOGIEN GREC DE LA RENAISSANCE

EN MOSCOVIE.

V. S. IKONNIKOV. Maxim Grek i ego vremia (Maxime le Grec et son temps). 2 édition, un vol. in-8°, Kiev, Typographie de l'Université, 1915.

M. Ikonnikov, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter aux lecteurs du Journal des Savants (1910, p. 284), a fait toute sa carrière à Kiev. Il y a enseigné pendant près d'un demi-siècle; il y a publié d'excellents ouvrages; et c'est dans cette ville qu'il a récemment entrepris de donner une édition complète de ses œuvres, qui commence par l'ouvrage dont le titre figure en tête de cet article. Il y a plus de quarante ans que la première édition a paru. L'auteur a fait à la seconde quelques additions. Le héros de ce volume, Maxime le Grec, joua un rôle important dans l'histoire de l'Église l'époque de la Renaissance. Sa figure mérite bien de nous arrêter quelques instants.

I

Il était né vers 1475 à Arta, dans la principauté d'Épire, occupée par les Turcs depuis 1449. Ses parents étaient des philosophes, c'est-à-dire des gens instruits, dit un texte grec. Un autre qualifie son père de voévode, autrement dit gouverneur ou général, ce qui, au lendemain de la conquête ottomane, paraît assez peu vraisemblable. Maxime lui

SAVANTS.

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même nous rappelle dans ses œuvres qu'il avait, comme un certain nombre de ses compatriotes, passé sa jeunesse en Italie. Son séjour paraît s'y être prolongé pendant une dizaine d'années, de 1495 à 1505. Dans une épître dédicatoire au grand prince Vasili Ivanovitch (15051533) il se glorifie d'avoir étudié chez des maîtres renommés qu'il ne désigne pas nominativement. Il mentionne les villes de l'Italie où il avait résidé Venise, Padoue, Florence, Ferrare et Milan. C'est surtout à Padoue que se réunissaient les étudiants hellènes. La chaire de philosophie était occupée par un de ses compatriotes, l'Épirote Nicolas Tomaios, qui s'appliquait à concilier Aristote et Platon et qui interprétait Aristote d'après les textes, et non plus d'après les arrangements des Arabes et de la scolastique.

A Milan il put entendre Démétrius Chalcondyle, à Venise Jean Lascaris. Il n'en parle pas; mais il visitait souvent Alde Manuce et il s'occupait chez lui de « choses littéraires ». Il ne semble pas être allé à Rome, bien qu'il fasse allusion au pape Alexandre Borgia qui, dit-il, par ses crimes et sa méchanceté surpassait tous les criminels.

Quel fut l'objet de ses études durant ces dix années de voyage, il ne le dit pas exactement. S'il s'initia à l'astrologie, il ne s'y adonna point, ayant conservé la pureté de sa foi en Dieu. Il eut l'occasion de rencontrer Savonarole, et il parle avec enthousiasme de ce moine qui brùlait de l'amour divin et qui voulut mourir pour affirmer sa dévotion et la gloire de Dieu. « Car ceux en qui brûle le feu du zèle, ceux là sont prêts non seulement à sacrifier leurs biens, mais à souffrir la torture et même à mépriser la vie. »

Maxime aurait peut-être pu rester en Italie et se livrer, comme tant d'autres de ses compatriotes, à l'enseignement. Mais la vie monastique l'attirait, peut-être aussi la vie studieuse et contemplative. Le mont Athos comptait alors jusqu'à dix-huit monastères tous pourvus de riches bibliothèques. Maxime entra au monastère de Vatopedi, l'un des plus riches et des plus artistiques de la Sainte Montagne"). Il passa dix ans dans cette retraite et se soumit à tous les devoirs de sa nouvelle condition. Obéissant à la règle, il abandonnait ses lectures pour aller faire des quêtes en faveur de la commu

Alexandre Neyrat, L'Athos (Paris, Plon, 1886). Ce volume renferme une

vue photographique du monastère de Vatopédi.

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