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Vous avez remarqué, à la fin de ce message, que le Directoiré exécutif espérait alors qu'il ne serait besoin d'aucune mesure hostile ultérieure, pour réparer les attentats des dominateurs de la Suisse contre la République; et en effet, rien n'a été négligé par ceux-ci pour faire croire à des dispositions pacifiques de leur part : députations à Bâle auprès du ministère de France, députations à Payerne auprès du général Brune, commandant en chef des troupes françaises dans le pays de Vaud, lettres amicales au général Schawembourg, qui, sous les ordres du général Brune, occupait, avec un corps détaché de la ci-devant armée du Rhin, les frontières du département du MontTerrible; tout a été employé pour persuader au Gouvernement français que l'olygarchie helvétique avait reconnu ses torts et senti la nécessité de les réparer.

Mais sous ces démonstrations fallacieuses se cachait une haine plus envenimée que jamais contre la République française.

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Cette haine s'est d'abord déployée contre tout ce qui, dans la Suisse, aspirait à recouvrer l'égalité politique. De-là, la prise et le pillage de la ville d'Arau, chef-lieu de la diete helvétique, pour la punir d'avoir planté, dans son enceinte, un arbre de la liberté. De-là l'incarcération de tous les pa

triotes de Soleure, la menace d'incendier les maisons de ceux de Dorneck, etc. etc.

A ces préludes d'hostilités nouvelles se sont bientôt joints tous les appareils de guerre. En peu de tems les membres du Gouvernement de Berne, toujours habiles à fanatiser les esprits, ont vu sous leurs drapeaux une armée de plus de cinquante mille hommes, et n'ont plus dès-lors gardé de mesures que celles qui leur étaient nécessaires pour masquer encore quelque tems leur perfidie.

Le 7 de ce mois, tandis qu'ils négociaient avec le général Brune, ils ont dirigé contre lui un détachement de leurs forces, et se sont, par cette surprise, emparés du village de Leysin, dépendant du pays de Vaud.

Ç'en était assez, sans doute, pour déterminer le général Brune à rompre les conférences; mais plus ami de la paix qu'avide de nouveaux lauriers, il a encore temporisé. Les conférences ont continué et n'ont produit d'autres résultats que de faciliter au Gouvernement bernois les moyens de se fortifier de plus en plus, notamment d'occuper les villes de Soleure et de Fribourg, dont les magis trats leur étaient entièrement dévoués.

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Enfin, le 11 de ce mois, ils lèvent le masque et font annoncer par une dépêche ci-jointe du chef de leur état-major, que les hostilités commence

ront de leur part ce jour-là même à dix heures du

soir.

L'armée française attaquée, a saisi ses armes; c'était le combat de la liberté contre la tyrannie : la liberté pouvait-elle ne pas triompher?

Le 12, le général Schawembourg, à la tête de son corps d'armée de dix-sept mille hommes, et après quelques affaires d'avant postes, s'empara de la ville de Soleure, où il brisa, au milieu des acclamations d'une multitude immense, les fers des malheureux que l'oligarchie tenait enchaînés depuis près d'un mois, et sur lesquels on tirait déjà à bout portant dans les prisons.

Le 14, il poussa son avant-garde jusqu'à Schahinen, et porta son corps de bataille à Lhosne.

Le 15, à cinq heures du matin, on se mit en marche. Cinq combats successifs montrèrent, d'une part, le plus grand courage inspiré par le fanatisme aux milices bernoises, et de l'autre, l'invincible supériorité de la valeur française. Partout la victoire fut fidelle aux drapeaux de la République; et le même jour, à une heure après midi, le général Schawembourg entra dans Berne.

Il y fut joint, la nuit suivante, par l'avant-garde du corps d'armée qui était parti du pays de Vaud sous les ordres immédiats du général en chef Brune.

Sa marche avait été également une suite de victoires d'autant plus glorieuses, qu'elles avaient été disputées avec une rare bravoure et un acharnement inconcevable.

Dès le 12, au même instant où Soleure ouvrait ses portes au général Schawembourg, Fribourg fut emporté d'assaut, et cependant, n'eut qu'à se louer de la modération du vainqueur. Les personnes, les propriétés furent aussi religieusement respectées que si la ville se fût rendue par capitulation. Les prisonniers même furent renvoyés, et des larmes de joie attestèrent leur reconnais

sance.

Le même jour au soir, les Bernois évacuèrent Morat, ville fameuse par la bataille que les Suisses y avaient gagnée sur les Bourguignons en 1476, et par l'appareil avec lequel les ossemens des vaincus y étaient conservés.

Un trophée aussi insultant pour la nation française ne pouvait manquer d'être détruit dans cette circonstance; il le fut en effet, et ce qui est trèsremarquable, il le fut par des bataillons du département de la Côte-d'Or, le jour même de l'anniversaire de la bataille de Morat. Un arbre de la liberté fut à l'instant planté à la place de ce mónument que les oligarques indiquaient à l'avance

comme devant être une seconde fois le tombeau des Français.

Le 14, au soir, le général en chef fit avancer, sous les ordres du général Rampon, une colonne vers le fameux passage de Gumine, que l'ennemi avait hérissé de batteries. En même-tems la colonne du général Pigeon attaquait sur la Sausen le passage de Neveneck.

Le 15, à quatre heures du matin, ce passage fut forcé, et le camp ennemi emporté après une action qui dura près de cinq heures.

De son côté, le général Rampon força également le passage de Gumine.

Mais pendant que l'on se battait sur ces deux points, une rébellion éclatait à l'extrémité du pays de Vaud, près d'Yverdun. Des officiers bernois et des émigrés commandaient les rebelles, à qui on avait fait passer deux pièces de canon par le lac de Neufchâtel. Heureusement le général en chef avait pris ses mesures; les rebelles furent battus et leurs canons pris par un détachement composé en partie de volontaires vaudois.

Ce n'est pas la seule occasion où ces volontaires ont montré qu'ils étaient dignes de combattre pour la liberté de leur pays; ils s'étaient déja distingués à la prise de Fribourg, et le sang de plusieurs d'entr'eux y avait coulé.

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