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de la rédaction d'un pareil document; c'était faire abdiquer la Chambre, et la dépouiller d'un de ses droits les plus puissants. Cependant, il y avait une modification à proposer, c'était d'établir que la commission d'Adresse fût nommée en assemblée générale.

Cette proposition entraînait une conséquence que fit ressortir le général Demarçay: c'est que cette commission, nommée par la Chambre, serait presque certainement tout entière d'une même couleur politique.

M. Larabit était d'un avis contraire, et comptait sura l'impartialité de la Chambre prise en masse.

L'art. 12 fut alors adopté dans ces termes :

La Chambre procède immédiatement à la nomination de la commission chargée de préparer l'Adresse de la Chambre en réponse au discours du roi

L'amendement de M. Delongrais qui, consistait à tirer au sort un des neuf bureaux pour en faire l'appel nominal, en cas d'un nombre de députés insuffisant, et d'économiser ainsi le temps consacré à l'appel nominal ordinaire, fut soutenu par MM. Larabit et de Golbery, combattu, comme un moyen impuissant, par MM. Fulchiron et Salvandy, ministre de l'instruction publique. En définitive, la Chambre le rejeta après une assez longue délibération. Dans cette discussion de forme et de règles, que nous ne pouvons reproduire en entier, nous signalerons le vote de la Chambre en faveur de l'art. 44, qui maintenait la lecture des discours écrits.

A l'occasion de l'art. 78, il s'éleva un débat sur l'abus du droit de pétition ; la commission proposait la légalisation de la signature faite par le maire, ou l'appui d'un des membres de la Chambre; mais cette proposition, mettant des entraves au droit de pétition qu'a tout citoyen, par la Charte, fut repoussée sur les observations de MM. Odillon-Barrot, de Salvandy et Dugabé; enfin, après quelques

modifications peu intéressantes, on adopta le réglement

ainsi révisé.

29 Janvier. Ces travaux d'intérieur terminés, la Chambre passa àla discussion du projet de loi relatif au réglement définitif du budget de 1856, arrêté par les ministres à la somme de un milliard quarante-neuf millions cent vingt et un mille six cent quatre-vingt-treize francs soixante-dix-huit centimes.

An chapitre des colonies, M. Lacrosse faisait remarquer que tout en laissant une certaine latitude au conseil colonial pour la confection du budget, il était désirable que le contrôle de la cour des comptes, et la haute sanction de la Chambre des députés précédassent le vote définitif d'un budget de cette nature.

L'administration coloniale eut pour défenseur M. Jolivet; elle était soumise, disait-il, à la juridiction de la cour des comptes depuis le réglement financier du 22 août 1837, qui déclarait le trésorier colonial justiciable de cette cour, et appelé à établir devant elle la situation des fonds provenant du trésor public et du produit des recettes locales. L'orateur, passant aux subdivisions de la question, trouvait juste qu'une très petite partie de la somme prélevée sur les producteurs coloniaux, fut remise à leurs délégués, et employée à la défense des productions coloniales; mais il ne fallait pas qu'on pût détourner cette somme dans un intérêt politique.

M. le ministre de la marine annonça que l'ordonnance royale, du 20 avril 1859, réglait le mode de justification de ces dépenses; néanmoins, il réclamait de la Chambre une décision sur cette grave question.

Survenait un amendement de M. Galos, portant qu'aucane dépense coloniale ne pouvait être soustraite aux règles présentées par les lois de finances.

Le ministre des finances, combattant l'amendement et

le rapport de la commission, n'admettait pas, au nom du gouvernement, qu'il y eût à côté de lui des agents, des délégués qui ne fussent pas les siens, ayant à leur disposition des fonds qu'ils pussent employer sans lui en rendre compte.

M. Isambert réclamait pour les colonies tous les priviléges dont jouissaient les départements; il invoquait pour elles la même protection; en cas de résistance, le ministre devrait faire statuer par la Chambre sur sa propre responsabilité. Enfin, l'honorable député émettait le vœu formel que, pour les comptes de 1837, la commission fût invitée à donner des détails sur la situation de nos établissements coloniaux, et sur les dépenses de leur budget.

M. Estancelin, ne comprenait pas que 120,000 citoyens, français comme nous, fussent perpétuellement privés des droits les plus précieux, coux d'avoir des représentants s'exprimait ainsi :

Les colonics élèvent la voix; de toutes parts, on demande, pour l'intérêt des colonies, qu'il y ait au moins un représentant dans cette enceinte pour chaque colonie. On me fera cette objection, que les colonies sont fort peu nombreuses; mais songez donc qu'il y a beaucoup de députés qui ne sont pas élus par une population de plus de 25 à 30,000 hommes. Pourquoi la Martinique, la Guadeloupe, n'auraient-elles pas, dans le sein de cette Chambre, un représentant direct? On dit qu'on y pourvoit en nommant des délégués. Vous savez bien qu'un homine qui stipule sur les intérêts qui lui sont confiés, comme nous stipulons sur les intérêts de notre pays, mais qui ne reçoit pas de traitement, a bien plus de crédibilité, commande une bien plus grande confiance.

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Nous croyons, Messieurs, qu'il faudrait enfin que le gouvernement examinât cette grave question, de savoir si les colonies doivent être perpétuellement privées du droit le plus précieux, celui d'être représentées dans cette Chambre..

Les trois délégués extraordinaires, envoyés par la Martinique dans des circonstances malheureuses, indépendamment des deux délégués des trois colonies principales, paraissaient à M. Isambert une charge énorme pour les colons, et l'on devait, sous ce rapport, faire rentrer les conseils coloniaux dans la légalité.

Le ministre de la marine se mêla à la discussion, et soutint qu'il était impossible d'empêcher les colonies, dans la position critique où elles se trouvaient, en ce moment, d'envoyer en France des personnes dignes de toute leur confiance, pour plaider leurs intérêts, comme le faisaient les délégués devant la commission supérieure du commerce. Ne pouvant pas vendre ses sucres, et n'ayant pas les moyens de faire vivre ses esclaves, la Martinique devait avoir le droit de faire entendre ses plaintes à Paris, et de donner à ses délégués des moyens d'existence dans la capitale.

M. Isambert ne laissa pas cette objection sans réponse. Lasomme de 30 à 36,000 fr. que la Martinique accordait à ses délégués, lui semblait plus que suffisante. Quoi qu'il en soit, l'article additionnel de M. Lacrosse fut adopté dans

ces termes :

• Toutes les dépenses votées aux budgets coloniaux et faites dans la métropole sont soumises au contrôle de la cour des comptes.>

On passa au chapitre des contributions indirectes. M. Deslongrais se plaignait de ce que les directeurs de départements et d'arrondissements avaient reçu, outre une augmentation de leurs traitements, une somme de 229,327 fr., non portée sous les yeux de la cour des comptes sans le consentement de la Chambre.

Après les observations habituelles et des détails de discussion administrative, dans lesquels il serait superflu d'entrer ici, sur les ressources locales départementales, et les budgets spéciaux. On procéda au scrutin sur l'ensemble de la loi, qui fut adoptée par 253 contre 19 voix.

CHAPITRE II.

Situation du ministère. Sa retraite. Essais infructueux pour la composition d'un nouveau Cabinet. Les anciens ministres rappelés. -Dissolution des Chambres et convocation des colléges électoraux.Retraite définitive des ministres. - Cabinet intérimaire. Ouverture des Chambres. - Iaterpellation adressée au ministère. — Annulation de l'élection de M. de Girardin.-Nomination du Président. Émeutes dans Paris. Constitution d'un nouveau Cabinet. Nomination de M. Sauzet à la présidence. Fonds secrets. Loi sur les tribunaux de commerce. Adoption de la proposition de M. le baron Mounier, relative à la légion-d'honneur. Discussion sur la propriété littéraire. Loi relative à l'appel de 80,000 hommes.

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D'après l'issue des débats de l'Adresse, et avec une majorité si contestable, il n'apparaissait pas que le ministère pût se maintenir plus long-temps. En effet, la minorité dont l'action devenait chaque jour plus envahissante, devait rendre difficile, même impossible, la marche de l'admnistration. Ce fut sous l'empire de ces nécessités parlementaires que les ministres résignèrent leurs fonctions.

Alors, le maréchal Soult, que l'opinion avait en quelque sorte désigné d'avance comme seul capable de rallier les éléments d'une future majorité, fut appelé par le roi.

Le maréchal essaya, mais en vain, d'opérer une fusion qui scule pouvait permettre de constituer un Cabinet. Cette difficulté paraissant insurmontable, la couronne rappela les anciens ministres; et, dans la pensée que les colléges électoraux se prononceraient en leur faveur, elle usa de sa prérogative, en se déterminant (31 janvier) à dissoudre les Chambres. Le résultat des élections qui eurent lieu, les 2 et 6 mars, ne justifia point ces espérances, et les ministres, convaincus qu'ils devaient moins encore que par le passé compter sur une majorité, durent une seconde fois déposer

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