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judiciable au projet, et proposait un amendement tendant à faire ajourner tout ce qui avait rapport aux traitements des membres de la légion-d'honneur; en outre, l'honorable pair émettait le vœu que le gouvernement accordât les droits politiques aux membres de la légion-d'honneur et conférât l'éligibilité aux grades supérieurs; en définitive, la proposition dans son ensemble lui paraissait éminemment nationale.

M. le baron Pelet de la Lozère passa ensuite en revue l'état financier de la légion-d'honneur; c'est en 1820 qu'était intervenue la loi constitutive qui accordait 3 millions de subvention; depuis 25 ans toutes les nominations, excepté celles des sous-officiers et soldats, n'avaient été accompagnées d'aucune dotation; du reste, les dispositions financières étaient déplacées dans le projet, et l'on devait renvoyer à une loi ultérieure tout ce qui avait rapport au traitement.

M. le comte Dejean ne voulait pas, comme M. le ministre de l'instruction publique, que l'on annulât le traitement des grandes croix porté à dix mille francs; il regardait cet article comme un des plus politiques de la loi.

Suivant l'honorable rapporteur, les divers traitements avaient été mis en harmonie avec le nombre limité des légionnaires; mais comme tout venait d'être changé, la proportion établie cessait d'exister; néanmoins, continuait M. Mounier, on ne peut nier l'utilité de la convenance des traitements attachés aux différents grades de la légion-d'honneur.

M. le marquis d'Audiffret parla dans le même sens, ajoutant que pour faire renaître cette fraternité de la valeur militaire et des talents civils, il fallait faire revivre l'égalité des conditions et des avantages; il fallait placer le laurier de l'honneur au-dessus de la portée de l'intrigante médiocrité, et relever à tous les yeux ce grand et noble moyen de gou

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vernement. Les traitements ainsi fixés seraient un obstadle puissant à la profusion des décorations.

L'article fut adopté, et, la discussion étant épuisée (15 Jain), la Chambre vota au scrutin sur l'ensemble de la loi, que 63 voix adoptèrent sur 106 membres présents.

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CHAPITRE III.

Projet de loi sur la propriété littéraire adopté à la Chambre des pairs. — Lecture de la proposition Gauguier, relative aux fonctionnaires salariés. Discussion sur la pétition relative à la croix de Saint-Louis. Prise en considération de la proposition de M. Chapuys-de-Montlaville, relative aux dépouilles des victimes de juillet. - Rapport de la loi sur les réfugiés étrangers. - Loi sur l'état-major de l'armée. — Arrêt de la Cour des pairs.

Une lacune se faisait depuis long-temps sentir dans la législation à l'égard de la propriété littéraire, qui, aujourd'hui, touche à tant d'intérêts.

Au commencement de la session dernière (décembre 1838), le gouvernement avait présenté à la Chambre des pairs, sur cette grave matière, un projet de loi dont les crises politiques avaient retardé l'examen. M. le ministre de l'instruction publique le présenta de nouveau le 12 avril. Le 16, fut nommée la commission chargée de l'étudier, et le 20 mai, M. le vicomte Siméon, organe de la commission, lut son rapport sur le projet du gouvernement.

L'honorable pair jeta un coup d'œil rapide sur les moyens de publicité laissés aux lettres avant le XVIe sièdes cle. Alors les ouvrages ne se perpétuaient que par copies faites à la main et d'un prix considérable ; c'est ainsi que l'établissement des ordres religieux avait créé de nombreax ateliers de copistes et que dans ces vastes et précieux dépôts, les chefs-d'œuvre de l'antiquité avaient survécu aux ravages de la barbarie, pour en sortir aux jours de la renaissance, instruire et charmer les générations nouvelles. Plus tard, lorsque l'imprimerie avait été inventée, tout avait changé de face; les livres s'étaient multipliés à l'infini,

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sous la protection de Louis XI et de Louis XII, et sous la censure exclusive de l'université. Dans l'origine, les deux professions qui ont pour objet d'imprimer et de vendre les livres, étaient confondues et de nombreuses ordonnances montraient la sollicitude du gouvernement à leur égard. Jusqu'au XVIIIe siècle, on ne s'était nullement inquiété du droit des auteurs on ne peut mettre en doute qu'ils retirassent un prix quelconque de la cession qu'ils faisaient de leurs ouvrages; mais la loi ne leur accordait aucune protection; ce ne fut qu'en 1702 qu'un Mémoire sur les vexations qu'exercent les libraires et les imprimeurs, à Paris, s'éleva pour soutenir le droit des auteurs; depuis, Louis d'Héricourt, Diderot, Linguet, Voltaire, Beaumarchais, plaidèrent la cause des gens de lettres et cherchèrent à prouver que leurs droits sur leurs ouvrages constituaient une véritable propriété.

Un arrêt avait été rendu en 1761 en faveur des petites filles de Lafontaine.

La première loi sur cette matière est celle du 19 janvier 1791, concernant les théâtres, établie sur le rapport de Chapelier: cette loi déclarait que les auteurs en tout genre jouiraient, durant leur vie entière, du droit exclusif de vendre et de faire vendre leurs ouvrages dans le territoire de la république; l'article 2, portait que leurs héritiers ou cessionnaires jouiraient du même droit durant l'espace de dix ans après la mort des auteurs ; le décret du 5 février 1810 garantissait le droit de propriété à l'auteur et à sa veuve pendant leur vie, si les conventions matrimoniales de celle-ci lui en donnaient le droit, et à leurs enfants, pendant vingt ans, au lieu de dix, que la loi précédente avait accordés. Sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X, aucun arrêt, directement relatif au droit des auteurs, n'avait été rendu. Tel était l'état de la législation sur cette question; seulement les commis

sions de 1825 et de 1836 avaient déclaré que la propriété littéraire était la plus sacrée et la plus intime des propriétés ; mais ils ne l'avaient garantie que pour un temps déterminé. Le présent projet de loi adoptait le terme de trente ans, égal à celui qui est accordé dans les pays où les auteurs sont traités de la manière la plus favorable.

15 Mai.-M. le comte Portalis aborda le premier la matière sa critique porta tout d'abord sur cette phrase du rapport où il était dit : qu'en approfondissant la question, on avait reconnu qu'il était impossible de donner le carac- tère d'une propriété absolue et de droit commun à ce qui 'en était pas une ; si le travail, ajoutait l'orateur, peut assurer la concession de quelque chose à quelqu'un, c'est certainement à chacun de nous la possession des œuvres de sa propre intelligence; ce que l'homme tire de sa substance, ce que son imagination produit, les révélations de sa pensée, sont-ce des choses extérieures qu'il ait besoin de s'approprier? non. L'honorable pair appuyait ensuite sa doctrine sur l'autorité de deux législations nouvelles, de deux codes faits à l'image du nôtre, le code civil du grand duché de Bade et le nouveau code civil de l'état du roi de Sardaigne, qui proclamaient que les productions de l'esprit étaient la propriété de leur auteur. Tel avait été aussi le sentiment de M. l'avocat-général Séguier, en 1779. La commission, aux yeux de l'orateur, s'était trop préoccupée du passé ainsi que des notions ordinaires du droit et pas assez de l'état actuel de la société et de l'influence nécessaire que les circonstances politiques et sociales dans lesquelles nous nous trouvons, devaient exercer sur la législation. La Chambre ne devait point permettre que la loi qui lui était présentée perdil son caractère et que, sous couleur d'accorder un accroissement de privilége, elle n'opérât un amoindrissement de droit, et qu'en semblant donner, elle n'enlevât et

ne relint.

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