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qu'il avait prononcées en 1835, pour défendre les frères de la doctrine chrétienne.

L'orateur arrivait ensuite aux scandales de Clermont, au refus de sépulture faite à la dépouille mortelle de M. le comte de Montlosier, pair de France, l'auteur du Mémoire à consulter, et le défenseur du clergé à la constituante :

Dans quel temps vivons-nous, s'écriait-il? Sommes-nous bien réellement après la révolution de juillet? Rheims et Lyon n'avaientils pas été également le théâtre de troubles graves amenés par le zèle imprudent des prêtres ?

M. Cousin se plaignait en outre de l'infraction au décret constitutif de l'université, de 1808, en ce qui concernait l'enseignement dans les facultés de théologie :

Le bruit se répand, ajoutait-il, que saint Acheul se relève de ses cendres, et qu'il se forme depuis quelque temps, à Paris même, au centre de l'autorité, un institut au noviciat de jésuites.

« Ces maisons étaient-elles connues du ministre de l'intérieur, et tolérées par lui conformément aux lois? Ou bien l'enseignement qu'on y professait avait-il été soumis à l'examen du grand maître de l'université et du conseil royal de l'instruction publique ? A cette seule condition, la domination ecclésiastique aurait un frein, la loi une garantie, et les justes craintes des amis éclairés de la religion seraient dissipées.»

M. le garde des sceaux se présenta pour répondre à cette interpellation. Il repoussait d'abord comme vaines les craintes de son adversaire, et donna, relativement à l'état de nos affaires extérieures, une explication détaillée des principes professés par le gouvernement à l'égard du clergé. A son avis, le droit de contrainte n'appartenait à personne. Pourtant, il reconnaissait des cas où l'autorité ecclésiastique devenait responsable de l'usage qu'elle faisait de ses pouvoirs spirituels; alors, l'intervention du gouvernement était légitime, et il en référait au conseil

d'état, comme on le faisait en ce moment même pour l'affaire de Clermont.

M. le ministre ne niait pas les envahissements du clergé dans le domaine universitaire, mais il doutait de leur gravité. La congrégation de Saint-Acheul, qui avait éveillé tant de défiances, était dissoute et la maison fermée; on ne pouvait, sans exagération évidente, comparer ces faits aux empiétements des jésuites sous la restauration. Du reste, ajoutait M. Barthe, si le gouvernement veut que la religion soit respectée, il veut aussi maintenir le clergé dans les limites que les lois lui ont imposées.

Dans l'opinion de M. Villemain, ces explications n'atténuaient pas suffisamment la gravité d'un tel fait. La juridiction du conseil-d'état était au moins inutile dans cette circonstance; la prévoyance de l'administration aurait dû prévenir un pareil abus. Sous le rapport de la surveillance légale à exercer en présence de la liberté religieuse, comme sous le rapport de l'enseignement et de la loi civile, il n'était pas, à ses yeux, de question plus sérieuse que celle qui venait d'être soulevée.

M. le garde de sceaux reprenant la parole, cherchait à justifier son administration, et demandait qu'on lui permît de ne pas entrer dans de plus grands détails avant la décision du conseil-d'état.

M. le comte de Montalembert, s'élevant à son tour contre les opinions de MM. Cousin et Villemain, prétendait que le gouvernement ne pouvait obliger l'église à faire des prières pour qui que ce soit; que la prière est un acte libre et purement spirituel, qui ne se laisse pas réglementer; et enfin, qu'en pareille circonstance, la juridiction du conseil-d'état, ni celle de la cour royale ne pouvait être invoquée; l'honorable pair demandait si l'église seule n'aurait point de part aux bienfaits de la révolution de

1830, et se plaignait d'ailleurs de notre tendance à placer le pays dans l'état où se trouvaient dans ce même moment les provinces rhénane.

M. Villemain combattit ces raisonnements par cette considération que, prévenir le scandale par des lois sages, n'était pas encourager l'intolérance, mais vouloir la justice. On pouvait donc reprocher à M. de Montalembert de se faire le panégyriste d'abus blâmés au XVIIe siècle, par le génie et la foi de Bossuet.

A la suite de ces débats si animés, M. de Salvandy, ministre de l'instruction publique, prit à son tour la parole, pour défendre le rétablissement des facultés de théologie qui, loin d'être, disait-il, une concession solite aux empiétements du clergé, n'avait pu être opéré sous la restauration, par suite de la résistance du clergé lui-même ; il ajoutait que, le premier, il avait voulu reconstituer l'université telle qu'elle devait exister d'après les décrets impériaux, et que, s'il avait accordé une dispense pour le doctorat, c'est qu'il n'existait plus en France que trois docteurs en théologie.

Le résultat de cette orageuse séance fut l'adoption du premier paragraphe de l'Adresse. Le second fut mis en discussion le jour suivant.

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27 Décembre. M. le comte Boissy -d'Anglas développa d'abord quelques considérations sur l'importance de la diplomatie, ainsi que sur la politique de l'Angleterre et de la Russie, dont les intérêts opposés devaient, selon lui, amener une collision inévitable entre les deux peuples. D'après ses prévisions, le gouvernement anglais serait amené, par l'infériorité numérique de ses armées de terre, à chercher des appuis chez les nations continentales et à implorer la France pour résister à l'ambition moscovite. L'honorable orateur faisait donc des vœux pour la réforme de notre système fédératif, dont il accusait les imperfections peu rassurantes pour l'avenir, et

regardait comme un devoir d'avertir le gouvernement combien il y avait peu d'harmonie entre notre politique extérieure et les besoins du pays. Enfin, il proposait d'insérer dans l'Adresse un paragraphe additionnel, ainsi

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. Cependant la Chambre des pairs ne saurait taire qu'il lui paraît indispensable d'asseoir notre système fédératif sur des bases plus solides et plus favorables à l'ensemble de nos intérêts nationaux.>>

Cet amendement fut rejeté.

M. le baron Pélet de la Lozère parut à la tribune pour appeler l'attention de la Chambre sur les négociations de la Suisse, à l'occasion du prince Louis Bonaparte. La demande d'expulsion, faite par le gouvernement français, lui paraissait rigoureuse dans ses formes, et impolitique dans ses résultats; on avait méconnu les lois de la république helvétique, et on l'avait humiliée par des menaces. Il était à désirer que la Suisse ne se souvînt pas, un jour, de la conduite de la France.

Ces récriminations, répondit le président du Conseil, devaient s'adresser au ministère même dont l'honorable préopinant avait fait partie. C'était en effet le ministère du 22 février qui avait exigé, dans l'intérêt du repos de la France, que la Suisse bannît de son sein les réfugiés de la jeune Allemagne et de la jeune Italie. Si le Cabinet précédent avait cru devoir en agir ainsi, M. le comte Molé pouvait s'étonner, à bon droit, du blâme dirigé contre lui, pour avoir demandé, à son tour, l'expulsion d'un réfugié qui menaçait la tranquillité de son pays.

Le dernier et grand argument de nos adversaires, ajoutait le président du Conseil, c'est que nous avons fait de ce jeune homme un prétendant, que nous en avons fait l'arbitre de la paix ou de la guerre tels sont les grands mots répétés par la presse opposante depuis quatre à cinq mois. Les prétendants, Messieurs, le sont par

leur naissance, ou le deviennent par leurs œuvres. Il ne serait au pouvoir de personne de faire de Louis Bonaparte un prétendant,»

Après avoir décliné, en quelque sorte, la responsabilité des mesures prises à l'égard de la Suisse, en faisant observer que l'affaire des réfugiés avait été suivie spécialement par le ministre de l'intérieur et le chef du Cabinet dont il avait fait partie, M. Pélet de la Lozère ajoutait que, en ce qui concernait le prince Louis-Napoléon, il croyait pouvoir reprocher au gouvernement, qui l'avait soustrait à ses juges naturels, de l'avoir mis en liberté, sans exiger de lui l'engagement par écrit de ne rentrer en Europe qu'avec l'autorisation de la France, engagement qui eût été publié à sa honte, s'il l'eût violé. La position du prince Louis, auquel l'ambassadeur français avait accordé un passeport pour rentrer en Suisse, ne pouvait pas être comparée à celle des réfugiés italiens ou allemands. Le prince était citoyen suisse, et il n'appartenait pas à la France de décider si ce droit avait été bien ou mal accordé : La France souffrirait-elle que l'étranger discutât les droits d'un citoyen français et qu'une grande puissance lui en demandât l'expulsion?

La résidence de Napoléon-Louis en Suisse, répondit de nouveau M. le comte Molé, n'avait jamais été autorisée, mais seulement tolérée à cause de la maladie de sa mère ; du reste, le prince n'était pas né Suisse, et son prétendu droit de bourgeois se réduisait à un vain titre et n'entraînait pas avec lui la naturalisation. En définitive, on avait agi en parfaite connaissance de cause et dans l'intérêt de la France.

M. le vicomte Dubouchage, arrivé de Suisse, la veille, excita un vif intérêt, en se mêlant à la discussion. Il blamait les mesures de rigueur prises contre les réfugiés allemands et italiens. La demande d'expulsion du prince Louis était une nouvelle faute, parce qu'elle diminuait l'attache

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