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Pourquoi retrancher de ce titre le mot de propriété, disait M. le comte Philippe de Ségur? Cette suppression pouvait faire croire que l'on avait eu l'intention de dépouiller les auteurs et les artistes de leurs droits, reconnus jusqu'alors dans tous les arrêts et dans toutes les lois. Si donc la loi nouvelle n'avait pas pour titre : Loi relative aux droits de propriétés des auteurs sur leurs productions dans les sciences, les lettres et les arts, ou un titre analogue; en un mot, si on en retirait à dessein le nom de propriété, le noble pair voterait contre cette loi.

A quoi M. le rapporteur objecta que le titre des lois regardait le gouvernement, alors qu'il les promulguait au Bulletin des lois; que, d'ailleurs, il n'y avait pas d'inconvénient à ce que l'on mît, dans le titre de la loi, les mots = de propriété littéraire.

5 Telle était aussi l'opinion de M. le baron Mounier et de M. le garde-des-sceaux.

Tout en professant son respect pour la propriété litté– raire, M. le vicomte Villiers du Terrage, avec la commis- ⚫ sion, niait les avantages de sa subdivision à l'infini, et désirait prévenir une ramification de droits poussés aux dernières limites de la successibilité.

M. le duc de Montebello, sur l'article relatif aux garanties de la propriété littéraire à l'étranger, fit observer que le droit de faire des traités appartenait au gouvernement et qu'il serait singulier de voir une assemblée législative dire dans une rédaction de loi: le gouvernement pourra traiter. Il s'opposait donc à la conservation de cette rédaction.

Après un nouveau renvoi à la commission, le texte de l'article fat fixé, et la loi, sur la propriété littéraire, fut adoptée sur 109 votants par 78 suffrages contre 31 boules

noires.

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Chambre des députés. Le ministre de la guerre dat, au terme de l'article 4 de la loi du 21 mars 1852, sou mettre, le 22 avril, aux délibérations de la Chambre, un projet de loi relatif à l'appel de 80,000 hommes sur la classe de 1838, pour le recrutement des troupes de terre et de mer. Le 3 juin, le projet fut mis en discussion.

M. le colonel Paixhans prit le premier la parole. La commission avait dit : « L'état remis par M. le ministre de la guerre constate que la mortalité n'est pas heureusement aussi considérable qu'on pourrait le craindre. La profession militaire en temps de paix est favorable à la conservation de l'homme. » Cela est possible, objecta le colonel, mais il s'en faut beaucoup trop que cela soit vrai. Les chiffres venaient à l'appui de cette assertion. Parmi les sous-officiers, sur mille, il en mourait par an 11; parmi les soldats les plus anciens, ceux de vingt-six à vingtsept ans, 20; parmi ceux de cinq ans de service, 30; parmi ceux de quatre ans, 45; parmi ceux de trois ans, 32; parmi ceux de deux ans, 65; parmi les jeunes soldats, la première année qu'ils passaient sous les drapeaux, 75 parmi les invalides, 50; parmi les troupes des colonies, 70; enfin à Alger, 80. L'honorable député appelait sur ces calculs l'attention de la Chambre, au moment où elle allait voter 80,000 hommes; il n'accusait personne de ce mal, mais il proposait un amendement ayant pour but de faire connaître aux Chambres au moyen d'un tableau spécial, par arme et par grade, le nombre des hommes qui seraient morts dans chaque division militaire.

M. Sapey, rapporteur, trouvait inexact les chiffres cités par l'honorable préopinant: en preuve, on pouvait consulter les renseignements fournis à la commission sur les pertes éprouvées par le contingent de 1838. Les pertes avaient été la première année, de 7 et demi, la seconde, de 6 et demi;

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la troisième, de 5; la quatrièmede 4 et demi et enfin les trois dernières années, de 2 pour cent : terme moyen, 4 pour cent par an, tandis que, d'après les tables de la mortalité, la perte, dans la vie ordinaire, était de 5 pour cent.

M. Paixhans répliqua succinctement qu'il était en parfait accord avec le chiffre de la commission; car une perte de 7 et demi par cent était égale à 75 pour mille; une perte de 6 et demi pour cent, était égale à 63 pour mille, et l'honorable membre demandait de nouveau que l'on étudiat les circonstances du mal pour trouver raisonnablement le remède.

La discussion devenait générale. M. Fulchiron en profita pour renouveler la plainte si souvent élevée à la tribane contre les fils d'étrangers au sujet de la conscription. Appelés à jouir des avantages attachés à la qualité de Français, pourquoi refusaient-ils les charges que cette qualité leur impose?

Le ministre de la guerre reconnut l'abus et promit de faire de cette question une proposition de loi pour la prochaine session.

M. Tixier fit une dernière observation: il voyait un vice et une injustice dans le mode de répartition en usage, qui dépouillait entièrement certaines localités de tous les hommes robustes propres à se livrer à l'agriculture.

Adoptée par la Chambre des députés, cette loi fat soumise le 22 juin à l'examen de la Chambre des pairs et votée immédiatement.

Chambre des députés. Parmi les propositions dont la législature eut à s'occuper cette année, nous distinguerons celle que M. Gauguier présenta, le 25 mai, comme les années précédentes, relative aux fonctionnaires salariés qui siégent à la Chambre. Elle était ainsi conçue :

A l'avenir et à partir de la prochaine législature, les membres de la

Chambre des députés qui exercent en même temps des fonctions civiles ou militaires, cesseront, pendant la durée des sessions législatives, de recevoir les traitements d'activité attachés à leurs fonctions. Les ministres du roi seront seuls exceptés de la présente disposition..

Après l'avoir développée et prise en considération, la Chambre nomma pour l'examiner une commission, qui en proposa le rejet (20 juillet).

Quelques pétitions seulement attirèrent l'attention. Nous signalerons pourtant celle par laquelle le sieur Simon Dumesnil, officier supérieur en retraite, demandait à la Chambre des députés (séance du 8 juin), qu'il fût permis de porter la croix de Saint-Louis. Le pétitionnaire pensait que, sous le point de vue moral, il convenait de rendre à cette décoration un honneur qui rappelât aux générations actuelles la gloire militaire de nos aïeux. Sous le point de vue légal, il exposait que la croix de Saint-Louis avait été accordée, pendant la restauration, à un grand nombre d'officiers de la république et de l'empire; que ni la Charte de 1830, ni aucune loi n'avaient aboli cet ordre; que l'art. 60 disposait au contraire que les militaires en activité de service, les officiers et les soldats en retraite, conserveraient leurs grades, honneurs et pensions. Les chevaliers de Saint-Louis avaient donc, suivant le pétitionnaire, le droit de révendiquer les honneurs attachés à l'insigne qu'ils ont reçu, c'est-à-dire de s'en décorer publiquement.

Le

rapporteur objecta que cet ordre avait été aboli en 1792. D'ailleurs, après la restauration qui l'avait rétabli en 1816, la révolution de juillet, sans le supprimer, avait interdit aux officiers de l'armée d'en porter la décoration, donnant en échange, à la plupart, la croix de la légion-d'honneur. La commission, ne jugeant point que, dans l'état actuel des choses, ce fut le cas pour la Cham

bre d'intervenir dans la question, proposait l'ordre du jour.

Le général Arthur de Labourdonnaye réclama. En effet, disait-il, on ne peut admettre qu'un décret antérieur à l'empire, enlève aux officiers le droit de porter la croix de Saint-Louis et surtout en présence de l'article de la Charte qui conserve à tous les Français leurs grades, honneurs et pensions.

L'orateur demandait à cet égard des explications au ministre de la guerre qui, partageant l'opinion de la commission, répliqua, que l'on n'avait pas interdit formellement de porter la croix de Saint-Louis, et que du reste il appartenait à la prérogative royale de restituer une institution purement honorifique et militaire. En attendant, les choses devaient rester dans l'état où elles étaient.

M. de Labourdonnaye, que cette raison ne satisfaisait pas, insista.

Le gouvernement, répondit le rapporteur, a enlevé, en 1831, à la croix de Saint-Louis ses fleurs-de-lys; or, modifier, n'est-ce pas reconnaître ?

M. Dugabé n'accepta pas ces conclusions. Le gouvernement avait, par une circulaire, invité les chefs de corps à empêcher les officiers de porter la croix de Saint-Louis.. Il était nécessaire que le gouvernement vint déclarer à la Chambre que rien ne s'opposait à ce que la croix reprit la place qui lui appartenait.

Le ministre des travaux publics n'aurait pas approuvé l'ordonnance royale qui eût rétabli la décoration de SaintLouis. La croix de la légion-d'honneur qui s'adressait au simple soldat comme à l'officier, lui semblait préférable. Malgré une nouvelle interpellation de M. de Labourdonnaye, adressée au ministère, la Chambre consultée passa à l'ordre du jour.

Plus tard, le 28 juin, la proposition de M. Chapuys

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