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restitution, dont M. Barbet attribuait la nécessité à l'imprévoyance de la Chambre en matière de concessions.

La Chambre, consultée, adopta la proposition de M. ⠀| Lafitte, pour laquelle se prononça également la Chambre des pairs, dans la séance du 18 juillet, et la loi sur le chemin de fer de Lille à Dunkerque fut rapportée.

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22 juin Chemin de fer de Paris à Orléans. — M. Vivien, dans son rapport sur le projet de loi modifica. tif de la loi du 7 juillet 1858, reconnaissait que la Chambre avait eu trop de confiance dans l'industrie du pays, en lui abandonnant l'exploitation entière des chemins de fer; mais, à son avis, les causes principales qui avaient amené l'état d'incertitude et de discrédit où étaient tombés les chemins de fer, étaient l'imprudence de quelques spéculateurs plus pressés de profiter des agitations de la bourse, que de placer leurs capitaux dans une entreprise à longs termes, les erreurs de l'administration dont les études avaient précédé l'expérience des faits, la légereté qui avait accompagné la préparation des concessions, et les exigences des Chambres, dominées par l'illusion générale. Néanmoins, dans l'intention de venir en aide aux compagnies et notamment à celle de Paris à Orléans, le gouvernement voulait imposer à cette dernière compagnie, malgré les embarras du moment, l'obligation de continuer ses travaux jusqu'à Corbeil, et sur la ligne d'Orléans, jusqu'à Juvisy; mais il lui laissait entrevoir son concours pour assurer l'achèvement du chemin, et à défaut, l'autorisait à s'affranchir des engagements qui résultaient à sa charge de la loi de concession du 7 juillet 1858. Le rapporteur ajoutait que la compagnie s'était déjà livrée à de grands travaux sur la route de Paris à Corbeil, et avait engagé dans son entreprise une somme de 11,794,880 fr., qu'elle était décidée à la conduire à terme par tous les moyens

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possibles; la loi proposée avait donc pour résultats également importants, de rétablir la confiance publique et de prouver que la volonté des Chambres était d'accorder aux compagnies tous les avantages légitimes auxquels elles avaient droit de prétendre.

Le 5 juillet, M. Pascalis parla sur le même sujet ; il signalait à la Chambre la compagnie de Paris à Orléans comme digne de toute sa sollicitude, par la sagesse de ses devis plus exacts que ceux des autres compagnies, par l'exécution intelligente et économique des premiers travaux. Il appelait à son aide le concours du gouvernement, qui, dans l'art. 3 du projet de loi, avait promis un appui réel ou la faculté d'un désistement. En effet, soit que l'État dût exécuter les grandes lignes des chemins de fer, soit que ce soin fût confié à des compagnies industrielles, l'essentiel était, qu'il existât des chemins là où ils étaient vraiment nécessaires : il importait, à son avis, que nous ne restassions pas plus long-temps placés dans une position d'infériorité relativement aux nations étrangères, et que l'on tînt compte à la compagnie d'Orléans des travaux qu'elle avait déjà entrepris.

La compagnie d'Orléans était-elle tenue à ses charges envers le gouvernement? Telle était la question que se posait M. Galos. Les devis estimatifs du gouvernement étaient tout à fait fautifs; les compagnies en général et celle d'Orléans en particulier, n'avaient pas pu prévoir les éventualités de leurs entreprises. A l'avenir, sans doute, des modifications seraient apportées dans le corps des ponts-et-chaussées, afin d'offrir plus de garanties d'exactitade et de précision, et à la session prochaine le gouvernement, il fallait l'espérer, serait en état de décider définitivement dans quelle voie on devait entrer. C'est dans cette attente que l'honorable député concluait à l'adoption du projet de loi.

Cette doctrine, qui consistait à établir que, parce qu'on a été induit en erreur, on était en droit d'obtenir des modifications au contrat, fut attaquée par M. de Vatry. Un dilemme lui paraissait devoir dominer la question: ou les adjudicataires du chemin de fer avaient fait leurs calculs avant de signer le traité, ou ils avaient pris des actions pour ces énormes sommes, dans la persuasion que les études du gouvernement étaient exactes. Dans la première bypothèse, si effectivement ils avaient étudié avant de souscrire, il fallait les plaindre tout en maintenant la loi; dans la seconde hypothèse, s'ils s'étaient jetés dans une si grave entreprise sans l'avoir étudiée, on était en droit de supposer qu'ils n'avaient voulu faire qu'une spéculation; ils n'avaient pas réussi; la sollicitude de la Chambre ne pouvait pas s'en émouvoir. M. de Vatry rejetait donc le projet récemment présenté, et demandait le maintien de la loi telle qu'elle avait été faite.

Suivant M. le ministre des travaux publics, qui succéda au préopinant, le projet de loi devait être attribué, non aux suggestions de l'intérêt particulier, mais aux grandes nécessités de l'utilité publique. Le gouvernement voulait empêcher de formidables liquidations, et assurer à la France la confection des chemins de fer. Fallait-il saisir le cautionnement ? Les chemins de fer en seraient-ils plutôt terminés? Non. L'Etat s'enrichirait d'un cautionnement de deux millions; mais, dès lors, l'industrie des chemins de fer serait abandonnée à jamais. La Chambre avait craint de les mettre à la charge de l'État, et les particuliers n'avaient pu en soutenir le poids. Dans ces circonstances, le devoir de l'administration était de seconder et d'encourager les compagnies, et non de les ruiner en usant à leur égard d'une rigueur excessive qui fermerait la voie utile dans laquelle la Chambre devait vouloir entrer.

M. Mottet niait l'efficacité réelle des associations privées

à nous donner des chemins de fer. L'Etat seul pouvait conduire à bonne fin d'aussi vastes entreprises, non avec Timpôt, mais avec des emprunts, c'est-à-dire avec l'ar3 gent national des capitalistes. D'ailleurs, subventionner les compagnies, c'était faire faire indirectement les chemins de fer par l'État, et le résultat était le même.

M. Delaborde, député de l'arrondissement par lequel le chemin devait passer, et l'un des actionnaires, après avoir prévenu le reproche de partialité qu'on pouvait lui faire, répondit au discours de M. Vatry: L'esprit d'association, disait-il, est jeune en France, et comme tous les jeunes gens, il fait des fautes; mais le gouvernement en est complice. En outre, il y avait deux obstacles qui arrêtaient toute grande entreprise en France : la défiance et la jalousic; la défiance contre toute innovation, la jalousie contre tout ce qui peut atteindre à une certaine hauteur.

C'est ainsi, ajoutait l'orateur, que les générations s'éteignent sans tien laisser sur leur passage; c'est ainsi qu'une nation se traîne dans la médiocrité, à côté d'autres nations qui, pendant ce temps-là, s'élèvent au-dessus d'elles, quoique ces autres nations aient quelquefois à un moindre degré l'intelligence, mais parce qu'elles ont seulement plus faptitude au travail et à l'esprit d'association. Ainsi, aujourd'hui, pour les chemins de fer, voyez ce qui se passe; vous êtes entourés de pays qui ont des chemins de fer. La Belgique arrive à Maubeuge, à Lille; la Prusse à Coblentz, à Cologne; l'Angleterre à Douvres et à Brighton, et fous vous demandent un passage au nom de la science et de la civilisation; vous le refusez ce passage, si vous paralysez les moyens de l'obtenir, si vous ne voulez prendre part à ce mouvement européen.

Eh bien! Messieurs, dans cette circonstance, lorsqu'une compagnie comme celle d'Orléans a donné l'exemple du sacrifice d'une dépense de 11 millions bien employés, quand elle est la première à se placer ainsi a la tête de l'esprit d'association, voudriez-vous qu'elle en soit la première victime? Je ne le crois pas, et je suis persuadé que vous adopterez le projet de loi.

M. Dupin entra dans la question générale à son sens, les compagnies s'étaient précipitées dans cette Vaste entreprise de chemin de fer sans une assez grande intelligence de leurs intérêts. Du reste, la Chambre

était à l'abri de tout reproche de complicité; elle avait cédé aux sollicitations réitérées des capitalistes et aux pétitions des populations qui devaient profiter des chemins de fer. L'orateur discutait ensuite la loi d'expropriation pour cause d'utilité publique, et la regardait comme très propice à l'achèvement des grands travaux. De ces considérations préliminaires, il passait à l'examen du projet de loi. Que proposait-on? Était-ce l'exécution rigoureuse? Était-ce la résolution pure et simple des contrats? Non, mais un parti mixte qui consistait à modifier les engage

ments.

Eh bien! ajoutait M. Dupin, je demande si, quand onrésout ou quand on modifie profondément le contrat qui avait concédé le chemin de fer de Paris à Orléans, on ne lèse pas les propriétaires et les négociants d'Orléans, ceux-là qui non pas pour le seul placement de leurs fonds, mais pour un objet d'utilité réelle, par un sentiment louable de patriotisme pour leur cité, ont mis leur argent dans cette entreprise avec la pensée que leurs fonds leur rapporteront peu et peut-être rien, mais avec la confiance des avantages que retireront les propriétés voisines de leur ville et de leurs maisons, quand le chemin sera arrivé à Orléans. Je demande si, l'argent donné pour faire un chemin de fer jusqu'à Orléans, on consent encore à le donner pour aller seulement de Paris à Corbeil et s'arrêter là?.

Cependant, l'orateur ne se déclarait pas l'ennemi de l'aide à donner par l'État aux compagnies, et même ce serait probablement là le point de conciliation; mais cet engagement mènerait peut-être l'administration plus loin qu'on ne le pensait.

M. Duchâtel, ministre de l'intérieur, soutint que si on livrait les chemins de fer aux compagnies, il fallait leur donner les moyens d'exécution. La rigueur ne serait admissible à leur égard que dans le cas où d'autres compagnies seraient prêtes à se charger, aux mêmes conditions, des opérations; mais il n'en était malheureusement pas ainsi; on devait donc prendre en considération la question des chemins de fer et permettre, dès à présent, la con

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