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drapeau français sur la ville de Djidjeli. Cette journée coûta la vie au chef de bataillon de la légion étrangère Horain, atteint mortellement d'une balle dans la poitrine. Les Arabes renouvelèrent depuis leurs aggressions sans plus de succès.

Un deuxième corps expéditionnaire, chargé d'attaquer par terre Djidjeli, ne put arriver à temps, retardé dans sa marche par des chemins impraticables. L'entrée dans la Medjanah d'une colonne de troupes commandées par un des khalifahs d'Abd-el-Kader, l'obligea à se diriger immé diatement sur Djémilah. L'occupation de ce point important fut dès ce moment définitive (15 mai), et les habitants de la Médjanah seuls attaquèrent les gens de l'émir et les repoussèrent. Djémilah ayant été mis en état de défense, le général Galbois se porta sur Sétif (25 mai), à l'effet d'y organiser l'établissement du khalifah de la Medjanah, et dès le 12 juin il regagnait la capitale en traversant les tribus, long-temps ennemies, et maintenant soumises, des Abd-el-Nour et des Telaghma.

Les grandes chaleurs suspendirent toutes les opérations militaires pendant l'été, et peuplèrent les hôpitaux de malades, sans que toutefois la mortalité suivit la progression des maladies.

Pendant que notre armée se tenait ainsi en observation et qu'elle se montrait toute disposée à repousser, dans l'occasion, les attaques de l'émir, l'administration civile ne négligeait pas de provoquer des mesures utiles aux intérêts de la colonie. C'est ainsi qu'une décision royale du 11 mai créait à Paris un collége arabe, dont le régime devait comprendre, 1° l'hospitalité à donner, pendant leur séjour, aux notables indigènes de l'Algérie, autorisés à voyager en France; 2o l'éducation spéciale des enfants arabes, placés dans l'établissement sous la surveillance d'hommes recommandables et pieux de leur nation,

et instruits par des professeurs français; 5o une école d'interprètes pour l'arabe vulgaire et l'idiôme algérien, où seraient admis gratuitement, comme externes, un nombre déterminé de jeunes Français, assujétis à certaines épreuves ou conditions. Le but de cette institution n'a pas été immédiatement atteint, parce que Abd-el-Kader a réussi à la représenter comme tendant à forcer les jeunes arabes à changer de religion. Une ordonnance du 21 août organisait le régime financier de la colonie, et une autre, du 51 octobre, instituait à Alger une église consistoriale pour le culte protestant.

La fâcheuse altération de l'état sanitaire de l'Algérie avait retardé la solution de plusieurs graves questions. La principale était la reconnaissance de la partie de la province de Constantine qui s'étend de cette capitale au Biban (Portes de Fer), et du Biban jusqu'à l'Ouad-Kaddara, en passant par le fort de Hamza. Le moment semblait arrivé d'exécuter cette reconnaissance, que les pluies de décembre avaient, l'année précédente, fait ajourner. M. le duc d'Orléans, venu une seconde fois en Afrique, put s'y associer: Débarqué à Alger le 27 septembre, le prince royal en repartit le 6 octobre pour Philippeville, où il arriva le 8. Déjà, sur la plage vide et nue de Stora, s'élevait une ville dont l'accroissement présageait la prospérité. Par un douloureux contraste, les camps jalonnés sur la route de Philippeville à Constantine étaient encombrés de malades, et leur nombre même, dépassant toutes les prévisions, avait momentanément rendu insuffisants les approvisionnements de toute nature indispensables à leur guérison. Des dispositions promptement prascrites et exé. cutées suppléèrent à cette insuffisance. Parti de Philippeville le 10, le prince fit, le 11, son entrée à Constantine. A l'approche de la ville, tous les khalifahs et scheiks de la province s'étaient portés à sa rencontre, à la tête de

la population; chaque corporation, le muphti lui-même et les ulémas, marchant précédés d'un drapeau tricolore. Le 15, deuxième anniversaire de la prise de la ville, le prince passa la revue des troupes, et distribua la croix de la Légion-d'Honneur au khalifah du Sahhel, au khalifah de Ferdjioua, au sckeikh-el-Arab et au scheikh-el-Beled; celui-ci, vieillard de 90 ans, qui n'avait pas franchi depuis 50 ans les portes de Constantine, était venu la veille, porté par ses fils, offrir au prince des actions de grâce au nom des habitants de la ville, dont il est le chef spirituel et le marabout le plus vénéré.

Le 16 octobre M. le duc d'Orléans partit pour Milah. Le gouverneur-général y avait réuni un corps d'expédition composé de troupes de toutes armes, et il vint, en personne, le 17, établir son quartier-général sous les murs de cette ville. La colonne expéditionnaire fut partagée en deux divisions.

La première division se trouvait placée sous le commandement de M. le duc d'Orléans; le lieutenant-général Galbois commandait l'autre.

La colonne expéditionnaire se mit en route de Milah, le 18, arriva à Djémilah le 19, et le 21 au soir à Sétif où le maréchal Valée fit prendre position sous les murs de l'ancienne citadelle romaine, encore flanquée de tours ruinées sur plusieurs points. Cette marche, sans un seul coup de fusil tiré par les populations, qui venaient, au contraire, à chaque bivouac, apporter en hommage leurs blés, leurs fruits et leurs troupeaux, est un des résultats es plus frappants du progrès de la domination française dans cette importante et riche province.

A Sétif, le prince royal reçut les hommages du Khalifah El-Mokrani. Le 25 octobre, les deux divisions quittèrent le camp de Sétif et vinrent s'établir sur l'Ouad Bousselan, position qui domine les routes de Bougie et

de Zamourah. De là, elles se portèrent rapidement vers Sidi Mbarek, sur la route directe de Sétif au Biban. Après avoir traversé le territoire des Beni-Bou-Kethon et des Beni-Abbas, les deux divisions se séparèrent. L'une, sous les ordres du lieutenant-général Galbois, rentra dans la Medjanah pour continuer à occuper la province de Constantine; l'autre, composée de 5,000 hommes, sous les ordres du gouverneur-général et du prince royal, se dirigea immédiatement vers les Portes de Fer. Le 28, à midi, commença le passage de ces roches redoutables, que les Turcs n'avaient jamais franchies qu'en payant tribut, et où les légions romaines n'étaient jamais parvenues. Ces grandes murailles calcaires, de huit à neuf cents pieds de hauteur, se succèdent, séparées par des intervalles de quarante à cent pieds qu'occupaient des parties marneuses détruites par le temps, et vont s'appuyer à des crètes qu'elles coupent en ressauts infranchissables. Après avoir marché dix minutes à travers des rochers dont le surplomb s'exhausse de plus en plus, et après avoir tourné à droite, dans le lit du torrent, la colonne se trouva dans un fond resserré où il eut été facile de la fusiller, à bout portant, du haut de ces espèces de murailles, sans qu'elle eût pu rien faire contre les assaillants. Là se trouve la première Porte, ouverture de huit pieds de large, pratiquée perpendiculairement dans une de ces grandes murailles, rouges dans le haut, et grises dans le bas. Des ruelles latérales, formées par la destruction des parties marneuses, se succèdent jusqu'à la seconde Porte, où un mulet chargé peut à peine passer. La troisième est quinze pas plus loin, en tournant à droite. La quatrième Porte, plus large que les autres, est à cinquante pas de la troisième; puis le défilé, toujours étroit, s'élargit un peu et ne dure guère plus de trois cents pas. C'est du haut en bas des murailles calcaires que les eaux ont péniblement

franchi ces étroites ouvertures auxquelles leur aspect extraordinaire, et dont aucune description ne peut donner l'idée, a si justement mérité le nom de Portes.

C'est là que se précipita l'avant-garde, ayant à sa tête M. le duc d'Orléans et le maréchal Valée, au son des musiques militaires, aux cris de joie des soldats, qui ébranlaient ces rochers sauvages. Sur leurs flancs, les sapeurs gravèrent cette simple inscription: Armée française, 1839. Quatre coups de fusils, tirés de loin par deux kabaïles, et qui n'atteignirent personne, vinrent seuls protester contre le passage des troupes françaises, pour lequel il ne fallut pas moins de trois heures et demie. Au sortir de ce sombre défilé, la colonne alla bivouaquer à deux lieues plus loin, sur le bords de l'Ouad Biban. Cette rivière change alors son nom en celui de l'Ouad Melah (rivière salée), justifiant, par cette qualité, le nom de Chemin de la Soif, donné par les Arabes à la route que la colonne eut à parcourir sans trouver d'eau potable pendant près de deux journées de marche. Le 50, elle se porta sur Hamza; ce fort était complètement abandonné. Sur le territoire des Beni-Djaad, le 31, les tribus qui habitent cet Outhan tentèrent en vain de s'opposer à sa marche. L'armée campa entre l'Ouad-Beni-Djaad et l'Ouad Zeitoun. Enfin, le 1er novembre, elle passa l'Ouad Kaddara, se mit en communication avec une partie des troupes de la division d'Alger réunies sur ce point, et vint s'établir sous le canon du camp du Fondouk. Le 2 novembre, le corps expéditionnaire fit son entrée dans Alger. Des fêtes, où s'unirent dans un sentiment unanime l'armée et la population de la colonie, solennisèrent ce pacifique triomphe, que devaient avant peu troubler de nouvelles hostilitės.

Pendant l'expédition, on avait saisi, le 29 octobre, sur un Arabe, des lettres d'Abd-el-Kader provoquant à la guerre sainte et annonçant la rupture de la paix avec les Français,

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