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relatives aux attributions du préfet de police de Paris, et qui rattachât ce magistrat à la responsabilité ministérielle. A la suite d'un récent procès qui avait révélé les pouvoirs arbitraires et les privilèges dont venait d'abuser un préfet de police (affaire Gisquet), l'honorable député recommandait ce point à la sollicitude du gouver

nement.

Après quelques observations de formes, présentées par M. Jollivet, le paragraphe relatif à la naissance du comte de Paris et aux espérances que concevait la Chambre sur ce royal berceau, fut adopté à l'unanimité ainsi que celui qui avait trait à la perte douloureuse de la princesse Marie.

La séance du 19 janvier fut consacrée à la discussion du dernier paragraphe qui ne refusait pas formellement au ministère le concours de la Chambre, mais le subordonnait à des conditions auxquelles le Cabinet paraissait, dans la pensée de la commission, ne pas satisfaire.

M. Béchard, premier orateur inscrit, vint faire à chacun sa part, à la commission comme au ministère. Le système de conciliation, arboré par le Cabinet, était devenu un vain mot, bien que l'amnistie, qui malheureusement n'avait pas été étendue aux contumaces politiques, eût fait quelques temps la force des hommes du 13 avril, C'était une grande faute, de la part du pouvoir. Le ministère n'avait respecté ni la liberté d'examen prescrite par les lois de septembre, ni la liberté d'association, ni les libertés communales et départementales, ni la liberté individuelle pour laquelle M. le baron Roger avait revendiqué quelques garanties que ne refusait pas l'ordonnance de 1670. Quant à la liberté de l'enseignement consacrée par l'art. 69 de la charte, et qui devait être organisée dans un bref délai, le ministère en avait retardé l'établissement en se plaçant dans des conditions du monopole. Passant ensuite à l'appréciation des

collisions qui avaient éclaté sur divers points entre les pouvoirs temporel et spirituel, M. Béchard exprimait le vœu qu'on en prévint le retour, en mettant, sous la protection da grand principe de la liberté religieuse, l'enseignement théologique. Le Cabinet ne l'avait pas fait, c'était un tort immense. En définitive, il fallait au pays un ministère parlementaire et national, conciliateur et dévoué aux intérêts généraux de la France.

M. Salvandy, sur lequel portaient la plupart de ces reproches, fit à la tribune le résumé de l'histoire de l'instruction publique depuis la chute de l'ancienne université et des corporations enseignantes. A son avis, le seul moyen praticable d'améliorer l'enseignement était de rattacher le corps universitaire aux mœurs et aux lois existantes, et de le raffermir sans innover. Pour ce droit de l'autorité paternelle, il était reconnu dans l'éducation domestique; quant au principe de la liberté de l'enseignement, il avait été déjà appliqué à l'instruction primaire, et il le serait à l'instraction secondaire, lorsque la loi lui aurait donné les moyens de latter contre toutes les concurrences.

Après cette réplique, M. Debelleyme proposa un amendement au dernier paragraphe, dans lequel la commission manifestait l'espérance de voir fonder la sécurité du pays sur l'intime union des pouvoirs contenus dans leurs limites, et sur la responsabilité ministérielle concernant la royauté. En effet, dans l'opinion de l'honorable membre, ces mots étaient inconstitutionnels et portaient atteinte à l'inviolabilité royale.

M. de Sade, en réponse à cette proposition, regrettait qu'il fallût encore combattre pour affermir la responsabilité ministérielle, une des pierres angulaires de notre constitution, et que des publicistes monarchiques voulussent la miner et la détruire, en ébranlant la foi du pays dans l'efficacité de nos institutions politiques. Ces raisonne

ments étaient suivis d'une rectification du fait de la coalition Ce n'était point des ambitions personnelles qui avaient présidé à sa naissance, mais la sage pensée de rendre au gouvernement parlementaire sa vigueur et sa dignité. D'ailleurs, de ces solennels débats allait sans doute sortir une administration nouvelle et conforme au vœu du pays.

Cette protestation énergique parut inconstitutionnelle à l'honorable M. Quenault; le mal fait à la royauté par de pareilles argumentations, ne pouvait profiter qu'à la république et à la contre-révolution. En résumé, ajoutait l'orateur, la couronne est mise en discussion dans l'Adresse.

C'était injustement, selon M. Dufaure, que l'honorable préopinant avait prêté à l'opposition des intentions hostiles. Quand la Chambre croyait qu'un ministère ne couvrait pas suffisamment l'inviolabilité royale, n'avait-elle pas le droit d'en faire monter l'avertissement jusqu'au trône? Quand elle se sentait déshéritée de la part du pouvoir qu'elle devait prendre dans la direction des affaires, n'était-il pas légitime de protester contre cette infraction à l'esprit de la constitution ?

M. de Lamartine, reprenant la question de plus haut, avançait que chercher au-delà des agents constitutionnels chargés de couvrir la couronne, c'était déchirer le voile que la constitution avait si prudemment jeté sur la partie inviolable du pouvoir. Le reproche adressé au Cabinet, de n'être pas parlementaire, prenait sa cause dans la volonté manifestée par M. le président du Conseil du 22 février, d'entraîner le pays, en l'absence des Chambres, dans l'intervention ou plutôt dans la coopération espagnole, et le sens général de l'Adresse indiquait une tendance à la violation des attributions constitutionnelles de la royauté, et une atteinte radicale à la politique des principes de paix créée par Casimir-Périer en 1830; et,

s'élevant alors à une éloquence presque prophétique, M. de Lamartine ajoutait :

«Les grandes ambitions politiques qui s'agitent aujourd'hui pour arriver aux affaires, se diront: L'Europe déjà inquiète, l'Europe qui depuis 1830 reste comme indécise, ne sachant pas si le monde reprendra son aplomb, on si elle sera entraînée dans le mouvement révolutionnaire; si elle rentrera dans les coalitions de 1792, et se réunira en un faisceau de baionnettes contre-révolutionnaires, pour écraser définitivement la France; l'Europe nous donnera des griefs; nous menacerons les traités, non pas de 1815 seulement, mais ceux de 1830, comme en Belgique, et une fois entrés dans une série de difficultés au dehors, la situation de la France sera si grave, qu'elle se pressera, au nom de son patriotisme, autour de nous, qu'elle nous donnera majorité dans les Chambres, et qu'étant une fois au pouvoir, on ne nous en laissera plus descendre, car tantôt, au nom d'une victoire dont nous nous ferons un titre à la reconnaissance du pays, tantôt au nom d'un péril, fantôt au nom d'une défaite à réparer, nous viendrons demander durée, force, argent, hommes, dictatures ministérielles à la Chambre, et la Chambre, pressée entre des nécessités impérieuses, ne pourra rien nous refuser! nous dominerons aussi long-temps que l'on nous sentira nécessaires, et les circonstances fortes feront durer la nécessité.

« Oui, voilà la pensée non de tel ou tel homme en particulier. Peutétre qu'aucun ne l'a conçue; mais je l'affirme, voilà la pensée instinctive du parti, voilà la pensée qui ressort de toutes les phrases de votre Adresse.»

Un fait ressortait encore des divers paragraphes, aux yeux de l'orateur, c'est que les hommes de l'opposition s'engageaient d'avance à la tribune, contre l'Europe entière et sur toutes les questions résolues ou non résolues. Quel funeste présage pour la paix du monde! M. Thiers avait dit dans la question belge, qu'il fallait se refuser à l'exécution des traités dans leurs conditions relatives aux déchirements de territoire du Limbourg et du Luxembourg; ce fait-là résumait la politique' incendiaire de la coalition. Pourquoi exalter ainsi d'un côté les sentiments patriotiques, et de l'autre affaiblir le gouvernement? Pourquoi jeter ce défi à l'Europe et soulever tant de périls? En définitive, au nom du bonheur du peuple, la Chambre devait déchirer cette Adresse contradictoire, inconstitutionnelle, pleine de troubles au dedans, pleine de

menaces au dehors, que la royauté ne pouvait accepter, et que les gouvernements étrangers ne sauraient comment envisager.

Ce n'est pas ainsi qu'il fallait interprêter les sentiments de l'opposition, répliqua M. Guizot. Dans sa conviction profonde, il n'y avait pas de loyauté à supposer, de cette manière, de honteux motifs personnels qui n'existaient pas. Ses amis et lui avaient cru et croyaient encore la politique du Cabinet blâmable au dedans et au dehors, et ils l'avaient dit dans l'Adresse. Toute autre supposition serait une injure et une calomnie, une atteinte à la liberté des discussions de la Chambre. Examinant ensuite le paragraphe amendé dans chacune de ses expressions, l'orateur le trouvait équivoque et indécis. Du reste, on ne faisait au paragraphe de la commission qu'un seul reproche sérieux qui s'adressait à ces mots : couvrant au dedans le tróne de sa responsabilité. L'honorable député déclara qu'il ne s'agissait pas là de la responsabilité légale, elle ne pouvait jamais manquer; mais il s'agissait de la responsabilité morale, de la responsabilité politique, et loin de porter atteinte aux droits de la couronne, la commission avait voulu consacrer davantage son inviolabilité, en empêchant qu'elle ne descendit dans les luttes journalières de la tribune; il renvoyait donc, à ses adversaires, tous leurs reproches, et confessait qu'il désirait, aussi et plus que personne, que la couronne fût forte, grande et ho

norée.

Après une nouvelle explication des votes précédents, le ministre de l'intérieur établissait que le bénéfice de l'Adresse appartenait tout entier au Cabinet: que de plus, le ministère était vraiment parlementaire dans son origine et dans sa durée, parce qu'au 15 avril, ni ceux qui voulaient entrer en Espagne, ni ceux qui s'opposaient à l'amnistie n'étaient parlementaires. M. de Montalivet ter

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