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sur les bancs de l'opposition? N'avaient ils pas évité de se prononcer sur l'affaire belge, bien qu'elle ne fût pas encore consonimée? La politique suivie depuis neuf ans, nous laisse partout sans influence et sans crédit. Au moment où la Turquie était épuisée et affaiblie, la France ne devait-elle pas, par une sollicitude prévoyante, multiplier ses relations avec Méhémet-Ali, comme l'avait fait la restauration? D'autre part, il y avait deux dangers pour le gouvernement dans le principe d'omnipotence parlementaire, et dans le principe d'insurrection qu'on avait cu l'imprudence de glorifier chaque année; et le ministère tel qu'il était constitué, malgré les bonnes intentions de ceux qui le composaient, pourrait-il surmonter les obstacles qu'il rencontrerait ? Le seul remède à ce mal serait le changement fondamental du système actuel d'élection qui avait établi l'aristocratie de la médiocrité.

M. le président du Conseil attribua à des préoccupations particulières ces vives récriminations dont, disait-il, il n'y avait pas lieu de s'effrayer. Il ne partageait pas l'attachement de l'honorable préopinant pour la réforme électorale, cette panacée universelle. En outre, la situation des affaires extérieures était satisfaisante. Quant à la question parlementaire, le ministre ne s'en inquiétait nullement, et il attendait que la Chambre se prononçât pour ou contre le système qu'il avait l'intention de suivre et qui était national, ferme et sincère

M. le comte Villiers du Terrage, après quelques considérations statistiques, propres à diminuer dans l'avenir le danger de l'émeute qui menaçait sans cesse l'ordre social, proposait des moyens nouveaux, tels que des barricades mobiles et d'autres expédients, pour que la force-armée pût démas. quer, sans des pertes trop grandes, les lâches assassins qui attaquaient dans l'ombre les citoyens et les soldats. Ainsi, l'on parviendrait à modérer ou à prévenir l'effusion du sang. Ann. hist. pour 1839.

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M. de Brézé reprit la parole pour appuyer de nouveau ses allégations, traitées, à son avis, un peu légérement par M. le président du Conseil. N'était-il pas déplorable qu'une crise ministérielle de deux mois n'eût abouti qu'à un changement de personnes et non à un changement de système ? L'alliance anglaise que nous recherchions avec tant d'empressement était contraire aux intérêts de la France. Oui, la question d'Orient susciterait contre nous des em- a barras sérieux et ces embarras nous viendraient surtout de l'Angleterre. Interprète des opinions de son parti, l'orateur inclinait, comme lui, pour l'alliance russe, qui, continuait-il, nous offrirait des avantages certains dans les éventualités de l'Orient le gouvernement devait la préférer, et il devait aussi, quoiqu'en eût dit le chef du ministère, favoriser la réforme électorale, dont l'urgence est incontestable. En effet, le cens actuel de 200 fr. avait concentré toute l'influence de l'élection dans une seule classe de la société, en jetant dans l'ilotisme politique le peuple propriétaire du sol et qui a par conséquent un droit à la représentation de ces intérêts :

:

⚫ Ce droit, disait le noble pair, vous l'avez enlevé aux classes supérieures, c'est une chose certaine, et je vais vous le prouver par un exemple. Je suppose un arrondissement où il y a 500 électeurs sur ces 500 électeurs 350 à 400 ne paient que 200 fr. de contributions; d'où il suit que le cens de 200 fr. seul ou à peu près seul fait l'élection, tandis que ia grande propriété en est dehors. Eh bien! je crois cette loi funeste; ce n'est pas le véritable principe de l'élection : le véritable principe d'élection ne se trouve que dans l'influence de la société tout entière concourant par plusieurs degrés d'élections au résultat électoral. << Alnsi, je disais en 1831: Je voudrais qu'au lieu de créer par la loi des électeurs du privilége, les citoyens nommassent les électeurs. Je soutiens aujourd'hui comme alors que cette base est infiniment plus juste et plus rationnelle; je dirai plus, elle est moins démocratique et plus populaire. Je crois, Messieurs, que la loi électorale de 300 fr. a puissamment contribué au renversement de l'ancienne dynastie, et que la loi actuelle ne pourra rien fonder de stable ni de durable. »

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M. le ministre de l'instruction publique découvrait dans ce remarquable discours, une attaque directe à la

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cause même de la révolution de juillet. D'ailleurs, le noble préopinant avait placé sur la même ligne l'omnipotence parlementaire et l'insurrection spontanée non provoquée, non légale. A cette occasion, le ministre ajoutait :

le

⚫ L'omnipotence parlementaire, le roi compris, bien entendu, rol, partie nécessaire et immortelle de la constitution, nous l'acceptons, nous le défendons; c'est le principe de notre gouvernement. L'insurrection du crime et du complot, l'insurrection qui n'a pas été légitimée et précédée par des actes qui rendraient ce droit nécessaire comme le gouvernement même; jamais nous ne la souffrirons; nous la combattrons toujours. »

Suivait une réfutation des principes de l'honorable M. de Brezé sur la réforme électorale. Un système d'élection était depuis vingt-cinq ans acquis à la Chambre : c'était le système des de Serre, des Royer-Collard, des Camille-Jordan, des Foy, de ces hommes libéraux et conservateurs, qui avaient voulu qu'on fit disparaître l'élection à deux degrés, la fausse élection populaire, et qu'on élût directement le député. Combattre ce système, c'était dans la pensée de M. Villemain, attaquer tout ce qu'il y a d'éclairé, d'élevé dans la politique de la France depuis vingtcinq ans. Or, s'il y avait eu du mal dans ce long période, il y avait eu aussi quelque bien et quelque progrès; l'erreur n'avait point été héréditaire comme le prétendaient les adversaires du Cabinet. Ainsi, abstraction faite même des sentiments particuliers qui animaient les membres du ministère, il y avait dans leur situation, dans l'avantage qu'ils avaient eu de trouver des choses faites et consommées, dans les liens qu'ils avaient contractés et auxquels ils étaient fidèles, dans les opinions dont ils se montraient les défenseurs, dans leur union rapidement formée, mais complète et sincère, quelque chose qui, sans prétention de supériorité, leur donnait un avantage de force et peutêtre plus de durée que ne l'auraieut voulu leurs ennemis.

restaurée, grâce à vous, en 1839, elle n'occupera pas moins la renommée, et qu'elle aura bientôt repris son rang chez un peuple qui chérit, par-dessus tout, la gloire et l'honneur! »

3 Juin.- La discussion fut reprise par M. le baron Charles Dupin, qui, sans partager les idées de réforme de l'ordre de la légion-d'honneur, se demandait comment le cadre de cet ordre fixé l'an X de la république, dans l'origine à 5,250 légionnaires, avait, en trente-sept années, atteint le nombre excessif de 44,595? C'est que, suivant l'honorable pair, le fondateur de l'ordre avait foulé aux pieds sa loi constitutive dans les six plus belles années de l'empire; en effet, de 1804 au 1er janvier 1810, Napoléon avait dépassé l'effectif légal de la légion d'honneur, de 18,976 membres, ce qui faisait un accroissement annuel de 3,248 membres; là, était la première cause du mal que la restauration avait laissé croitre avec une prodigieuse rapidité. Le gouvernement de juillet, qui avait eu à soutenir la guerre extérieure en Algérie, à Ancône, en Belgique, à l'embouchure du Tage, la guerre civile en Vendée et la guerre sociale à Paris, à Lyon, à Nîmes, à Grenoble, n'avait pas nommé autant de nouveaux légionnaires en quatre ans et demi que la restauration dans les dix-huit premiers mois effectifs de son règne.

La première amélioration que proposait M. Charles Dupin, était de fixer, d'après les bases indiquées par la loi, le nombre des nominations annuelles que l'on ne pourrait dépasser à moins d'une guerre générale; néanmoins, il était à craindre que le projet ne fût inexécutable dans sa principale disposition, et l'honorable pair regrettait de voir cette grande question réduite à une affaire d'argent. A son avis, le projet de loi avait laissé de côté la partie vitale de l'ordre de la légion-d'honneur, son existence politique, qui seule le rapprocherait de son ancienne destination; mais il était douteux qu'on pût lui rendre les droits qui la consa

craient réellement comme institution, lorsque le dernier des légionnaires devenait membre de son collége électoral? Du reste, il semblait peu politique à l'honorable orateur que la Chambre des pairs prît l'initiative de cette loi, et il finissait ainsi ce long et remarquable discours :

Sur 95 grandes décorations, dont 18 seulement ont été données par le fondateur, 69 appartiennent à la pairie. Elle possède aussi 54 décorations de grands officiers. Lorsque nous remplissons l'intérieur du temple, est-ce à nous d'en fermer les portes?

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Nous avons vu jadis, à la guerre, des colonels, des généraux, exercer leur commandement sans avoir la décoration du simple légionbaire. Aujourd'hui les signes de l'honneur sont devenus un accessoire du costume. Tel grade, dans la légion, appartient à telle fonction, à telle position dans la société. On vous propose même, dans le projet d'en faire une décoration diplomatique.

Cependant, Messieurs, la proposition qui vous est soumise produira T'heureux résultats; elle donnera au gouvernement un avis salutaire sur la nécessité de rentrer le plus tôt possible dans des limites convenables. Cette discussion annoncera sans doute à la France, qu'au moment da danger, lorsqu'elle sera menacée par les armées étrangères, une loi devra créer, non pas un ordre de chevalier (car le temps en est passé), mais une nouvelle légion de la patrie, afin de payer le sang Tersé pour sa défense et de récompenser les actions d'éclats duement constatées.

Quoique opposé à l'ensemble de ce projet, et désirant par conséquent qu'il ne soit pas adopté, je crois, Messieurs, pouvoir émettre des Tux. Je voudrais voir cesser le ridicule anachronisme de deux siècles, quí a substitué l'effigie d'Henri IV, roi de France et de Navarre, celle de l'immortel fondateur de la légion. Je voudrais, s'il ne nous est pas permis de graver sur nos décorations les faits d'armes qui nous ont successivement mérité chaque grade, je voudrais que la grande chancellerie publiat un annuaire de la légion-d'honneur, dans lequel on inscrirait les dates seulement de chaque promotion. Cette publicité suffirait, je l'espère, pour arrêter beaucoup de protecteurs et de solliciteurs,

Afin de justifier ce que je viens de dire, je citerai une seconde fois les paroles de l'empereur: « Le jour où l'on s'éloignera de l'organisation première, on aura détruit une grande pensée, et la légion-d'honBear cessera d'exister..

M. le vicomte Pernety remerciait M. le baron Mounier d'avoir le premier soulevé cette question; cependant il proposait de changer l'art. 1er de la commission et de por

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