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cables aux dépenses de 1839; enfin, un troisième, extraordinaire, de 230,000 fr. sur l'exercice 1858. Le rapporteur faisait espérer que le budget de 1841 comprendrait dans son unité ces divers crédits spéciaux.

M. Chapuys Montlaville prit le premier la parole dans la discussion générale. L'orateur, selon son habitude, présenta quelques observations sur la réforme de notre système financier. La réduction des charges qui pèsent sur les contribuables et une meilleure répartition de l'impôt étaient nécessaires. Le gouvernement se faisait trop faiblement le protecteur d'intérêts exceptionnels. A l'appui de ces assertions, l'orateur citait l'impôt dont le fer était frappé, le fer, cet élément de première fabrication, cet instrument essentiel du travail; ainsi, pour maintenir le bénéfice des grands propriétaires de forges et de bois, on sacrifiait la société tout entière. L'impôt sur le sel n'était pas moins injuste, et il était étonnant que les fortunes du grand-livre, ou celles des hauts capitalistes, fussent exemptes de toute contribution envers l'Etat. Sans doute que conversion de la rente fournirait les moyens de réduire l'impôt foncier et de venir en aide à l'agriculture, si pauvre et si souffrante en comparaison de l'industrie qui rendait toajours assez.

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Enfin, rattachant alors la réforme financière à la réforme électorale, l'honorable député s'exprimait ainsi :

«Quelles que puissent être les bonnes intentions des députés nommés par 180,000 électeurs, il est dans la force des choses qu'ils ne puissent représenter en majorité que les intérets de 180,000 citoyens. Le député est le produit logique de l'assemblée qui le nomme. Un député élu par une minorité représentera et défendra les intérêts d'une minorité; le député envoyé par l'ensemble des citoyens, représentera seul l'ensemble des intérêts Ici donc encore une réforme doit en précéder une autre. Ce n'est pas le lieu d'établir les règles de cette réforme : je désire qu'elle soit large, conséquente au principe de notre droit public, à la souveraineté du peuple; mais je désire aussi qu'elle soit prudente et modérée.

« Espérons donc encore, lors même que nos espérances ont été si sou

vent trompées, que nous arriverons enfin à un état paisible dans l'opinion, et que nous pourrons employer toutes les forces de notre intelligence a la recherche d'un système d'impôts qui ne froisse aucun intérêt essentiel, et qui soit surtout établi sur les bases de l'égalité la plus absolue et de la justice la plus rigoureuse.

Le pays allait à une ruine complète et à une banqueroute effrayante, suivant M. Portalis, en ce sens que le passif excédait l'actif, et que nos ressources ne faisaient pas face à nos dépenses. Le budget qui, en 1835, était de 1 milliard, s'élevait à 1 milliard 200 millions environ en 1840. L'honorable député déplorait ensuite l'existence de quatre fléaux, de quatre abus généraux ; le premier était le nombre prodigieux des employés ; le second, la bureaucratie, la manie de créer des bureaux sinécures, qui obéraient les finances de l'État; le troisième, l'abus des pensions qu'il fallait accorder à cette multitude d'employés ; le quatrième, celui des logements pour les employés et les hôtels splendides pour les ministres. Mais, à ces abus, s'en joignaient d'autres encore, particuliers à chaque département. Ainsi, à la justice, trop de magistrats et trop de frais. L'intérieur n'était qu'un ministère de police générale avec la nomination des préfets. Aux affaires étrangères on prodiguait les ambassades, inutiles, comme, par exemple, celles de Rome, de Naples et de Turin. De grandes réductions étaient donc possibles.

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Justice et cultes. - 11 Juillet. La première et la seconde partie du budget, dette publique et dotation, ayant été adoptées, M. Auguis présenta sur la troisième partie, relative aux services généraux des ministères, des observations qui tendaient à faire rentrer, dans les attributions du ministère de la justice, la magistrature coloniale, dévolue aux ministres de la guerre et de la marine. M. Teste, garde-des-sceaux, pensait aussi qu'une modification si importante, dans la législation, devait être

faite, mais avec lenteur et maturité. Du reste, il s'entendrait avec ses collègues pour mettre fin à cet état de choses.

A l'article qui avait trait au conseil-d'état, une objection fut soulevée, contre le projet de loi, par M. Renouard. Le conseil-d'état était un corps administratif et non judiciaire, et pour lui conserver son caractère vrai et sérieux, on devait supprimer tout ce qui, dans ses attributions actuelles, était purement honorifique. Le nombre des conseillers d'état, en service extraordinaire, était démesuré; celui des auditeurs, limité jadis à 50, lui semblait suffisant, et les 42 places d'auditeurs, nouvellement créées, étaient inutiles. L'orateur appelait donc de ses vœux une loi régulatrice qu'il formulait ainsi :

<< Le nombre des conseillers d'état et des maîtres des requêtes en ser. vice extraordinaire ne pourra excéder le nombre des conseillers d'état et maîtres des requêtes en service ordinaire.

« Tous les membres du service extraordinaire seront autorisés à par. ticiper aux travaux du conseil-d'état.

Nul ne pourra être conseiller d'état ou maître des requêtes en service extraordinaire, s'il ne remplit des fonctions dans l'administration publique. Le fonctionnaire, nommé conseiller d'état ou maître des requêtes en service extraordinaire, cessera de l'être, de plein droit, lorsqu'il cessera d'être investi des fonctions pour raison desquelles il aura été appelé au service du conseil d'état.

« Le ministre, président du conseil d'état, pourra appeler toute personne à participer, avec voix consultative seulement, à un travail spécialement déterminé par l'arrêté de nomination. »>

Dans l'attente d'un remaniement du conseil d'état et d'une ordonnance qui devait remplir en partie les vues de la Chambre, le garde-des-sceaux accepta la réduction de 80,000 fr. proposée par la commission.

A l'occasion du chapitre XIV, sur les dépenses du personnel des cultes protestants, 843,000 fr., M. Auguis se plaignit de la répartition des pasteurs trop nombreux dans

certaines localités et trop rares dans les autres. En outre, nous avions une cure par 1,000 ou 1,200 âmes, tandis qu'il n'y avait qu'un pasteur protestant pour une population de 5,500 âmes. Ces avis furent pris en considération et le chapitre fut adopté.

Budget des affaires étrangères.-M. Fulchiron ouvrit la discussion en réclamant pour les Français résidants en Suisse, la liberté commerciale dont les Suisses jouissaient en France. Il citait, à l'appui de ses réclamations, d'incroyables exigences législatives exercées contre des négociants français.

A ces allégations M. le président du Conseil opposait la législation cantonale de la Suisse. Cependant il annonçait à la Chambre que l'ambassadeur était chargé de faire avancer les négociations entamées à cet égard. Le chef du Cabinet ajoutait, que le gouvernement français poursuivait avec énergie, auprès du gouvernement portugais, l'exécution des capitulations de la Guyane et de Cintra.

Après quelques explications demandées par MM. Lafitte et Mauguin, au sujet d'une créance belge, de l'emprunt de Saxe et du traité proposé avec le Mexique, prêt à être ratifié, on reprit le cours de la discussion.

Ministère de l'instruction publique. - Comme les années précédentes, M. de Tracy appela l'attention de la Chambre sur le grave sujet de l'instruction publique, sans toutefois le traiter de nouveau. Combien de temps l'article de la charte qui proclamait la liberté de l'instruction, resterait-il sans exécution?

M. Villemain reconnut, il est vrai, que le principe de la liberté de l'enseignement était contenu dans la charte et devait être réalisé, mais avec sagesse.

Je suis convaincu, ajoutait le ministre, je suis convaincu que ce qu'll importe, c'est de compléter, c'est d'organiser, c'est de garantir, c'est d'ajouter certains droits à ceux qui sont déjà assurés ; c'est enfin,

à côté de la juste et nécessaire part qui serait faite au libre enseignement, de maintenir les droits de l'Etat en substituant au monopole et au privilége la supériorité, si nous pouvons l'obtenir. Je suis convaincu que le système de la libre concurrence a besoin, dans l'intérêt de l'Etat, d'être amené et préparé par un sage développement de l'organisation existante, et qu'enfin vous seriez mécontents de celui qui, pour flatter un intérêt de liberté, trahirait un intérêt de l'Etat. Ces deux intérêts doivent être réunis, doivent être servis ensemble; et ils s'ac-| cordent souvent mieux qu'on ne le croit, »

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M. de Tracy répliqua au ministre, que s'il voulait au jourd'hui, comme en 1850, la consécration du principe de la liberté d'enseignement, c'était moins pour supprimer l'influence légitime qui revient à l'autorité dans l'intérêt de la morale, que pour l'empêcher d'aller au-delà, pari exemple, de régler les matières à enseigner, les méthodes à suivre, à préférer, etc. Le principe ainsi entendu et mis en application, amènerait nécessairement, selon l'orateur, l'amélioration des méthodes elles-mêmes.

M. Carl, qui du reste partageait les opinions de l'honorable préopinant sur la question débattue, induisit des paroles du ministre, qu'un projet également favorable aux colléges royaux et aux établissements privés, serait présenté dans le cours de la session prochaine.

Le ministre de l'instruction publique s'associait à quelques égards à ce vou; mais il fit remarquer que, tout en favorisant la liberté de l'enseignement, on ne devait cependant pas perdre de vue l'avenir et le développement des écoles de l'Etat.

Ainsi, M. Villemain, comme M. Janvier l'avait fait observer, ne prenait point l'engagement de présenter le projet de loi relatif à l'instruction secondaire; ce fut pour M. Carl un motif de reprendre sa proposition. Il rappela qu'une circulaire de M. de Salvandy, en 1858, remettait en vigueur les dispositions despotiques du décret de 1811, et M. Villemain lui-même avait avoué qu'à son tour, il tiendrait, jusqu'à une loi nouvelle, à l'exécution

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