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résistance et l'adhésion, une protestation où, tout en déclarant que le gouvernement n'opposerait point de résistance armée, on se serait cependant réservé d'attendre la mise à exécution des menaces des puissances, et ce cas advenu, on n'aurait payé à la Hollande que la part exacte et calculée sur pièces probantes, qui incombe réellement à la Belgique dans la division des dettes du précédent royaume des Pays-Bas. On aurait ensuite pourvu, par des prélèvements, sur les ressources financières, aux dépenses que cette résistance d'attente et de dignité ferme aurait occasionnées. Mais cette proposition n'avait pas trouvé faveur dans le conseil; c'est alors que son auteur avait dû se séparer de ceux dont il avait été pendant sept ans le collègue.

La discussion avançait fentement. Un représentant, M. Pollenus, posa la question de compétence. Aux termes, disait-il, de l'art. 80 de la constitution, le roi jure de maintenir l'intégrité du territoire dont un décret du pouvoir constituant a fixé l'étendue. Maintenant qu'il s'agit de modifier les dispositions de ce décret, ne serait-il pas nécessaire aussi de recourir au moyen prescrit, en pareil cas, par la constitution, de convoquer la Chambre élue en nombre double? Cette proposition n'eut point l'assentiment des représentants. La Chambre ne s'était point laissé arrêter par la question de compétence en 1831, il n'y avait donc pas de raison pour qu'elle le fit aujourd'hui.

Le 28 février le projet de traité eut un premier succès. La section centrale conclut, à la faible majorité de trois voix (42 contre 39), à l'adoption de la loi. Dix-sept représentants s'étaient abstenus.

A Mars. -Le ministre des relations extérieures avait fait l'historique de la situation; son collègue des travaux publics, M. Nothomb, en exposa l'esprit et les difficultés,

L'orateur posa d'abord ce fait important, que le Luxembourg allemand, placé aux portes de la France par les traités de 1815, n'avait jamais été réellement constitué, n'avait pas cessé, quant à l'administration, quant à l'esprit des relations entre les deux pays, de faire partie de la Belgique, bien que la confédération l'eût occupée militairement. Il n'était pas non plus entré dans les vues du roi Guillaume de faire cesser cet état de choses, parce qu'il ne pouvait pas convenir à ce monarque de laisser une de ses provinces devenir allemande. Ce qu'un intérêt bien entendu l'avait empêché de faire de 1815 à 1830, la France de juillet permit cependant qu'on essayât de l'établir; car, ni M. Bignon, qui parlait, en 1830, des prétentions mal fondées des Belges, sur le duché de Luxembourg, ni M. Laffitte, ne s'étaient rendus compte de ce fait tout particulier, qui, bien saisi, ajoutait M. Nothomb, eût donné un autre cours aux errements de la diplomatie. L'ignorance où se trouvaient, à ce sujet, les ministres français, avait dicté, selon l'orateur, les instructions données an représentant de la France à Londres, M. de Talleyrand. Le ministre faisait à la France un autre reproche : elle avait pu, disait-il, dissoudre le royaume des PaysBas, tel que les traités de Vienne l'avaient fait; elle aurait pa encore, en ne tenant pas compte davantage de ces traités, dissoudre également le grand duché de Luxembourg.

Le traité de 1831, continuait M. Nothomb, a, sans doate, modifié les arrangements de 1815, mais, en laissant le grand duché, Maestricht et la rive droite de la Meuse à la Hollande et à l'Allemagne, on exerçait une double hostilité contre la France ou une double défiance contre la Belgique, et par cela même il y avait un double intérêt pour l'Allemagne et l'Angleterre. Aucun de ces deax pays ne renoncera jamais à la dixième barrière

qu'il s'est si habilement ménagée en 1851, à côté de la Belgique et à côté de la France, dont l'esprit belliqueux, anti-européen, n'est pas encore éteint, et dont la perpétuelle tendance était d'envier à la Belgique sa nationalité; les partis ne sont d'accord en France, disait le ministre, qu'en un point, celui qu'il faut à leur pays les limites du Rhin. En preuve de ce fait, M. Nothomb citait entre autres, les termes d'un discours prononcé à la tribune française par M. de Lamartine (17 janvier 1859).

Après avoir exposé de cette manière, la pensée de l'Europe et la grandeur de la cause des Belges, qui s'irritent, à bon droit, des exigences de l'étranger, M. Nothomb conclut cependant à l'adoption du traité; il y conclut, par les raisons sur lesquelles se fondaient tous les partisans d'une solution pacifique.

Dans l'opinion d'un orateur opposé au projet (M. Simons, séance du 7 mars), l'une de ses conséquences, serait d'isoler la Belgique, de porter un coup mortel au commerce. On s'effraie, ajoutait-il, des menaces de la conférence; mais elle avait menacé en 1851, et cependant les 24 articles avaient succédé aux 18. La diplomatie a donné l'exemple de la violation des traités, pourquoi aurait-on, continuait l'orateur, pour ces stipulations, un respect qu'elle-même n'a point montré ?

11 et 12 Mars.-M. Lebeau fit décider que la Chambre siégerait sans interruption. Il fut néanmoins combattu par M. Dumortier, qui voyait dans cette proposition le parti pris de précipiter le vote. M. Nothomb vint ajouter de nouvelles considérations à celles qu'il avait déjà fait valoir :

:

Les partisans de la guerre, disait-il, conseillent des mesures pro mptes et vigoureuses d'augmenter le chiffre du tarif, d'établir des droits différentiels pour forcer l'Angleterre à laisser à la Belgique les provinces revendiquées ; ce serait, ajoutait le ministre, renouveler sur une pelite échelle, l'idée de Napoléon, et cependant Napoléon est tombé.

D'ailleurs, des modifications favorables ont été obtenues sur les questions financière et fluviale; et quant à la question de territoire, on a fait tout ce qu'humainement il a été possible de faire. »

En répondant à M. Nothomb, M. Dumortier fit remarquer que les représentants de 1851 n'avaient souscrit au traité que dans l'espérance que le roi de Hollande ne ferait point attendre son adhésion. Pourquoi, disait l'honorable représentant, la Belgique ne profiterait-elle point des avantages que le temps lui a créés? M. Dumortier examinant ensuite en elles-mêmes les clauses du traité, les trouvait plus onéreuses que celles de novembre; et en ce qui touchait en particulier, la question financière, des réductions avaient été faites, il est vrai, mais on perdait en retour la part qui revenait à la Belgique pour le syndicat d'amortissement; un crédit de 25 millions était également porté sur le by-boch, à la décharge de la Belgique; mais, n'étant inscrit que sur le grand livre d'Amsterdam, c'était encore un avantage sans garanties. M. Dumortier terminait par des paroles pleines de chaleur et d'élévation; il ne voulait pas qu'on dit de lui sur la terre étrangère : Il est Belge, il a voula conserver son industrie, liberté; qu'il jouisse de sa liberté; mais en vendant ses frères, il a perdu l'honneur ! »

sa

La représentant du Luxembourg, M. Gendebien, vint à son tour soutenir de toute l'énergie de ses convictions, de son patriotisme, les adversaires du projet. A ses yeux, le sacrifice imposé par la conférence n'est qu'un prétexte; il s'agit moins d'enlever trois cent mille Belges à leur patrie d'adoption, que d'enlever à la Belgique elle-même les institutions libérales qu'elle s'est données. Lui aussi, voudrait, comme moyen de résistance, qu'on fermât à l'Angleterre les ports de la Belgique; quelques comptoirs, ajoutait-il, pourraient en souffrir à Anvers, à Ostende; mais les véritables industriels, les négociants qui

entendent leurs intérêts, seront les premiers à y applaudir.

. En ce qui le concerne, s'il ne peut empêcher la séparation, il veut du moins partager le sort de ses frères du Luxembourg; il se condamnera à l'ostracisme, et un jour viendra où l'on dira de ses enfants, condamnés comme lui: Ce sont les enfants de celui qui s'est sacrifié pour l'indépendance de son pays, qui s'est condamné lui-même à la mort politique plutôt que de consentir à une séparation odieuse..

18 Mars. M. Péters proposa un amendement qui donnait au gouvernement l'autorisation de conclure le traité, sous la condition expresse de conserver aux populations du territoire à céder, les libertés civiles et religieuses dont elles étaient en jouissance.

Le ministre répondit à l'orateur, que le gouvernement avait la ferme intention de ne traiter que dans cet esprit. Cinquante-trois votants contre quarante, rejetèrent l'amendement.

M. Pollenus en proposa un autre, qui tendait à faire déclarer que les communautés, les corporations, les établissements religieux et d'instruction publique, dans les provinces cédées, conserveraient leurs propriétés, et que les temples consacrés au culte catholique ne pourraient être destinés en même temps à d'autres cultes. Cet amendement n'eut pas plus de succès que le premier. M. Desmaisière, appuyé par M. Dumortier, aurait voulu la suppression du mot clauses, du projet qui, selon lui, laissait trop de latitude au gouvernement. Cette proposition fut également rejetée.

Enfin on alla aux voix sur l'ensemble, et, comme on s'y attendait, la loi fut adoptée à une imposante majorité (58 contre 42). Un député du Luxembourg, M. Gendebien, formula ainsi son vote : « Non, non, trois cents quatre-vingt mille fois non! pour autant de Belges sacrifiés. » Ce député écrivit, après la séance, une lettre, où il

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