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En effet, l'on donnait ainsi à la ville royale les avantages d'un port de mer, puisqu'on la poussait en quelque sorte sur la mer Baltique. Maintenant, si l'on considère que l'on projetait, au même moment, de joindre, par une autre voie de communication, la ville de Cassel à celle de Halle, c'est-à-dire l'Allemagne septentrionale à l'Allemagne rhénane, il sera facile de calculer quelle impulsion, quelle vie nouvelle, ces entreprises, menées à bonne fin, donneraient au commerce et partant, au bien-être des populations. Ce mouvement concordait, au surplus, avec les résultats que promettait et que réalisait déjà l'union des douanes allemandes, ce grand événement du règne de Frédéric-Guillaume, et qui avançait déjà l'unité politique de l'Allemagne,

En somme, l'état de la Prusse, à l'intérieur, paraissait satisfaisant. Nous ne parlerons pas de quelques délits isolés, d'offenses à la personne royale, demeurées sans écho, et dont les tribunaux, celui de Munster, en particulier, firent justice. Mais nous avons à constater un fait qui, à raison de sa gravité et parce qu'il rend compte des entraves qui arrêtent encore dans ce pays, l'expression de la pensée, doit trouver place ici. On continuait, à Berlin, la publication du recucil de critique littéraire, commencé par le célèbre Hegel; il fallut, cette année, renoncer à le mettre au jour, à moins de laisser la censure en diriger, à son gré, l'esprit et la rédaction. Au surplus. Ja censure ne faisait que se conformer à la législation générale en matière de presse. On a pu voir, en effet, (Annuaire 1837), entre autres dispositions, que la censure avait droit d'apposer son visa, non-seulement sur chaque feuille à imprimer, mais encore sur l'ouvrage entier.

Ajoutons, pour mieux prouver encore, avec quel soin

le gouvernement arrêtait les tendances qui lui paraissaient dangereuses, que le roi Frédéric-Guillaume déclara formellement (octobre), que le conseil municipal et les présidents de la bourgeoisie de la capitale ne seraient plus admis à présenter, en personne, des adresses au roi aussi longtemps qu'ils persisteraient dans les opinions émises par eux dans toutes les occasions. Cette mesure excluait le conseil et les présidents de la bourgeoisie, même des audiences hebdomadaires où le monarque était accessible à tous les citoyens. Cependant, le roi permettait que le conseil lui adressât des représentations écrites. Ce conseil s'associa, vers cette époque, à l'hommage rendu, en 1858, par la ville d'Erfurth à l'auteur de la réformation, dans la personne de ses descendants. Un don de 500 écus fat fait, au nom de la ville de Berlin, à chacun de ceux qui font revivre aujourd'hui le nom de ce grand homme.

Un acte de clémence signala la fin de l'année. Une amnistie fut publiée (11 novembre) à l'occasion du 300e anniversaire de la réformation. « Voulant donner, disait le roi, à ceux qui se sont rendus coupables des délits qui doivent être attribués à l'entraînement plutôt qu'à la méchanceté, un motif de joie et d'amélioration, j'ai résola d'accorder une grâce circonscrite dans les limites où l'anniversaire a dû être célébré. » L'acte d'amnistie ne faisait aucune distinction en ce qui touchait la religion des condamnés, et la clémence royale allait trouver même ceux qui étaient coupables du crime de lèse-majesté. Enfin, un acte d'utile munificence complétait cette consécration de la grande solennité de l'Allemagne protestante. On déclara libérés les débiteurs de moins de 50 thalers. Cette mesure témoignait tout l'intérêt dont le gouvernement était animé à l'égard des classes pauvres.

La Prusse rendit encore hommage à une autre de ses gloires, en faisant faire, aux frais de l'Etat, une édition

des œuvres de Frédéric II, et en confiant à une commission le soin de publier une histoire du règne de ce monarque.

A l'extérieur, le débat qui s'agitait au commencement de l'année entre la Belgique et la Hollande, l'incertitude que laissaient planer, sur la politique européenne, les prétentions respectives des deux nations contendantes, donnèrent lieu au gouvernement prussien de faire quelques démonstrations, quelques préparatifs, des mouvements de troupes qui s'arrêtèrent en même temps que la solution elle même de la question avançait. Les relations diplomatiques, interrompues quelque temps, avec la Belgique, par l'admission du général Skrzynecki au service de ce pays, furent bientôt rétablies, et l'embassadeur de Prusse retourna à son poste à Bruxelles. Un traité de navigation, conclu en 1837 entre la Prusse et la Hollande, établissait entre elles des relations d'amicale réciprocité ( Voir l'Annuaire 1857). Il fut suivi, cette année, d'une autre convention qui établissait, de part et d'autre, et au profit du commerce de l'union, en particulier, d'utiles réductions de droits sur certains produits : le vin, les grains, les bois, les étoffes de soie, la quincaillerie foraine, en un mot tout ce qui constitue l'exportation des pays de l'union. Ce traité devait rester en vigueur jusqu'en 1841.

L'union elle-même des douanes dut être continuée pour douze années à dater de 1841. Ce fut une des décisions que paraissait devoir prendre le congrés annuel de Berlin (août), mais il ne pensa point que le temps fût venu de réduire, comme on le lui demandait, les droits sur les vins français (septembre). Enfin, à cette époque, des négociations étaient entamées pour faire accéder à l'union la partie du Luxembourg afférente au roi Guillaume.

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Le gouvernement décida encore (novembre), que les calculs pour l'importation et l'exportation auraient lieu d'après les mesures adoptées par l'union.

Les relations de bon voisinage n'étaient cependant pas si générales, si amicales, que l'on n'eût à se plaindre du Danemarck pour les entraves que la perception d'un droit excessif sur le Sund, suscitait au commerce. En effet, ce droit s'était élevé de 1 1/2 à 5 et 7 pour cent. Et le Cabinet de Berlin avait, jusqu'alors, fait de vains efforts pour obtenir du Danemarck une diminution de ce droit. Il n'avait donc pas renouvelé, avec cette puissance, le traité de commerce conclu l'année précédente. Ailleurs, et sur les frontières de la Pologne russe, il fallait en quelque sorte, se retirer devant les mesures prohibitives adoptées par le gouvernement russe à l'égard de la Pologne. Un tel système réduisait le commerce à prendre la direction de l'Est par Riga et Revel; et, lorsque viendrait le moment où le canal de la Vistule et de la Dwina serait terminé, une conséquence inévitable de ce blocus des rives de la Pologne serait de priver de toutes communications extérieures, Thorn, Dantzick et les villes du littoral; la Vistule et le Niémen seraient déserts, et les ports de la Prusse réduits à l'inaction.

Toutefois, ces embarras, nécessairement partiels et momentanés, n'étaient pas de nature à troubler les rapports avec les autres puissances, et on ne paraissait même plus éloigné de reconnaître le gouvernement constitutionnel de la reine d'Espagne.

HANOVRE.

Rien n'était changé dans l'état du royaume, tel que l'avaient laissé les deux années précédentes la résistance

légale se prolongeait, se traduisant, tantôt en adresses et discussions, tantôt en une inaction systématique. Si, par exemple, le roi invitait les électeurs à remplir leur mission et à se conformer pour cela au mode tracé par la constitution de 1819, l'élection avait lieu peut-être ; mais le nombre des votants était si réduit, que souvent un suffrage unique proclamait un candidat unique.

Le gouvernement rencontrait encore cette tiédeur calcalée, lorsqu'il réclamait unimpôt non légalement consenti. Les dates étaient soigneusement supputées; on était à tel moment de l'année, et le budget n'avait été voté que jusqu'à cette époque par la Chambre prorogée. en 1838 (V. l'Annuaire); donc on ne devait plus rien; donc on refusait de payer. Ainsi firent les villes d'Osnabrück (janvier), de Hagen (mars), et d'autres encore. Le nombre des contribuables qui, dans la première de ces deux villes, se retranchèrent ainsi derrière le rempart de la légalité, telle qu'ils l'entendaient, s'élevait, au 21 janvier, à 455! Mais on allait plus loin on s'adressait à des jurisconsultes étrangers et renommés, et souvent les magistrats eux-mêmes, au risque de s'attirer des admonestations sévères, comme il arriva à ceux de la municipalité d'Osnabrück, adressaient au roi une délibération dans le sens de la constitution abrogée. Le refus de l'impôt était tantôt formel et direct, tantôt implicite et dissimulé. C'est ainsi que les avocats de la ville de Hanovre, n'envisageant qu'à son point de vue fiscal la disposition de la loi fondamentale qui soumet au timbre les actes judiciaires, affectaient d'y contrevenir; en d'autres termes, ils refusaient l'impôt.

Cependant, les Hanovriens n'étaient pas seulement forts de leur union à l'intérieur; ils avaient encore la sympathie de ceux des gouvernements de l'Allemagne que régissent

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