Images de page
PDF
ePub

NAPLES.

Après toutes les révoltes auxquelles avaient donné lieu les désastres causés par le choléra, l'année 1838 avait été, pour le royaume des Deux-Siciles, une sorte de convalescence morale où le peuple dut se ressentir encore de ses longues souffrances, et le pouvoir des atteintes portées à son autorité par tant de manifestations hostiles. Mais le calme s'était enfin rétabli par l'absence des causes qui l'avaient troublé, et le gouvernement avait pu reprendre sa marche ordinaire.

Sa sollicitude se porta tout d'abord sur la Sicile, pour laquelle les dernières années avaient été si funestes; puis sur le continent, où un grand projet d'intérêt matériel fut réalisé. En effet, un chemin de fer partant de Naples fut dirigé vers Castellamare: c'était le premier rail-way que l'on eût encore vu sur le sol de l'Italie. Il fut béni et inauguré le 4 octobre, au milieu d'un concours immense de population; une fois les constructions terminées jusqu'à Nocéra et Castellamare, cette voie de communication se prolongerait par Avellino vers l'Adriatique, et les deux mers se trouveraient en quelque sorte rapprochées. Cette espérance reposait sur les promesses mêmes du roi.

Pendant cette solennité industrielle et nationale, une escadre cinglait vers Tunis et allait déclarer au bey qu'il eût à renoncer au tribut que le royaume des Deux-Siciles lui avait si long-temps payé. Le prince de Syracuse, chargé de signifier à la régence les résolutions du gouvernement, était le 14 octobre en rade de Tunis. Après s'être acquitté de la mission que lui avait confiée le roi, son frère, il remit à la voile et rentra devant Naples.

A la même époque, une convention avait été signée avec le Saint-Siége relativement au clergé du royaume.

Il y était dit qu'à l'avenir les ecclésiastiques ne pourraient être conduits en prison que la nuit, ou dans une voiture, et enveloppés d'un manteau. Si les localités le permettaient, ils devraient être enfermés dans une prison séparée. Défense était faite d'arrêter un coupable dans une église pendant le service divin. En outre, hors du service divia, le curé ou le prieur d'une église, dans laquelle un individu poursuivi par la justice, se serait réfugié, devait être averti de son arrestation. Liberté était donnée à tout évêque d'avoir dans son évêché une chambre de correction où seraient enfermés les ecclésiastiques qu'il jugerait convenable de punir. Dans le cas où un prêtre serait condamné à mort, le gouvernement ne pourrait exiger d'aucun évêque la dégradation, sans lui avoir préalablement communiqué toutes les pièces du procès, et la dégradation ne serait définitivement prononcée que si ces pièces ne prêtaient à aucune observation; sinon, elles seraient soumises à la discussion d'une commission composée de trois évêques, munis de pleins pouvoirs apostoliques, approuvés par le Pape. Sur la demande du gouvernement, elle pourrait se composer d'un nombre de membres double, avec deux assesseurs laïques ayant voix consultative. Juger en dernier ressort des observations de l'évêque, tel serait le rôle de cette commission; si, après examen, elle les trouvait mal fondées, elle ordonnerait la dégradation sans délai. Dans l'hypothèse contraire, elle enverrait au roi un avis motivé, et recommanderait le condamné à la grâce du souverain. Cette convention ratifiée, par le roi, fut proclamée loi du royaume.

L'attention de la cour était alors occupée par des négociations graves dès le principe, et dont les suites devaient entraîner de nombreuses difficultés.

Il s'agissait d'un traité de commerce avec l'Angleterre. La première base serait l'égalité des deux pavillons;

les principaux articles régleraient le commerce des huiles. Sur ces deux sujets les conclusions eussent été promptes et faciles; mais les exigences de l'Angleterre, relativement à l'abolition du monopole des souffres, soulevèrent de graves questions dont la solution et l'historique appartiennent à l'année qui suivra.

CHAPITRE VII.

[ocr errors]

[ocr errors]

ESPAGNE.Situation. Aperçu sur l'état actuel de la cause du prétendant. Désunion des généraux de la reine.Etat des armées. -Embarras du trésor. Position difficile du ministère. — Troubles qui éclatent dans les présides de la côte d'Afrique et sur d'autres points. Accusation dirigée contre le comte de Toréno. - Prorogation des Cortès.-Mesures adoptées durant cette période de la Session. Affaires d'Utiel de Lucéna. - Reprise des hostilités. Chelva chassé de la Manche. Munagorri. Derniers efforts de ce partisan. Dissolution de la légion étrangère. Statistique des deux armées. Espartero et ses lieutenants. Affaires de Ramalès, de Guardamino, de Belascoin. Occupation d'Orduna par les troupes constitutionnelles, et rétablissement de la ligne de Pampelune à la frontière. · Cabrera et Van-Halen. Inutile tentative de ce dernier sur Ségura. Incendie de cette ville, par le chef carliste. — Llangostera, lieutenant de Cabrera, est repoussé par Ayerbe et Aspiroz.— Prise du fort de Taleo, par O'Donnell. Résultat et appréciation de l'ensemble des opérations de la campagne.

La guerre de succession, qui depuis si long-temps déchirait la péninsule, et qui cette fois était d'autant plus sanglante qu'à la différence de la première, elle était uniquement intestine, cette guerre touchait à sa fin. A ne considérer que les événements de l'année précédente, il ne semblait pas que le dénouement fût si voisin. Ce qui le précipita, ce furent moins les coups portés par l'un et l'autre parti, que la faible nature de celui qui prétendait au trône de Castille; les dissentiments qui partageaient ses conseils, alors que sa cause, plus encore que celle de la reine, avait besoin d'union; enfin l'énergie effrayante d'un de ces hommes que la providence tient en réserve pour les desseins qu'elle se propose, et dont seule elle peut apprécier les mobiles. Seule, en effet, elle peut juger avec équité l'homme qui, aujourd'hui encore, est général de don Carlos et demain s'appellera Maroto!

L'harmonie ne régnait pas davantage dans les armées de la reine. En temps de guerre civile, les hommes placés d'abord sur le premier plan s'effacent souvent ou disparaissent devant d'autres plus habiles ou plus heureux. Les généraux christinos se persécutaient les uns les autres; le vainqueur de Gomez, le pacificateur de la Manche, Narvaez, était contraint de se réfugier à Gibraltar, d'où, à son tour, il accusait Espartero. Un autre général qui, lui aussi, avait rendu des services à la cause constitutionnelle, Cordova, d'abord retiré à Ossuna, fut obligé de chercher un asile en Portugal. Ces deux commandants d'armée, dont on avait dès l'année précédente incriminé la conduite à la suite des troubles de Séville (voir l'Annuaire de 1838) étaient, de l'autorisation même des Cortès, renvoyés devant la juridiction militaire; et quant à Espartero, son influence, toujours grandissante, tenait sans doute à l'avan tage qu'il avait de combattre, en quelque sorte, l'insurrection dans son foyer.

Cependant, la situation était critique; les troupes souffraient, l'armée du nord surtout, et en particulier, la garnison de Saint-Sébastien. Ailleurs, on n'était pas plus heureux. En vain le ministre des finances, M. Pita Pizarro, fit-il les plus louables efforts; la pénurie du trésor était telle, les dernières opérations stratégiques avaient eu si peu de succès, et les allures de l'administration inspiraient si peu de confiance, que ce fut à grand'peine qu'on parvint à réaliser à cette époque de l'année, 24 millions de réaux applicables aux besoins des armées. Aussi, dans une circalaire récente, l'administration recommandait-elle, plas particulièrement que jamais, aux intendants des provinces, de donner aux deniers perçus cette destination urgente.

Il était d'ailleurs difficile au ministère de mener à fin les actes qu'il méditait. Les attaques, dont il était l'objet, devenaient chaque jour plus incessantes; les agitations, les trou

« PrécédentContinuer »