Images de page
PDF
ePub

les extrémités, que de... ( reconnoissant Cléonte.) Il est vrai que vous êtes mon pere, je vous dois entiere obéissance; et c'est à vous à disposer de moi selon vos volontés.

M. JOURDAIN.

Ah! je suis ravi de vous voir si promptement revenue dans votre devoir; et voilà qui me plaît d'avoir une fille obéissante.

SCENE VII.

MADAME JOURDAIN, CLÉONTE, M. JOURDAIN, LUCILE, DORANTE, DORIMENE, COVIELLE.

MADAME JOURDAIN.

Comment done! qu'est-ce que c'est que ceci ? On dit que vous voulez donner votre fille en mariage à un carême-prenant.

M. JOURDAIN.

Voulez-vous vous taire, impertinente? Vous venez toujours mêler vos extravagances à toutes choses, et il n'y a pas moyen de vous apprendre à être raisonnable.

MADAME JOURDAIN.

C'est vous qu'il n'y a pas moyen de rendre sage, et vous allez de folie en folie. Quel est votre dessein? et que voulez-vous faire avec cet assemblage ?

M. JOURDAIN.

Je veux marier notre fille avec le fils du grand Turc.

MADAME JOURDAIN.

Avec le fils du grand Turc?

M. JOURDAIN.

Oui. ( montrant Covielle.) Faites-lui faire vos compliments par le truchement que voilà.

" MADAME JOURDAIN.

Je n'ai que faire du truchement; et je lui dirai bien moi-même, à son nez, qu'il n'aura point ma fille.

M. JOURDAIN.

Voulez-vous vous taire, encore une fois?

DORANTE.

Comment! madame Jourdain, vous vous opposez à un bonheur comme celui-là? Vous refusez son altesse turque pour gendre?

MADAME JOURDAIN.

Mon dieu! monsieur, mêlez-vous de vos affaires.

DORIMENE.

C'est une grande gloire qui n'est pas à rejeter.

MADAME JOURDAIN.

Madame, je vous prie aussi de ne vous point embarrasser de ce qui ne vous touche pas.

DORANTE.

C'est l'amitié que nous avons pour vous qui nous fait intéresser dans vos avantages.

MADAME JOURDAIN.

Je me passerai bien de votre amitié.

DORANTE.

Voilà votre fille qui consent aux volontés de son pere.

MADAME JOURDAIN.

Ma fille consent à épouser un Turc?

Sans doute.

DORANTE.

MADAME JOURDAIN.

Elle peut oublier Cléonte?

DORANTE.

Que ne fait-on pas pour être grande dame ?

MADAME JOURDAIN:

Je l'étranglerois de mes mains, si elle avoit fait un

coup comme celui-là,

M. JOURDAIN.

Voilà bien du caquet. Je vous dis que ce mariage

là se fera.

MADAME JOURDAIN.

Je vous dis, moi, qu'il ne se fera point.

[blocks in formation]

MADAME JOURDAIN.

Allez, vous êtes une coquine.

M. JOURDAIN, à madame Jourdain. Quoi! vous la querellez de ce qu'elle m'obéit?

MADAME JOURDAIN.

Oui. Elle est à moi aussi bien qu'à vous.
COVIELLE, à madame Jourdain.

[blocks in formation]

Je n'ai que faire de votre mot.

COVIELLE, à M. Jourdain.

Monsieur, si elle veut écouter une parole en particulier, je vous promets de la faire consentir à ce que vous voulez.

MADAME JOURDAIN.

Je n'y consentirai point.

COVIELLE.

Ecoutez-moi, seulement.

Non.

MADAME JOURDAIN.

M. JOURDAIN, à madame Jourdain. Ecoutez-le.

MADAME JOURDAIN.

Non, je ne veux pas l'écouter.

Il vous dira...

M. JOURDAIN.

MADAME JOURDAIN.

Je ne veux point qu'il me dise rien.

M. JOURDAIN.

Voilà une grande obstination de femme! Cela vous feroit-il mal de l'entendre?

COVIELLE.

Ne faites que m'écouter, vous ferez après ce qu'il vous plaira.

MADAME JOURDAIN.

Hé bien, quoi?

COVIELLE, bas, à madame Jourdain. Il y a une heure, madame, que nous vous faisons signe. Ne voyez-vous pas bien que tout ceci n'est fait que pour nous ajuster aux visions de votre mari, que nous l'abusons sous ce déguisement, et que c'est Cléonte lui-même qui est le fils du grand Turc?

MADAME JOURDAIN, bas, à Covielle. Ah! ah!

COVIELLE, bas, à madame Jourdain. Et moi Covielle, qui suis le truchement? MADAME JOURDAIN, bas, à Covielle. Ah! comme cela, je me rends.

COVIELLE, bas, à madame Jourdain. Ne faites pas semblant de rien.

MADAME JOURDAIN, haut.

Oui, voilà qui est fait; je consens au mariage.

M. JOURDAIN.

Ah! voilà tout le monde raisonnable. ( à madame Jourdain. ) Vous ne vouliez pas l'écouter. Je savois bien qu'il vous expliqueroit ce que c'est que le fils du grand Turc.

MADAME JOURDAIN.

Il me l'a expliqué comme il faut; et j'en suis satisfaite. Envoyons quérir un notaire.

DORANT E.

C'est fort bien dit. Et afin, madame Jourdain, que vous puissiez avoir l'esprit tout-à-fait content, et que vous perdiez aujourd'hui toute la jalousie que vous pourriez avoir conçue de monsieur votre mari, c'est que nous nous servirons du même notaire pour nous marier, madame et moi.

, MADAME JOURDAIN.

Je consens aussi à cela.

C'est

M. JOURDAIN, bas, à Dorante.
pour lui faire accroire.
DORANTE, bas, à M. Jourdain.

Il faut bien l'amuser avec cette feinte.
M. JOURDAIN, bas.

Bon, bon. ( haut. ) Qu'on aille quérir le notaire.

DORANTE.

Tandis qu'il viendra, et qu'il dressera les contrats, voyons notre ballet, et donnons-en le divertissement à son altesse turque.

M. JOURDAIN.

C'est fort bien avisé. Allons prendre nos places.

Et Nicole?

MADAME JOURDAIN.

M. JOURDAIN.

Je la donne au truchement; et ma femme, à qui la voudra.

COVIELLE.

Monsieur, je vous remercie. ( à part. ) Si l'on en peut voir un plus fou, je l'irai dire à Rome.

FIN DU CINQUIEME ACTE.

« PrécédentContinuer »