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fait composer ici, en attendant que notre homme fût éveillé.

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LE MAÎTRE À DANSER.

Peut-on voir ce que c'est ?

LE MAITRE DE MUSIQUE.

Vous l'allez entendre, avec le dialogue, quand il viendra. Il ne tardera guere.

LE MAÎTRE À DANSER.

Nos occupations, à vous et à moi, ne sont pas petites maintenant.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Il est vrai. Nous avons trouvé ici un homme comme il nous le faut à tous deux. Ce nous est une douce rente que ce monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu'il est allé se mettre en tête; et votre danse et ma musique auroient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât.

LE MAÎTRE À DANSER.

Non pas entièrement; et je voudrois, pour lui, qu'il se connût mieux qu'il ne fait aux choses que nous lui donnons.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Il est vrai qu'il les connoît mal, mais il les paie bien; et c'est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin que de toute autre chose.

LE MAÎTRE À DANSER.

Pour moi, je vous l'avoue, je me repais un peu de gloire. Les applaudissements me touchent; et je tiens que, dans tous les beaux arts, c'est un supplice assez fâcheux que de se produire à des sots, que d'essuyer sur des compositions la barbarie d'un stupide. Il y a plaisir, ne m'en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d'un art, qui sachent faire un doux accueil aux beautés d'un ouvrage, et, par de chatouil. lantes approbations, vous régaler de votre travail.

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int en aller

Oui, la récompense la plus agréable recevoir des choses que l'on fait, c'e̱. connues, de les voir caressées d'un ap qui vous honore. Il n'y a rien, à mon lue vous me paie mieux que cela de toutes nos fati des douceurs exquises que des louan LE MAÎTRE DE MUSIQ

M.

J'en demeure d'accord; et je les goûte comm. Il n'y a rien assurément qui chatouille davantages les applaudissements que vous dites; mais cer ne fait pas vivre. Des louanges toutes pures nen point un homme à son aise, il y faut mêler du so et la meilleure façon de louer, 'cest de louer avec mains. C'est un homme, à la vérité, dont les lu mieres sont petites; qui parle à tort et à travers de toutes choses, et n'applaudit qu'à contre-sens; mais son argent redresse les jugements de son esprit; il a du discernement dans sa bourse; ses louanges sont monnoyées ; et ce bourgeois ignorant nous vaut mieux, comme vous voyez, que le grand seigneur éclairé qui nous a introduits ici.

LE MAITREA DANSER.

Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites; mais je trouve que vous appuyez un peu trop sur l'argent; et l'intérêt est quelque chose de si bas, qu'il ne faut jamais qu'un honnête homme montre pour lui de l'attachement.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous recevez fort bien pourtant l'argent que notre homme vous donne.

LE MAITRE À DANSER.

Assurément ; mais je n'en fais pas tout mon bonheur, et je voudrois qu'avec son bien il eût encore quelque bon goût des choses.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Je le voudrois aussi; et c'est à quoi nous travaillons

fait composetant que nous pouvons. Mais, en tout fût éveillé. 'onne moyen de nous faire connoître

L; et il paiera pour les autres ce que les Peut-on voi pour lui.

LE MAÎTRE À DANSEh.

Vous l'allez vient.

viendra: Il ne*

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pe JOURDAIN, en robe de chambre et en bonnet de nuit; LE MAITRE DE MUSIQUE, LE MAITRE A DANSER, L'ÉLEVE du maître de musique, UNE MUSICIENNE, DEUX MUSICIENS, DANSEURS, DEUX LAQUAIS.

M. JOURDAIN.

Hé bien, messieurs, qu'est-ce? Me ferez-vous voir votre petite drôlerie ?

LE MAÎTRE À DANSER.

Comment! quelle petite drôlerie?

M. JOURDAIN.

Hé! là... comment appelez-vous cela? votre prologue ou dialogue de chansons et de danse?

Ah! ah!

LE MAÎTRE À DANSER.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous nous y voyez préparés.

M. JOURDAIN.

Je vous ai fait un peu attendre; mais c'est que je me fais habiller aujourd'hui comme les gens de qualité, et mon tailleur m'a envoyé des bas de soie que j'ai pensé ne mettre jamais.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Nous ne sommes ici que pour attendre votre loisir.

M. JOURDAIN.

Je vous prie tous deux de ne vous point en aller qu'on ne m'ait apporté mon habit, afin que vous me puissiez voir.

LE MAÎTRE À DANSER.

Tout ce qu'il vous plaira.

M. JOURDAIN.

Vous me verrez équipé comme il faut, depuis les pieds jusqu'à la tête.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Nous n'en doutons point.

M. JOURDAIN.

Je me suis fait faire cette indienne-ci.,,
LE MAÎTRE À DANSER.

Elle est fort belle.

M. JOURDAIN.

Mon tailleur m'a dit que les gens de qualité étoient comme cela le matin.

LE MAITRE DE MUSIQUE.

Cela vous sied à merveille.

M. JOURDAIN.

Laquais! holà, mes deux laquais!

PREMIER LAQUAIS.

Que voulez-vous, monsieur ?

M. JOURDAIN.

Rien. C'est pour voir si vous m'entendez bien. ( au maître de musique et au maître à danser. ) Que

dites-vous de mes livrées ?

LE MAÎTRE À DANSER.

Elles sont magnifiques.

M. JOURDAIN, entr'ouvrant sa robe, et faisant voir son haut-de-chausses étroit de velours rouge, et sa camisole de velours verd. Voici encore un petit déshabillé pour faire 'le matin mes exercices.

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M. JOURDAIN, ótant sa robe de chambre. Tenez ma robe. (an maître de musique et au maitre à danser.) Me trouvez-vous bien comme cela ?

LE MAÎTRE À DANSER.

Fort bien. On ne peut pas mieux.

M. JOURDAIN.

Voyons un peu votre affaire.

LE MAITRE DE MUSIQUE.

Je voudrois bien auparavant vous faire entendre un air (montrant son éleve.) qu'il vient de composer pour la sérénade que vous m'avez demandée. C'est un de mes écoliers, qui a pour ces sortes de choses un talent admirable.

M. JOURDAIN.

Oui: mais il ne falloit pas faire faire cela par un écolier; et vous n'étiez pas trop bon vous-même pour cette besogne-là.

LE MAITRE DE MUSIQUE.

Il ne faut pas, monsieur, que le nom d'écolier vons abuse. Ces sortes d'écoliers en savent autant que les plus grands maîtres; et l'air est aussi beau qu'il s'en puisse faire. Ecoutez seulement.

M. JOURDAIN, à ses laquais.

Donnez-moi ma robe pour mieux entendre... Attendez, je crois que je serai mieux sans robe... Non. redonnez-la moi; cela ira mieux.

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