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ARGANTE, se croyant seul.

Tous leurs discours seront inutiles.

SCAPIN, à part.

Nous allons voir.

ARGANTE, Se croyant seul.

Ils ne m'en donneront point à garder.

SCAPIN, à part.

Ne jurons de rien.

ARGANTE, se croyant seul.

Je saurai mettre mon pendard de fils en lieu de sûreté.

SCAPIN, à part.

Nous y pourvoirons.

ARGANTE, se croyant seul.

Et pour le coquin de Silvestre, je le rouerai de

coups.

SILVESTRE, à Scapin.

J'étois bien étonné, s'il m'oublioit.

ARGANTE, appercevant Silvestre. Ah! ah! vous voilà donc, sage gouverneur de famille, beau directeur de jeunes gens!

SCAPIN.

Monsieur, je suis ravi de vous voir dé retour.

ARGANTE.

Bon jour, Scapin. (à Silvestre.) Vous avez snivi ́ mes ordres, vraiment, d'une belle maniere! et mon fils s'est comporté fort sagement pendant mon absence!

SCAPIN.

Vous vous portez bien, à ce que je vois.

ARGANTE.

Assez bien. (à Silvestre.) Tu ne dis mot, coquin, tu ne dis mot!

SCAPIN.

Votre voyage a-t-il été bon ?

ARGANTE.

Mon dieu! fort bon. Laisse-moi un peu quereller

en repos.

SCAPIN.

Vous voulez quereller?

ARGANTE.

SCAPIN.

Oui, je veux quereller.

Et qui, monsieur?

ARGANTE, montrant Silvestre.

Ce maraud-là.

Pourquoi?

SCAPIN.

ARGANTE.

Tu n'as pas ouï parler de ce qui s'est passé dans mon absence?

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Un fils qui se marie sans le consentement de son pere!

SGAPIN.

Oui, il y a quelque chose à dire à cela. Mais je seBois d'avis que vous ne fissiez point de bruit.

ARGANTE.

Je ne suis pas de cet avis, moi; et je veux faire du

bruit tout mon soul. Quoi! tu ne trouves pas que j'aie tous les sujets du monde d'être en colere?

SCAPIN.

Si fait. J'y ai d'abord été, moi, lorsque j'ai su la chose; et je me suis intéressé pour vous, jusqu'à quereller votre fils. Demandez-lui un peu quelles belles réprimandes je lui ai faites, et comme je l'ai chapitré sur le peu de respect qu'il gardoit à un pere dont il devoit baiser les pas. On ne peut pas lui mieux parler, quand ce seroit vous-même. Mais quoi! je me suis rendu à la raison, et j'ai considéré que, dans le fond, il n'a pas tant de tort qu'on pourroit croire.

ARGANTE.

Que me viens-tu conter? Il n'a pas tant de tort de s'aller marier de but en blanc avec une inconnue ?

SCAPIN.

Que voulez-vous? il y a été poussé par sa destinée.

ARGANTE.

Ah! ah! voici une raison la plus belle du monde. On n'a plus qu'à commettre tous les crimes imaginables, tromper, voler, assassiner, et dire pour excuse qu'on y a été poussé par sa destinée.

SCAPIN.

Mon dieu! vous prenez mes paroles trop en philosophe. Je veux dire qu'il s'est trouvé fatalement engagé dans cette affaire.

ARGANTE.

Et pourquoi s'y engageait-il?

SCAPIN.

Voulez-vous qu'il soit aussi sage que vous? Ies jeunes gens sont jeunes, et n'ont pas toute la prudence qu'il leur faudroit pour ne rien faire que de raisonnable: témoin notre Léandre, qui, malgré toutes mes leçons, malgré toutes mes remontrances, est allé faire de son côté pis encore que votre fils.

Je voudrois bien savoir si vous-même n'avez pas été jeune, et n'avez pas dans votre temps fait des fredaines comme les autres. J'ai oui dire, moi, que vous avez été autrefois un bon compagnon parmi les femmes, que vous faisiez de votre drôle avec les plus galantes de ce temps-là, et que vous n'en approchiez point que vous ne poussassiez à bout.

ARGANTE.

Cela est vrai, j'en demeure d'accord; mais je m'eu suis toujours tenu à la galanterie, et je n'ai point été jusqu'à faire ce qu'il a fait.

SCAPIN.

Que vouliez-vous qu'il fit? Il voit une jeune personne qui lui veut du bien ( car il tient cela de vous d'être aimé de toutes les femmes ); il la trouve charmante, il lui rend des visites, lui conte des douceurs, soupire galamment, fait le passionné. Elle se rend à sa poursuite. Il pousse sa fortune. Le voilà surpris avec elle par ses parents, qui, la force à la main, le contraignent de l'épouser.

SILVESTRE, à part. L'habile fourbe que voilà!

SCAPIN.

Eussiez-vous voulu qu'il se fût laissé tuer? Il vaut mieux encore être marié, qu'être mort.

ARGANTE.

On ne m'a pas dit que l'affaire se soit ainsi passée. SCAPIN, montrant Silvestre. Demandez-lui plutôt; il ne vous dira pas

traire.

ARGANTE, à Silvestre.

C'est par force qu'il a été marié ?

le con

SILVESTRE.

Oui, monsieur.

SCAPIN.

Voudrois je vous mentir?

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Cela m'auroit donné plus de facilité à rompré ce mariage.

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Quoi! je n'aurai pas pour moi les droits de pere, et la raison de la violence qu'on a faite à mon fils?

SCAPIN.

C'est une chose dont il ne demeurera pas d'accord.

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Votre fils. Voulez-vous qu'il confesse qu'il ait été capable de crainte, et que ce soit par force qu'on lui ait fait faire les choses? Il n'a garde d'aller avouer cela: ce seroit se faire tort, et se montrer indigne d'un pere comme vous.

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