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Quels charmes si puissants en elle sont épars?
Et par où, dites-moi, du grand secret de plaire
L'honneur est-il acquis à ses moindres regards?
Que voit-on dans sa personne
Pour inspirer tant d'ardeurs?
Quel droit de beauté lui donne
L'empire de tous les cœurs?

Elle a quelques attraits, quelque éclat de jeunesse, On en tombe d'accord, je n'en disconviens pas: Mais lui cede-t-on fort pour quelque peu d'aînesse, Et se voit-on sans appas?

Est-on d'une figure à faire qu'on se raille?

N'a-t-on point quelques traits et quelques agréments, Quelque teint, quelques yeux, quelque air et quelque taille

A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants?
Ma sœur faites-moi la grace

De ine parler franchement :

Suis-je faite d'un air, à votre jugement,
Que mon mérité au sien doive céder la place?
Et dans quelque ajustement
Trouvez-vous qu'elle m'efface?

CYDIPPE.

Qui? vous, ma soeur? Nullement.
Hier à la chasse, près d'elle,
Je vous regardai long-temps:
Et, sans vous donner d'encens,
Vous me parûtes plus belle.

Mais, moi, dites ma sœur, sans me vouloir flatter,
Sont-ce des visions que je me mets en tête,
Quand je me crois taillée à pouvoir mériter
La gloire de quelque conquête?

AGLAURE.

Vous, ma sœur? Vous avez, sans nul déguisement, Tout ce qui peut causer une amoureuse flamme. Vos moindres actions brillent d'un agrément

Dout je me sens toucher l'ame;
Et je serois votre amant

Si j'étois autre que femme.

CYDIPPE.

D'où vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux,

Et

、,

t

Qu'à ses premiers regards les cœurs rendent les armes, que d'aucun tribut de soupirs et de vœux On ne fait honneur à nos charmes?

AGLAURE.

Toutes les dames d'une voix,
Trouvent ses attraits peu de chose;

Et du nombre d'amants qu'elle tient sous ses lois,
Ma soeur, j'ai découvert la cause.

CY DIPPE.

Pour moi, je la devine; et l'on doit présumer
Qu'il faut que là-dessous soit caché du mystere.

Ce secret de tout enflammer

N'est point de la nature un effet ordinaire :
L'art de la Thessalie entre dans cette affaire;
Et quelque main a su, sans doute, lui former
Un charme pour se faire aimer.

AGLAURE.

Sur un plus fort appui ma croyance se fonde;
Et le charme qu'elle a pour attirer les cœurs,"
C'est un air en tout temps désarmé de rigueurs,
Des regards caressants que la bouche seconde,
Un souris chargé de douceurs

Qui tend les bras à tout le monde,
Et ne vous promet que faveurs.

Notre gloire n'est plus aujourd'hui conservée ****
Et l'on n'est plus au temps de ces nobles fiertés
Qui, par un digne essai d'illustres cruautés,
Vouloient voir d'un amant la constance éprouvée.
De tout ce noble orgueil qui nous seyoit si bien

On est bien descendh dans le siecle où nous sommes; Et l'on en est réduite à n'espérer plus rien,

A moins

que l'on se jette à la tête des hommes.

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Oui, voilà le secret de l'affaire; et je voi

Que vous le prenez mieux que moi."

C'est pour nous attacher à trop de bienséance
Qu'aucun amant, ma sœur, à nous ne veut venir
Et nous voulons trop soutenir

L'honneur de notre sexe et de notre naissance.
Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit;
L'espoir, plus que l'amour, est ce qui les attire;
Et c'est par-là que Psyché nous ravit

Tous les amants qu'on voit sous son empire.
Suivons, suivons l'exemple; ajustons-nous au temps:
Abaissons-nous, ma sœur, à faire des avances;
Et ne ménageons plus de tristes bienséances

Qui nous êtent les fruits du plus beau de nos ans.

AGLAURE.

t

J'approuve la pensée; et nous avons matiere
D'en faire l'épreuve premiere

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Aux deux princes qui sont les derniers arrivés.
Ils sont charmants, ma sœur ; et leur personne entiere
Me... Les avez-vous observés?

CYDIPPE.

Ah! ma sœur, ils sont faits tous deux d'une maniere Que mon ame... Ce sont deux princes achevés.

AGLAURE.

Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendresse
Sans se faire déshonneur.

Je

GYDIPPE.

trouve que, sans honte, une belle princesse
Leur pourroit donner son cœur.

AGLAURE.

Les voici tous deux ; et j'admire

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Leur air et leur ajustement.

CYDIPPE.Va draslíe ensa

Ils ne démentent nullement

Tout ce que nous venons de dire.

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D'où vient, princes, d'où vient que vous fuyez ainsi? Prenez-vous l'épouvante en nous voyant paroître ?

CLEOMENE.

On nous faisoit croire qu'ici

La princesse Psyché, madame, pourroit être. ***

AGLAURE.

Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agréable pour vous, Si vous ne les voyez ornés de sa présence?

AGÉNOR.

Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux ; Mais nous cherchons Psyché dans notre impatience.

CY DIPPE.

Quelque chose de bien pressant

Vous doit à la chercher pousser tous deux,

doute.

CLÉOMENE.

Le motif est assez puissant,

Puisque notre fortune enfin en dépend toute.

AGLAURE.

Ce seroit trop à nous que de nous

informer

sans

Du secret que ces mots nous peuvent enfermer.
CLÉOMENE.

Nous ne prétendons point

en faire de mystere:

Aussi-bien, malgré nous, paroîtroit-il au jour;
Et le secret ne dure guere,

Madame, quand c'est de l'amour.

CYDIPPE.

Sans aller plus avant, princes, cela veut dire
Que vous aimez Psyché tous deux.
AGÉNOR.

Tous deux soumis à son empire,

Nous allons de concert lui découvrir nos feux.
AGLAURK.

C'est une nouveauté, sans doute, assez bizarre,
Que deux rivaux si bien unis.

CLÉOMENE.

Il est vrai que la chose est rare,
Mais non pas impossible à deux parfaits amis,

CYDIPPE,

Est-ce que dans ces lieux il n'est qu'elle de belle?
Et n'y trouvez-vous point à séparer vos vœux?

AGLAURE.

Parmi l'éclat du sang, vos yeux n'ont-ils vu qu'elle A pouvoir mériter vos feux ? CLÉOMENE.

Est-ce que l'on consulte au moment qu'on s'enflamme? Choisit-on qui l'on veut aimer?

Et, pour donner toute son ame, Regarde-t-on quel droit on a de nous charmer?

AGÉNOR.

Sans qu'on ait le pouvoir d'élire,
On suit dans une telle ardeur
Quelque chose qui nous attire;
Et lorsque l'amour touche un cœur,
On n'a point de raison à dire.

AGLAURE.

En vérité, je plains les fàcheux embarras
Où je vois que vos cœurs se mettent.

Vous aimez un objet dont les riants appas
Mêleront des chagrins à l'espoir qu'ils vous jettent;
Et son cœur ne vous tiendra pas

Tout ce que ses yeux vous promettent.

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