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Sur cet affreux arrêt dont je souffre l'atteinte!
Ah! leur pouvoir se joue avec trop de rigueur
Des tendresses de notre cœur.

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Pour m'oter leur présent, leur falloit-il attendre
Que j'en eusse fait tout mon bien ?
Ou plutôt, s'ils avoient dessein de le reprendre,
N'eût-il pas été mieux de ne me donner rien ?
PSYCHÉ.

Seigneur, redoutez la coléré

De ces dieux contre qui vous osez éclater.”

LE ROI.

Après ce coup que peuvent-ils me faire ? Ils m'ont mis en état de ne rien redouter. PSYCHÉ.

Ah! seigneur, je tremble des crimes Que je vous fais commettre; et je dois me haïr.

LE ROI.

Ah! qu'ils souffrent du moins mes plaintes légitimes!
Ce m'est assez d'effort que de leur obéir;

Ce doit lenr être assez que mon cœur t'abandonne
Au barbare respect qu'il faut qu'on ait pour eux,
Sans prétendre gêner la douleur que me donne
L'épouvantable arrêt d'un sort si rigoureux.
Mon juste désespoir ne sauroit se contraindre;
e veux, je veux garder ma douleur à jamais;
Je veux sentir toujours la pèrte que je fais ;
De la rigueur du ciel je veux toujours me plaindre;
Je veux jusqu'au trépas incessamment pleurer
Ce que tout l'univers ne peut me réparer.

Je

PSYCHÉ.

Ah! de grace, seigneur, épargnez ma foiblesse ;
J'ai besoin de constance en l'état où je suis.
Ne fortifiez point l'excès de mes ennuis

Des larmes de votre tendresse.

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Seuls ils sont assez forts; et c'est trop pour mon cœur

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De mon destin et de votre douleur.

LE ROK

Oui, je dois t'épargner mon deuil inconsolable. ! Voici l'instant fatal de m'arracher de toi:

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Mais comment prononcer ce mot épouvantable ?* ́
Il le faut toutefois, le ciel m'en fait la loi;
Une rigueur inévitable

M'oblige à te laisser en ce funeste lieu.
Adieu, je vais... Adieu.

SCENE II.

PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE.

PSYCHÉ.

Suivez le roi, mes sœurs, vous essuierez ses larmes,
. >Vous adoucirez ses douleurs;
Et vous l'accableriez d'alarmes,

Si vous vous exposiez encore à mes malheurs.
Conservez-lui ce qui lui reste;

Le serpent que j'attends peut vous être funeste,
Vous envelopper dans mon sort,

Et me porter en vous une seconde mort.
Le ciel m'a seule condamnée

A son haleine empoisonnée :

Rien ne sauroit me secourir;

Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir.

AGLAURE.

Ne nous enviez pas ce cruel avantage
De confondre nos pleurs avec vos déplaisirs,
De mêler nos soupirs à vos derniers soupirs:
D'une tendre amitié souffrez ce dernier gage.
PSYCHÉ.

C'est vous perdre inutilement.

CYDIPPE.

C'est en votre faveur espérer un miracle,

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On vous accompagner jusques au monument.

PSYCHÉ.

Que peut-on se promettre après un tel oracle?

AGLAURE.

Un oracle jamais n'est sans obscurité :

On l'entend d'autant moins, que mieux on croit l'entendre,

Et peut-être, après tout, n'en devez-vous attendre\/
Que gloire et que félicité.

Laissez-nous voir, ma sœur, par une digne issue
Cette frayeur mortelle heureusement déçue;
Ou mourir du moins avec vous,

Si le ciel à nos vœux ne se montre plus doux,

Ma sœur,

PSYCHÉ.

écoutez mieux la voix de la nature,

Qui vous appelle auprès du roi,

Vous m'aimez trop; le devoir en murmure,
Vous en savez l'indispensable loi.

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Un pere vous doit être encor plus cher que moi.
Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse
Vous lui devez chacune un gendre et des neveux.
Mille rois à l'envi vous gardent leur tendresse,
Mille rois à l'envi vous offriront leurs vœux.
L'oracle me veut seule; et seule aussi je veux
Mourir si je puis sans foiblesse,
Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deux
De ce que malgré moi la nature m'en laisse.

AGLAURE.

Partager vos malheurs, c'est vous importuner?

CYDIPPE.

J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous déplaire? PSYCHÉ.

Non; mais enfin c'est me gêner,

Et peut-être du ciel redoubler la colere.

AGLAURE.

Vous le voulez, et nous partons.

Daigne ce même ciel, plus juste et moins sévere,
Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons,
Et que notre amitié sincere,

En dépit de l'oracle, et malgré vous, espere!

PSYCHE.

Adien. C'est un espoir, ma sœur, et des souhaits ne remplira jamais.

Qu'aucun

des

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PSYCHÉ, seule.

Enfin, seule et toute à moi-même, Je puis envisager cet affreux changement

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Qui, du haut d'une gloire extrême
Me précipite au monument.

Cette gloire étoit sans seconde;

L'éclat s'en répandoit jusqu'aux deux bouts du monde ;

a.

Tout ce qu'il a de rois sembloient faits pour m'aimer; Tous leurs sujets, me prenant pour déesse, ni Commençoient à m'accoutumero mu zhoři Aux encens qu'ils m'offroient sans cesse ; Lenrs soupirs me suivoient sans qu'il m'en coûtat

་་་

rien;

Mon ame restoit libre en captivant tant d'ames;
Et j'étois, parmi tant de flammes,
Reine de tous les cœurs, et maitresse du mien.
O ciel, m'auriez-vous fait un crime

De cette insensibilité?

Déployez-vous sur moi tant de sévérité

Pour n'avoir à leurs vœux rendu que de l'estime? Si vous m'imposiez cette loi

Qu'il fallut faire un choix pour ne pas vous déplaire, Puisque je ne pouvois le faire,

Que ne le faisiez-vous pour moi?

Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire à tant d'autres Le mérite, l'amour, et... Mais que vois-je ici?...

SCENE IV.

CLÉOMENE, AGENOR, PSYCHE

CLÉOMENE.

Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci
Est d'exposer leurs jours pour conserver les vôtres.
PSYCHÉ.

Puis-je vous écouter, quand j'ai chassé deux sœurs?
Princes, contre le ciel pensez-vous me défendre?
Vous livrer au serpent qu'ici je dois attendre,
Ce n'est qu'un désespoir qui sied mal aux grands cœurs;
Et mourir alors que je meurs,

C'est accabler une ame tendre
Qui n'a que trop de ses douleurs.
AGÉNOR.

Un serpent n'est pas invincible;
Cadmius, qui n'aimoit rien, défit celui de Mars.
Nous aimons, et l'Amour sait rendre tout possible
Au cœur qui suit ses étendards,

A la main dont lui-même il conduit tous les dards.
PSYCHÉ.

Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate
Que tous ses traits n'ont pu toucher;
Qu'il domte sa vengeance au moment qu'elle éclate,
Et vous aide à m'en arracher?

Quand même vous m'auriez servie,

Quand vous n'auriez rendu la vie,

Quel fruit espérez-vous de qui ne peut aimer ?
CLÉOMENE.

Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire
Que nous nous sentons animer;

Nous ne cherchons qu'à satisfaire

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