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parents, et qu'elle ait des enfants qui aient honte de. m'appeler leur grand'maman. S'il falloit qu'elle me vînt visiter en équipage de grand'dame, et qu'elle manquât par mégarde à saluer quelqu'un du quartier, on ne manqueroit pas aussitôt de dire cent sottises. « Voyez-vous, diroit-on, cette madame la marquise qui fait tant la glorieuse? c'est la fille de mon<< sieur Jourdain, qui étoit trop heureuse, étant petite, de jouer à la madame avec nous. Elle n'a pas toujours été si relevée que la voilà, et ses deux grands-peres vendoient du drap auprès de la porte << saint Innocent. Ils ont amassé du bien à leurs enfants, qu'ils paient maintenant peut-être bien cher « en l'autre monde; et l'on ne devient guere si riche à être honnêtes gens ». Je ne veux point tous ces caquets; et je veux un homme, en un mot, qui m'ait obligation de ma fille, et à qui je puisse dire: Mettez-vous là, mon gendre, et dînez avec moi.

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M. JOURDAIN.

Voilà bien les sentiments d'un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse. Ne me répliquez pas davantage : ma fille sera marquise en dépit de tout le monde; et, si vous me mettez en colere, je la ferai duchesse.

SCENE XIII.

MADAME JOURDAIN, LUCILE, CLÉONTE, NICOLE, COVIELLE.

MADAME JOURDAIN.

Cléonte, ne perdez point courage encore. (à Lucile.) Suivez-moi, ma fille; et venez dire résolument à votre pere que, si vous ne l'avez, vous ne voulez épouser personne.

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Vous avez fait de belles affaires avec vos beaux sentiments!

CLÉONTE.

Que veux-tu ? j'ai un scrupule là-dessus que l'exemple ne sauroit vaincre.

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COVIELLE.

Vous moquez-vous de le prendre sérieusement avec un homme comme cela? Ne voyez-vous pas qu'il est fou? Et vous coûtoit-il quelque chose de vous accommoder à ses chimeres?

CLÉONTE.

Tu as raison; mais je ne croyois pas qu'il fallût faire ses preuves de noblesse pour être gendre de monsieur Jourdain.

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D'une pensée qui me vient pour jouer notre homme, et vous faire obtenir ce que vous souhaitez.

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Il s'est fait depuis peu une certaine mascarade qui vient le mieux du monde ici, et que je prétends

faire entrer dans une bourde que je veux faire a notre ridicule. Tout cela sent un peu sa comédie : mais avec lui on peut hasarder toute chose, il n'y faut point chercher tant de façons ; il est homme à y jouer son rôle à merveille, et à donner aisément dans toutes les fariboles qu'on s'avisera de lui dire. J'ai les acteurs, j'ai les habits tout prêts; laissezmoi faire seulement.

CLÉONTE.

Mais apprends-moi...

COVIELLE.

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Je vais vous instruire de tout. Retirons-nous; le voilà qui revient.

SCENE X V.

M. JOURDAIN, seul.

Que diable est-ce là? ils n'ont rien que les grands seigneurs à me reprocher; et moi, je ne vois rien de si beau que de hanter les grands seigneurs ; il n'y a qu'honneur et civilité avec eux; et je voudrois qu'il m'eût coûté deux doigts de la main, et être né comte ou marquis.

SCENE XVI.

M. JOURDAIN, UN LAQUAIS.

LE LAQUAIS.

Monsieur, voici monsieur le comte, et une dame qu'il mene par la main.

M. JOURDAIN.

Hé! mon dieu! j'ai quelques ordres à douner. Disleur que je vais venir ici tout-à-l'heure.

SCENE. XVII.

DORIMENE, DORANTE, UN LAQUAIS.

LE LAQUAIS.

Monsieur dit comme cela qu'il va venir ici toutà-l'heure.

Voilà qui est bien.

DORANTE.

SCENE XVIII.

DORIMENE, DORANTE.

DORIMENE.

Je ne sais pas, Dorante; je fais encore ici une étrange démarche, de me laisser amener par vous dans une maison où je ne connois personne.

DORANTE.

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Quel lieu voulez-vous donc, madame, que mon amour choisisse pour vous régaler, puisque, pour fuir l'éclat, vous ne voulez ni votre maison ni la

mienne ?

DORIMENE.

Mais vous ne dites pas que je m'engage insensiblement chaque jour à recevoir de trop grands témoignages de votre passion. J'ai beau me défendre des choses, vous fatiguez ma résistance, et vous avez une civile opiniâtreté qui me fait venir doucement à tout ce qu'il vous plaît. Les visites fréquentes ont commencé; les déclarations sont venues ensuite, qui, après elles, ont traîné les sérénades et les cadeaux, que les présents ont suivis. Je me suis opposée à tout cela; mais vous ne vous rebutez point, et, pied à pied, vous gagnez mes résolutions. Pour

moi, je ne puis plus répondre de rien; et je crois qu'à la fin vous me ferez venir au mariage, dont je me suis tant éloignée.

DORANTE.

Ma foi, madame, vous y devriez déja être. Vous êtes veuve, et ne dépendez que de vous; je suis maitre de moi, et vons aime plus que ma vie: à quoi tient-il que, dès aujourd'hui, vous ne fassiez tout mon bonheur?

DORIMENE.

Mon dieu! Dorante, il faut des deux parts bien des qualités pour vivre heureusement ensemble; et les deux plus raisonnables personnes du monde ont souvent peine à composer une union dont ils soient satisfaits.

DORANTE.

Vous vous moquez, madame, de vous y figurer tant de difficultés; et l'expérience que vous avez faite ne conclut rien pour tous les autres.

DORIMENE.

Enfin, j'en reviens toujours là. Les dépenses que je vous vois faire pour moi m'inquietent par deux raisons: l'une, qu'elles m'engagent plus que je ne voudrois; et l'autre, que je suis sûre, sans vous déplaire, que vous ne les faites point que vous ne vous incommodiez; et je ne veux point cela.

DORANTE.

Ah! madame, ce sont des bagatelles; et ce n'est pas par-là...

DORIME'N E.

Je sais ce que je dis; et, entre autres, le diamant que vous m'avez forcée à prendre est d'un prix...

DORANTE.

Hé! madame, de grace! ne faites point tant valoir une chose que mon amour trouve indigne de vous; et souffrez... Voici le maître du logis

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