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Que contre celle de ma mere.

J'ai vu tous vos travaux, j'ai suivi vos malheurs,
Mes soupirs ont par-tout accompagné vos pleurs.
Tournez les yeux vers moi, je suis encor le même.
Quoi! je dis et redis tout haut que je vous aime,
Et vous ne dites point, Psyché, que vous m'aimez !
Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont fermés,
Qu'à jamais la clarté leur vient d'être ravie?
O mort! devois-tu prendre un dard si criminel,
Et, sans aucun respect pour mon être éternel,
Attenter à ma propre vie?
Combien de fois, ingrate déité,
Ai je grossi ton noir empire
Par les mépris et par la cruauté
D'une orgueilleuse ou farouche beauté !
Combien même, s'il le faut dire,
T'ai-je immolé de fideles amants
A force de ravissements !

Va, je ne blesserai plus d'ames,
Je ne percerai plus de cœurs

Qu'avec des dards trempés aux divines liqueurs
Qui nourrissent du ciel les immortelles flammes,
Et n'en lancerai plus que pour faire à tes yeux
Autant d'amants, autant de dieux.

Et vous, impitoyable mere,

Qui la forcez à m'arracher

Tout ce que j'avois de plus cher, Craignez, à votre tour, l'effet de ma colere.

Vous me voulez faire la loi,

Vous, qu'on voit si souvent la recevoir de moi!
Vous qui portez un cœur sensible comme un autre,
Vous enviez au mien les délices du vôtre !
Mais dans ce même cœur j'enfoncerai des conps
Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux';
Je vous accablerai de honteuses surprises,
Et choisirai par-tout, à vos vœux les plus doux,

Des Adonis et des Anchises

Qui n'auront que haine pour vous.

SCENE V.

t

VÉNUS, L'AMOUR; PSYCHÉ, évanouie.

VÉNUS.

La menace est respectueuse;
Et d'un enfant qui fait le révolté
La colere présomptuense...

L'AMOUR.

Je ne suis plus enfant, et je l'ai trop été ;
Et ma colere est juste autant qu'impétueuse.
VÉNUS.

L'impétuosité s'en devroit retenir,
Et vous pourriez vous souvenir
Que vous me devez la naissance.
L'AMOUR.

Et vous pourriez n'oublier pas
Que vous avez un cœur et des appas
Qui relevent de ma puissance;

Que mon arc de la vôtre est l'unique soutien ;
Que sans mes traits elle n'est rien;

Et que,

si les cœurs les plus braves

En triomphe par vous se sont laissé traîner,
Vous n'avez jamais fait d'esclaves

Que ceux qu'il m'a plu d'enchaîner.

Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance
Qui tyrannisent mes desirs;

Et, si vous ne voulez perdre mille soupirs,
Songez en me voyant à la reconnoissance,
Vous qui tenez de ma puissance
Et votre gloire et vos plaisirs.

VÉNUS.

Comment l'avez-vous défendue,

Cette gloire dont vous parlez?

Comment me l'avez-vous rendue ?

Et quand vous avez vu mes autels désolés,
Mes temples violés,
Mes honneurs ravalés,

Si vous avez pris part à tant d'ignominie,
Comment en a-t-on vu punie
Psyché qui me les a volés?

Je vous ai commandé de la rendre charmée
Du plus vil de tous les mortels,

Qui ne daignât répondre à son ame enflammée
Que par des rebuts éternels,

Par les mépris les plus cruels :

Et vous-même l'avez aimée!

Vous avez contre moi séduit des immortels: C'est pour vous qu'à mes yeux les zéphyrs l'ont cachée;

Qu'Apollon même suborné

Par un oracle adroitement tourné
Me l'avoit si bien arrachée,

Que si sa curiosité,

Par une aveugle défiance,

Ne l'eût rendue à ma vengeance,

Elle échappoit à mon cœur irrité.
Voyez l'état où votre amour l'a mise,

Votre Psyché; son ame va partir:
Voyez; et si la vôtre en est encore éprise,
Recevez son dernier soupir..

Menacez, bravez-moi, cependant qu'elle expire.
Tant d'insolence vous sied bien!

Et je dois endurer quoi qu'il vous plaise dire,
Moi qui, sans vos traits, ne puis rien !

L'AMOUR.

Vous ne pouvez que trop, déesse impitoyable;

Le Destin l'abandonne à tout votre courroux.
Mais soyez moins inexorable

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Aux prieres, aux pleurs d'un fils à vos genoux.
Ce doit vous être un spectacle assez doux
De voir d'un œil Psyché mourante,
Et de l'autre ce fils, d'une voix suppliante,
Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous.
Rendez-moi ma Psyché, rendez-lui tous ses charmes :
Rendez-la, déesse, à mes larmes;

Rendez à mon amour, rendez à ma douleur,
Le charme de mes yeux et le choix de mon cœur.
VÉNUS.

Quelque amour que Psyché vous donne,

De ses malheurs par moi n'attendez pas la fin ;
Si le destin me l'abandonne,

Je l'abandonne à son destin.

Ne m'importunez plus; et dans cette infortune
Laissez-la sans Vénus triompher ou périr.

L'AMOUR.

Hélas! si je vous importune,

Je ne le ferois pas si je pouvois mourir.

VÉNUS.

Cette douleur n'est pas commune

Qui force un immortel à souhaiter la mort.
L'AMOUR.

Voyez par son excès si mon amour est fort,
Ne lui ferez-vous grace aucune?

VÉNUS.

Je vous l'avoue, il me touche le cœur, Votre amour; il désarme, il fléchit ma rigueur. Votre Psyché reverra la lumiere.

L'AMOUR..

Que je vous vais par-tout faire donner d'encens!
VÉNUS.

Oui, vous la reverrez dans sa beauté premiere:
Mais de vos voeux reconnoissants

Je veux la déférence entiere;

Je veux qu'un vrai respect laisse à mon amitié,

Vous choisir une autre moitié.
L'AMOUR.

Et moi je ne veux plus de grace,
Je reprends toute mon audace;

Je veux Psyché, je veux sa foi;
Je veux qu'elle revive, et revive pour moi,
Et tiens indifférent que votre haine lasse
En faveur d'une autre se passe.

Jupiter, qui paroît, va juger entre nous
De mes emportements et de votre courroux.
Après quelques éclairs et des roulements de ton-
nerre, Jupiter paroît en l'air sur son aigle,
et descend sur terre.

SCENE VI.

JUPITER, VENUS, L'AMOUR;
PSYCHÉ, évanouie.

L'AMOUR.

Vous à qui seul tout est possible, Pere des dieux, souverain des mortels, Fléchissez la rigueur d'une mere inflexible,

Qui sans moi n'auroit point d'autels.
J'ai pleuré, j'ai prié, je soupire, menace,
Et perds menaces et soupirs.
Elle ne veut pas voir que de mes déplaisirs
Dépend du monde entier l'heureuse ou tristé face,
Et que, si Psyché perd le jour,

Si Psyché n'est à moi, je ne suis plus l'Amour.
Oui, je romprai mon arc, je briserai més flecliès,
J'éteindrai jusqu'à mon flambeau,

Je laisserai langnir la nature au tombeau,
Ou, si je daigne aux cœurs faire encor quelques
breches

Avec ces pointes d'or qui me font obéir,

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