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promirent de ne rien négliger pour lui faire obtenir satisfaction. L'ardeur qu'ils montrèrent sur ce point était si vive, qu'Elizabeth fut obligée de modérer leur zèle. Elle exigea qu'ils n'employassent que d'humbles remontrances. Arrivés en Thuringe, ils représentèrent à Henri qu'il avait déshonoré sa propre maison, violé toutes les lois divines et humaines, et brisé les liens les plus sacrés de l'humanité. « Pensez, lui dirent-ils, qu'il y a un Dieu qui voit tout. Quelle faute a commis contre vous une femme que » la faiblesse de son sexe empêche de rien entreprendre, et qui d'ailleurs est si remplie de vertus et de piété? Que vous ont fait ses enfans, qui sont votre propre

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sang? Leur âge tendre ne devrait-il pas parler en leur >> faveur ? » Quoique l'ambition eût endurci le cœur de Henri, il ne put résister à des représentations si solides, et qui lui étaient faites par les principaux barons du landgraviat. Il promit de rendre à Elizabeth son douaire et tout ce qu'elle était en droit de répéter; il promit même de remettre le gouvernement entre ses mains. La princesse, instruite de ce qui s'était passé, déclara qu'elle renonçait au gouvernement: mais elle demanda qu'il fût réservé à son fils. On la conduisit au château d'où elle avait été chassée, et Henri non content de la traiter en princesse, cherchait les occasions d'entrer dans toutes ses vues. Mais sa tranquillité fut encore troublée, et les persécutions se renouvelèrent de temps en temps jusqu'à sa mort.

Le prêtre Conrad, qui l'avait suivie dans ses voyages, revint à Marpurg avec elle. Voyant l'aversion qu'elle avait pour les grandeurs de la terre, et son amour pour la retraite, il lui permit de faire, en sa présence, vœu d'observer la règle du tiers-ordre de saint François, dont elle porta depuis secrètement l'habit sous ses vêtemens ordidinaires. Les revenus que produisait son douaire furent employés au soulagement des pauvres. Conrad étant obligé

de résider dans la ville de Marpurg, elle choisit pour demeure une maison qui fut bâtie dans le voisinage, et elle y passa les trois dernières années de sa vie dans la prati que des plus héroïques vertus. Ses discours étaient réservés et modestes, et l'on remarquait à la manière dont elle s'exprimait, en niant ou affirmant quelque chose, qu'elle craignait beaucoup de se méprendre. Elle parlait peu, toujours avec gravité; Dieu était le sujet ordinaire de ses conversations; il ne lui échappait jamais une parole qui tendit à donner bonne opinion d'elle-même. Pleinement résignée à la volonté de Dieu, elle conservait une parfaite égalité d'âme dans la prospérité et l'adversité. Elle fit vœu d'obéir à Conrad, son confesseur, et reçut de ses mains un habit grossier, fait de laine, à qui la teinture n'avait point ôté sa couleur naturelle. C'est ce qui a donné lieu au Pape Grégoire IX, qui était en correspondance avec elle, de dire qu'elle portait l'habit religieux, et qu'elle s'était soumise au joug de l'obéissance. Elizabeth imitait donc la vie des religieuses, autant qu'il était en elle; mais elle ne quitta point l'état séculier, afin de pouvoir continuer ses aumônes. Conrad s'aperçut qu'elle avait un attachement trop sensible pour deux de ses femmes, Gute et Isentrude, ce qui pouvait retarder ses progrès dans la perfection; il lui proposa de les renvoyer. Elle obéit sans réplique, quelque douloureux que fût ce sacrifice. Elle préparait avec ses femmes la nourriture qu'elle prenait; elle ne vivait ordinairement que d'herbes et de pain, et ne buvait que de l'eau. Inutilement le Roi de Hongrie, son père, voulut l'attirer à sa cour; elle aima mieux rester dans l'état d'humiliation et de souffrance où elle était. Les œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle l'occupèrent jusqu'à ses derniers momens. Plus d'une fois ses exhortations convertirent des pécheurs endurcis. Elle puisait dans la prière la force dont elle avait besoin pour se soutenir dans cette

vie mortelle, et elle y était souvent favorisée de grâces extraordinaires.

Lorsqu'elle sentit que sa fin approchait, elle redoubla de ferveur dans tous ses exercices. Par son testament, elle institua Jésus-Christ son héritier dans la personne des pauvres. Elle voulut, avant de recevoir les sacremens, faire une confession générale de toute sa vie ; et jusqu'à son dernier soupir, elle ne cessa de s'entretenir des mystères de la vie et des souffrances du Sauveur. Sa bienheureuse mort arriva le 19 de Novembre 1231. Elle était dans la vingtquatrième année de son âge. Son corps fut enterré dans une chapelle, près de l'hôpital qu'elle avait fondé. Plusieurs malades recouvrèrent la santé à son tombeau. Siffroi, archevêque de Mayence, constata juridiquement divers miracles opérés par l'intercession de la servante de Dieu, et en envoya la relation à Rome. Le Pape Grégoire IX, après une longue et mûre discussion, la canonisa le jour de la Pentecôte, en 1235. Siffroi étant informé de cet événement, désigna un jour pour la translation des reliques de la Sainte, et la cérémonie s'en fit à Marpurg l'année suivante. L'Empereur Frédéric II voulut y assister; il enleva la première pierre du tombeau, et mit sur la châsse une magnifique couronne d'or, dont il fit présent. Le prince Herman, alors landgrave, et ses sœurs Sophie et Gertrude, assistèrent également à cette auguste cérémonie, ainsi que les archevêques de Cologne et de Brême, et un grand nombre de princes, de prélats et de seigneurs. Les reliques de la Sainte, renfermées dans une châsse de vermeil, furent placées sur l'autel dans l'église de l'Hôpital (2).

(2) Le landgrave Philippe de Hesse, l'un des premiers soutiens du lutheranisme, fit sortir, en 1539, les ossemens de sainte Elizabeth de la châsse qui les renfermait, et les fit enterrer, avec la tête, que l'on gardait dans une armoire particulière, à un endroit de l'église connu

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Un moine de l'ordre de Citeaux affirma avec serment, que priant au tombeau de sainte Elizabeth, quelque temps avant la translation de son corps, il avait été guéri d'une palpitation de cœur qui le faisait beaucoup souffrir depuis quarante ans, et dont tous les remèdes possibles n'avaient pu le délivrer. Montanus rapporte plusieurs autres guérisons opérées au tombeau ou par l'intercession de la Sainte.

On garde une portion de ses reliques dans l'église des Carmélites à Bruxelles, et une autre dans la belle chapelle de la Roche-Guyon-sur-Seine. Il y en a aussi une portion considérable dans une châsse précieuse qui fait partie du trésor électoral de Hanovre (3).

Les femmes du tiers-ordre de saint François, qui est devenu ordre religieux long-temps après la mort de notre Sainte, l'ont choisie pour patronne, et s'appellent quelquefois religieuses de sainte Elizabeth. Cet institut est bien différent de ce que nous nommons communément tiers-ordre de saint François, et qu'embrassent des personnes pieuses de l'un et de l'autre sexe, qui vivent au milieu du monde. La perfection ne consiste pas essentiellement dans la mortification, mais dans la charité. Le plus parfait est celui que la charité unit à Dieu d'une manière plus intime.

seulement à peu de personnes. Il ne toucha pas cependant à la précieuse châsse, qui fut transférée à Cassel, en 1810, et rendue en 1814 à Marbourg, privée toutefois de presque tous ses ornemens, que la tradition évalue jusqu'à 600,000 écus de l'empire. Voyez Beobachtungen auf Reisen in und ausser Deutschland, par D. August-Hermann Niemeyer, t. IV, page 72. L'auteur de cet ouvrage blâme le genre de vie de sainte Elizabeth. Nous n'entrerons pas avec lui dans des discussions à ce sujet, puisque plusieurs protestans même raisonnables ne veulent pas entendre parler des obligations qu'impose la perfection évangélique. (Note de l'édit. allem.)

(3) Voyez le Thesaurus reliquiarum electoris Brunswico-Luneburgensis, Hannov. 1713.

Mais il faut que l'humilité et le renoncement à soi-même lèvent les obstales qui s'opposent à l'amour divin, en retranchant les affections désordonnées et ces inclinations perverses qui entraînent le cœur vers les créatures. Le cœur ne peut être en liberté qu'autant qu'il est affranchi de l'esclavage des sens, et qu'il n'est plus dominé par l'attachement aux choses créées. C'est alors que l'âme, avec le secours de la grâce, s'élèvera facilement à Dieu et s'attachera purement à lui. Une pierre qui tombe n'arrivera point à son centre, si elle est retenue par des obstacles insurmontables. De même une âme ne peut parvenir au pur amour de Dieu, tandis que les liens des attachemens terrestres l'empêchent de s'élever. De là ces maximes si souvent répétées dans l'Évangile, et pratiquées par tous les Saints, sur la nécessité de mourir à soi-même par l'humilité, la patience, la douceur, le renoncement et l'obéissance. Mais rien ne contribue davantage à faciliter le crucifiement intérieur du vieil homme, que la résignation et la patience sous le poids des afflictions.

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Nous apprenons du calendrier de Libère, que ce saint Pape siégea cinq ans. Il fut placé sur la chaire de SaintPierre, après la mort de saint Urbain, arrivée en 230. Alexandre Sévère régnait alors, et il laissait l'église respirer en paix; mais Maximin l'assassina au mois de Mai de l'année 235, et se fraya, par ce crime, une route au trône impérial. C'était un barbare, né en Thrace, et d'une taille gigantesque. Ses crimes, et sur-tout sa cruauté, lui firent donner les surnoms odieux de Busiris, de Typhon et de

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