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humiliant nos cœurs, ne failons pa's femblant de vouloir éftre des derniers, que de bon cœur nous ne voulaffions l'eftre.

Or ie tiens cette regle fi generale, que ie n'y apporte nulle exception: feulement i'adioufte que la ciuilité requiert,que nous prefentions quelquesfois l'aduantage à ceux qui manifeftement ne le prendront pas : & ce n'eft pourtant pas, ny duplicité, ny fauffe humilité car lors le feul offre de l'aduantage eft vn commencément d'honneur:& puis qu'on ne peut le leur donner entier, on ne fait pas mal de leur en donner le commencement. I'en dis de mefme de quelques paroles d'hōneur & de refpe&t,qui à la rigueur ne femblent pas veritables: car elles le font neantmoins affez, pouruen que le coeur de celuy qui les prononce ait vne vraye intention d'honorer & & refpecter celuy, pour lequel illes dir:car encores que tes mots fignifent auec quelque excez ce qué

nous difons

nous ne faifons pas

mal de les employer quand l'vfage commun le requiert. 11 eft vray qu'encor voudrois-je que les paroles fuffent adjustées à nos af affections au plus prés qu'il nous feroit poffible, pour fuiure en tout & par tout la fimplicité & candeur cordiale.L'hōme vrayement humble aymeroit mieux qu'vn autre dift de luy qu'il eft miferabie, qu'il n'eft rien, qu'il ne vaut rien, que non pas de le dire luy mefine au moins s'il fçait qu'on le die, il ne contredit point, mais acquiefce de bon cœur: car croyant fermement cela, il eft bien aile qu'on fuiue fon opinion. Plufieurs difent qu'ils laiffent l'oraifon mentale pour les parfaits, & qu'eux ne font pas dignes de la fai re: les autres prote&tent qu'ils n'ofent pas fouuent communier, parce qu'ils ne fe fentent pas affez purs, les autres qu'ils craignent de faire honte la deuotion, s'ils s'en me fent,à cause de leur grande mifere

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& fragilité : & les autres refusent d'em loyer leur talent au feruice de Dieu & du prochain: parce, difentils,qu'ils cognoiffent leur foibleffe, & qu'ils ont peur de s'en orgueillir s'ils font inftruments de quelque bien, & qu'en eflairant les autres ils fe confument. Tout cela n'eft qu'vn artifice,& vne forte d'humilité, non feulement fauffe, mais maligne,par laquelle on veut tacitement, & fubtilement blafmer les chofes de Dieu, ou au fin moins couurir d'vn prétexte d'humilité l'amour ' propre de fon opinion, de fon honneur & de fa pareffe.

Demandez à Dieu un figne au Ciel d'enhaut, ou au profond de la mer en bas, dit le Prophete au mal-heureux Achab, & il refpondit, Non iene le demanderay point & ne tenteray point le Seigneur. O le merchant! il fait femblant de porter grande reuerence à Dieu, & fous couleur d'humilité s'excufe d'afpirer à la grace, de laquelle fa diuine bonté luy fait

femonce Mais ne voit-il pas que quand Dieu nous veut gratifier,c'est orgueil de refufer, que les dons de Dieu nous obligent à les receuoir, & que c'eft humilité d'obeyr & fuiure au plus prés que nous pouuons fes defiri? Or le defir de Dieu eft que nous foyons parfaits, nous vniffans. à luy, & l'imitans au plus prés que nous pouuons.

Le funerbe qui fe fie en soy-mefme, a bien occafion de nofer rien entreprendre mais l'humble eft d'autant plus courageux, qu'il se recognoift plus impuiffant,& à mesure qu'il s'eftime chetif, il deuient plus hardy,parce qu'il a toute la confiance en Dieu, qui fe plaift à magnifier fa toute puiffance en noftre infirmité, & efleuer fa mifericorde fur. noftre mifere. Il faut donc humble.. | ment & lainctement ofer tout ce qui eft iugé propre à noftre aduan. cement par ceux qui conduifent nos

ames.

Penfer fçauoir ce qu'on ne fçait.

pas, c'eft vne fottife expreffe, vouloir faire le fçauant de ce qu'on connoift bien que l'on ne fait pas, c'eft vne vanité infupportable pour moy.ie ne voudrois pas mefme faire le fçauant de ce que ie fçaurois, comme au contraire ie n'en voudrois non plus faire l'ignorant. Quand la charité le requiert il faut communiquer rondement & doucement auec. le prochain, non feulement ce qui luy eft neceffaire pour fon intru &tion, mais auffi ce qui luy eft vtile pour fa confolation. Car l'humi lité qui cache & couure les vertus pour les conferuer, les fait beantmoins paroistre quand la charité les commande, pour les accroiftre, aggrandir & perfectionner. En quoy elle reffemble à cét arbre des Ifles de Tylos, lequel la nuit refferre & tient clofes fes belles fleurs incar➡ nates, & ne les ouure qu'au Soleil. euant,de forte que les habitans du pays difent, que ces fleurs dorment de nuict: car ainfi l'humilité couure