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ceux qui, d'après le Morning-Herald, se plaignent le plus hautement, sont ceux dont la situation était le moins embarrasante, puisqu'ils n'avaient que leur propre personne à mettre à l'abri, n'ayant aucun citoyen de leur nation à protéger.

>>> Le résultat de leurs démarches était donc d'encourager, bien contre leurs intentions sans doute, l'opiniâtreté que mettaient les autorités turques à refuser la satisfaction trèslégitime qui leur avait été demandée. Leur exemple n'a pas, au surplus, été suivi par tous leurs collègues, car le consulgénéral d'Espagne et son vice-consul se sont employés autant qu'ils l'ont pu à amener le gouverneur de Tripoli à satisfaire à la demande du commandant de notre escadre.»

V.

Arrestation, en 1853, du réfugié hongrois Martin KOSZTA, par ordre du consul -- général d'Autriche à Smyrne, et discussions qui s'ensuivirent entre le gouvernement impérial et celui des États-Unis d'Amérique.

Martin Koszta, natif de Grosswardein, un des agents de Kossuth, ayant pris part à la rebellion de la Hongrie contre la souveraineté de l'empereur d'Autriche, avait dû quitter son pays pour se réfugier sur le territoire ottoman, après la capitulation de Villagos. La Porte refusa de livrer les réfugiés hongrois à la demande du gouvernement autrichien; elle les garda longtemps, internés à Kiutayeh, et leur permit, sur leur promesse de ne plus reparaître en Turquie, de se rendre. aux États-Unis.

4) V. Phases et causes célèbres du droit maritime, par Mr. DE CUSSY, T. II, p. 98.

Dans le mois de Juin 1853, Mr. Koszta revint à Smyrne.

Le consul-général d'Autriche, Mr. de Weckbecker, en prévint le gouverneur Ali-Pacha, qui ne se refusa pas à le faire sortir de Smyrne, mais dont les mesures de surveillance furent inhabiles et sans énergie.

Usant du droit de juridiction qui lui appartenait en vertu des capitulations, Mr. de Weckbecker fit arrêter, le 22 Juin, Mr. Koszta et ordonna de le transporter à bord du brick de guerre autrichien, le Hussard, qui se trouvait à l'ancre dans le port de Smyrne.

Le soir même, les réfugiés italiens qui étaient à Smyrne en grand nombre, s'attroupèrent dans un café. Le Romain Antinori y tint les discours les plus séditieux, et on y conçut le plan insensé d'attaquer à main armée le brick autrichien, d'incendier l'hôtel du consulat et d'assassiner le consul-général et les siens. Ce dernier fut averti à temps. Le commandant du brick, Mr. Schwarz, fit charger ses canons à mitraille, et le consul-général invita Ali-Pacha à prendre des mesures pour empêcher un grand malheur. Ali - Pacha répondit qu'il en référerait à Constantinople. Toutefois l'attaque projetée n'eut pas lieu.

Le 23, vers midi, la corvette américaine Saint-Lewis apparut inopinément. Le commandant Ingraham envoya aussitôt un officier à bord du Hussard pour s'informer si un individu nommé Martin Koszta, citoyen des États-Unis, y était retenu prisonnier. Le capitaine Schwarz étant absent, l'officier de garde dit qu'il ne pouvait répondre à cette demande, et invita l'officier américain à revenir quand le capitaine serait à bord. Peu de temps après, le consul américain et Mr. Ingraham, commandant de la corvette, se rendirent au consulat-général et réclamèrent Koszta. Le consulgénéral refusa de le livrer, attendu que le prisonnier était

Hongrois, par conséquent sujet de l'Autriche, et qu'il ne pouvait être citoyen des États-Unis, puisqu'il y avait à peine un an qu'il avait été interné comme rebelle contre l'empereur, et qu'ainsi il n'avait pu séjourner qu'une année tout au plus en Amérique, ce qui ne pouvait lui avoir acquis le droit de bourgeoisie.

Le commandant Ingraham devenant pressant et impérieux, le consul-général lui déclara qu'il devait refuser un entretien direct sur cet objet, attendu que comme consul-général il n'avait à traiter les affaires des deux gouvernements qu'avec le consul des États-Unis. Là-dessus, le commandant Ingraham demanda à voir le prisonnier et à lui parler. On lui offrit de se rendre à bord du brick avec le consul-général et le capitaine Schwarz, qui était arrivé sur ces entrefaites, ce qui en effet eut immédiatement lieu.

A la question que lui fit Mr. Ingraham, s'il était citoyen des États-Unis, Koszta répondit: Non, je suis Hongrois. S'il avait un passeport américain? Non.

temps il avait été en Amérique?

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Un an.

en était parti? Pour m'établir ici. Amérique vouloir y être naturalisé ?

Combien de

Pourquoi il

S'il avait déclaré en

Oui, mais je n'ai pu

m'y plaire, et c'est pourquoi j'en suis parti.

Après ce court entretien, les personnes présentes (à l'exception de Koszta) se rendirent dans le salon du commandant Schwarz, où Mr. Ingraham dit au consul américain: « Cet homme n'est pas citoyen des États-Unis.» Là-dessus, il prit congé.

Lorsque les réfugiés eurent appris le résultat de la démarche des Américains, ils voulurent d'abord se venger de ces derniers et menacèrent de s'emparer de trois officiers américains; mais ceux-ci furent avertis à temps. Le soir eut lieu alors l'infâme attentat sur les officiers autrichiens, qui

coûta la vie au baron Hackelberg. 1) Sans ce funeste événement, le brick de guerre aurait mis sur le champ à la voile, mais il ne pouvait plus alors partir, parce qu'on aurait considéré comme une lâcheté son départ après la perpétration du crime.

L'exécrable et lâche attentat, commis à terre sur trois officiers autrichiens du brick le Hussard, l'inaction du gouverneur turc de Smyrne, l'arrestation du sieur Koszta, par ordre du consul - général d'Autriche, l'ingérence du consul des États-Unis dans cette affaire, l'intervention du commandant Ingraham, etc., tous ces faits furent portés à la connaissance des légations d'Autriche et des États-Unis à Constantinople, et à celle du Divan, qui fit partir sans retard Chekib Effendi, pour Smyrne, en qualité de commissaire extraordinaire à l'effet de procéder à une enquête.

Le commandant du brick le Hussard se vit obligé, par suite de l'attentat du 23 Juin, de différer son départ jusqu'au 29.

Le 28, à dix heures du soir, le commandant Schwarz reçut une lettre de Mr. Ingraham, dans laquelle celui-ci lui signifiait qu'il ne souffrirait pas que Koszta fût emmené par le vapeur qui partait le lendemain. Le commandant Schwarz le renvoya, pour cette affaire, au consul-général autrichien. Pendant la nuit, la corvette se rapprocha du brick et chargea ses canons à boulet.

Le 29, le consul américain, Mr. Offley, revint auprès du consul-général autrichien et réclama de nouveau Koszta, en faisant remarquer la position que la corvette avait prise. Le consul - général repoussa énergiquement, cette fois-ci

1) Ces officiers se trouvaient dans un café, sur le quai anglais, lorsqu'une quinzaine de réfugiés, la plupart Italiens, les attaquérent avec rage. Le baron de Hackelberg, frappé d'un coup de poignard, dégagé par deux négociants anglais qui se trouvaient dans le café, se noya en voulant regagner son bâtiment à la nage.

comme précédemment, sa demande; toutefois comme Mr. Offley demandait que le départ de Koszta fût au moins ajourné, vu que cette affaire se traitait à Constantinople, le consul-général répondit qu'il attendait également des ordres et qu'il n'avait encore pris aucune résolution sur la manière dont Koszta devait être transporté. C'est, selon toute probabilité, de cette manière que les Américains ont été empêchés de commettre un acte de brutalité en coulant à fond le faible brick autrichien.

Mr. Ingraham retira alors ses canons, mais il garda la position qu'il avait prise près du brick. Les choses en étaient là le 2 Juillet. La veille la petite goëlette l'Artemise, commandant Richard Barry, étant à Syra, en était sur le champ partie pour se rendre ici, après avoir reçu la nouvelle de l'attentat.

Samedi, 2 Juillet, Mr. le commandant Schwarz communiqua au consul-général autrichien la sommation que Mr. Ingraham lui avait faite, par écrit, de lui livrer Koszta avant les quatre heures de l'après-midi, sans quoi il s'emparerait de lui par force. Mr. Schwarz répondit, comme la première fois, que, pour ce qui concernait le prisonnier, il était aux ordres du consul-général; que, du reste, il repousserait la force par la force par tous les moyens qui étaient en son pouvoir.

Le vaisseau américain se prépara au combat,, le brick et la goëlette en firent autant de leur côté. Les officiers et les soldats autrichiens étaient décidés à se battre jusqu'à la dernière extrémité; il ne restait donc plus que la perspective d'un combat meurtrier au milieu des vaisseaux marchands de toutes les nations de l'Europe et à cent pas de la ville. Dans cette dernière même, la partie la plus vile des réfugiés s'agitait et menaçait de massacrer tous les Autrichiens et leurs

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