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de m'autoriser à m'entendre avec vous sur la mise en liberté «<et le transport en Amérique de Martin Koszta.»

» Ainsi l'Autriche réservait formellement son droit, et en cela elle défendait la cause de toutes les puissances qui ont des capitulations avec la Turquie, en même temps que la sienne propre. C'était se montrer intraitable sur le principe, conciliant sur l'application: règle difficile et rarement observée en politique.

>> Le ministre américain, Mr. Marsh, se hâta d'accepter les propositions de Mr. de Bruck. Sa dépêche en réponse à ce diplomate, laquelle a été également publiée, témoignait de ses sentiments conciliants. Il faut être juste envers le gouvernement américain et son représentant à Constantinople: si cette affaire Koszta avait été exclusivement traitée entre eux et le cabinet de Vienne, elle n'aurait pas acquis les proportions qu'elle a eues un moment et qui pouvaient faire craindre une rupture de relations entre l'Autriche et les États-Unis.

>> Ce qui a été le plus grave dans cette affaire, et ce qui reste encore regrettable, c'est la conduite du capitaine Ingraham, commandant une corvette américaine, et menaçant d'ouvrir le feu sur un brick autrichien, dans le port de Smyrne. Le président des États-Unis a dit dans son message que les procédés de cet officier étaient «justifiables ». S'il est un gouvernement dont on ne devait jamais s'attendre à voir le chef justifier de pareils procédés, c'est assurément le gouvernement des États-Unis. Qui doit, plus que le cabinet de Washington, défendre énergiquement et constamment les droits des neutres? Quelle a été une des causes déterminantes, la principale cause de la déclaration de guerre des États-Unis à l'Angleterre, en 1812? C'est le droit de visite que les navires de guerre britanniques s'étaient arrogé sur les navires américains, pour s'assurer s'ils n'avaient point de matelots anglais dans leurs équipages. C'était violer certainement les priviléges de la neutralité d'une façon qui exigeait une réparation. Mais cette violation n'était pas pire que celle qui serait réẻsultée d'une menace d'hostilités faite par un navire anglais à un navire américain dans un port neutre. Le gouvernement des États-Unis est condamné dans le cas dont nous nous occupons, non-seulement par ses propres antécédents, mais

encore par l'autorité des publicistes nationaux, ainsi que l'a établi le gouvernement autrichien dans son Memorandum aux cours étrangères.

» Mr. Franklin Pierce a dit dans son message que la correspondance communiquée au congrès ferait connaître la doctrine qui a décidé le gouvernement américain à considérer la conduite du capitaine Ingraham comme justifiable. Il sera curieux de voir sur quels arguments on aura essayé d'appuyer cette doctrine. Les États-Unis doivent prendre garde d'accréditer des précédents qui seraient un jour invoqués contre eux. L'Angleterre a pu se mettre et rester encore en opposition avec tous les autres états maritimes sur la nature et l'étendue des priviléges des neutres: sa supériorité de fait la porte à croire qu'elle peut se placer impunément au-dessus du droit. La puissance navale des États-Unis n'est pas encore arrivée à ce point, qu'ils puissent imiter en cela l'Angleterre.

»> Quant à nous, nous ne saurions oublier que le capitaine Ingraham a donné dans la rade de Smyrne le déplorable exemple d'une violation de ces principes du droit maritime pour lesquels la France, sous l'ancienne monarchie, sous la république, sous l'empire, n'a cessé de combattre; et c'est avec tristesse que nous verrions une puissance à laquelle nos efforts n'ont pas été inutiles pour fonder son indépendance, qui a été notre alliée, et qui, nous l'espérons, peut l'être encore, si l'heure des grandes luttes maritimes venait de nouveau à sonner, chercher à accréditer une doctrine qui ne lui serait pas moins funeste à elle-même qu'à nous, et contre laquelle protestent toutes nos traditions nationales. >>

VI.

Différend survenu en 1857, entre le gouvernement napolitain et ceux du Piémont et de la Grande-Bretagne, en suite de la capture du bâtiment sarde le CAGLIARI, par la marine napolitaine. 1)

Le 25 Juin 1857, le Cagliari, bâtiment sarde de commerce à destination de Tunis, partit du port de Gênes. Il avait à bord, outre un équipage de 32 hommes, sous les ordres du capitaine Sitkzia, 33 passagers, dont 27 s'étaient embarqués avec le projet de porter la révolution sur les côtes de Naples. A la tête de ces derniers se trouvait Charles Pisacane, duc de San-Giovanni. Une fois en mer, Pisacane avec ses compagnons forcèrent le capitaine de se diriger sur l'île de Ponza, où était détenu un grand nombre de prisonniers d'État; arrivés au mouillage, les insurgés firent garder le navire par quelques-uns des leurs, descendirent à terre, et après avoir mis en liberté et amenés à bord les prisonniers, ils forcèrent de nouveau le capitaine à mettre le cap sur Sapri dans le golfe de Policastro. Après que le débarquement des révolutionnaires avait été effectué dans ce dernier endroit, un navire de guerre de la marine napolitaine opéra la capture du Cagliari.

Le gouvernement piémontais, arguant du fait que le capitaine n'avait agi que sous l'empire de la violence exercée contre lui par les passagers dont il ignorait les intentions à l'embarquement, réclama contre cette saisie comme une violation du droit des gens, et demanda en conséquence la restitution immédiate du navire et la mise en liberté du capitaine et de l'équipage. Le gouvernement napolitain, de son côté,

1) V. Annuaire des Deux Mondes, T. VIII et IX,

usant de son droit avec toute la rigueur, déféra le Cagliari en première instance à la commission des prises qui le condamna.

Le cabinet de Turin se voyant alors amené à faire appel à l'opinion des cours étrangères, Mr. de Cavour, ministre des affaires étrangères de Sardaigne, pour obtenir l'appui moral des alliés du Piémont, adressa, en date du 30 Mars, aux représentants du roi à l'étranger un memorandum pour être communiqué aux divers cabinets auprès desquels ils résidaient.

Tous les cabinets étant animés d'un même désir de voir ce différend entre les deux gouvernements se terminer par un arrangement à l'amiable, afin de ne point en remettre la solution au sort des armes, invoquèrent un moyen indiqué par le congrès de Paris en 1856. Les plénipotentiaires avaient émis dans la séance du 44 Avril, le vœu «que les états entre »>lesquels s'élèverait un dissentiment sérieux, avant d'en ap>>peler aux armes, eussent recours, en tant que les circon>> stances l'admettraient, aux bons offices d'une puissance amie»>. On conseilla aux deux parties de s'en rapporter à un arbitrage dans le cas où elles ne tomberaient point d'accord entre elles sur quelque expédient propre à terminer amiablement le débat. 1)

L'Angleterre se trouvait compliquée dans ce différend entre les cours de Naples et de Turin, par suite de l'emprisonnement de deux mécaniciens anglais du Cagliari, Watt et Park, qui avaient réclamé la protection de leur gouvernement. Les jurisconsultes de la couronne ayant d'abord été d'avis que la capture du Cagliari était légale, le cabinet an

4) Il fut d'abord question des Pays-Bas; le roi de Naples désirait une grande puissance: mais aucune n'offrit les garanties d'impartialité nécessaire. Si l'Angleterre et la France penchaient pour le Piémont, la Prusse et la Russie n'inclinaient pas moins pour le gouvernement napolitain, et quant à l'Autriche, sa position à l'égard du cabinet de Turin bien autrement marquée que celle de la France et de l'Angleterre, à l'égard de la cour de Naples, ne permettait pas même de prononcer son nom en cette circonstance,

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glais n'avait pas cru pouvoir intervenir directement dans le litige; il s'était borné à encourager le cabinet de Turin dans ses réclamations. Toutefois la détention prolongée des deux mécaniciens dans les prisons de Salerne, et la nouvelle que l'un d'eux avait été frappé d'aliénation mentale, créèrent une certaine irritation en Angleterre; il résultait de plus des documents produits par le gouvernement sarde, et même dụ procès fait aux insurgés de Sapri que le Cagliari n'avait point été capturé dans les eaux napolitaines, mais bien en pleine mer. Par une communication faite le 5 Avril, par Mr. Israeli, chancelier de l'échiquier, à la Chambre des communes sur cette affaire, on apprit que la mission officieuse donnée par le ministère à Mr. Lyons 1), avait eu pour effet immédiat la mise en liberté de Watt, et la translation de Park à l'hôpital anglais à Naples où il attendait sa mise en jugement.

La question ayant été soulevée dans la Chambre haute, par une interpellation de lord Arlie, lord Malmesbury exposa en ces termes la conduite du gouvernement:

...

« Nous avons ditau gouvernement sarde que, de l'avis de nos juristes, le gouvernement napolitain avait été dans son droit en arrêtant le Cagliari, mais qu'il l'avait induement retenu et condamné; que par conséquent, s'il avait eu raison au début de l'affaire, il se trouvait maintenant dans son tort. Nous avons donc offert nos bons offices à la Sardaigne en vue d'amener le roi de Naples à renoncer à la confiscation du navire et, à restituer le Cagliari avec son équipage: mais en même temps j'ai déclaré au comte de Cavour que nous regarderions comme le malheur le plus déplorable tout recours à des hostilités contre Naples, à moins d'un appel préalable à l'intervention de quelque puissance amie, en conformité avec un des protocoles du dernier congrès de Paris.»

4) Mr. Lyons, secrétaire de la légation britannique à Florence, en résidence à Rome, avait été envoyé à Salerne pour y protéger les deux sujets anglais.

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