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laissé de s'acquitter d'un juste devoir de piété et de religion. Celui qui par le mouvement de sa propre dévotion se serait prosterné au pied de la croix pour y adorer le Sauveur mourant, eût sans doute fait une action également louable Jésus-Christ placé sur nos autels ne possède pas moins, sous les symboles du pain, la plénitude de la divinité, que lorsqu'il était dans la crèche ou sur la croix; pourquoi y serait-il un objet moins adorable pour nous?

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Vous n'ignorez pas, Monsieur, que la plupart de ceux qui suivent avec vous la confession d'Ausbourg, croient devoir adorer Jésus-Christ en recevant la cène. Les ministres de cette ville, réunis en corps, présentèrent en 1670, à messieurs les magistrats, une requête pour demander, entre autres articles, qu'on obligeât les fidèles, en approchant de la cène, à la recevoir genoux; ils apportaient pour exemple la coutume des églises de Saxe, et pour motif la foi de la présence réelle, ajoutant que si, selon l'expression de saint Paul, tout genou doit fléchir au nom de Jésus (1), à plus forte raison tout genou doit-il fléchir devant sa personne (2). Les magistrats, il est vrai, ne jugèrent pas à propos d'ordonner ces démonstrations extérieures de respect à l'approche de la communion; mais il est à présumer qu'ils n'ont pas prétendu condamner les sentiments intérieurs de la plus profonde vénération envers Jésus

(1) Phil. 11. 10.

(2) J'ai eu l'original en main, et j'en conserve une copie bien collationnée.

Christ au moment qu'il est reçu comme uné nourriture toute divine: du moins Kemnitius, le plus habile de vos controversistes, n'a-t-il pas craint de dire que «< personne ne doutait de « la nécessité d'adorer en esprit et en vérité « Jésus-Christ vraiment et substantiellement << présent dans l'action de la cène, à moins de << nier et de révoquer en doute avec les sacra«<mentaires, la présence réelle de Jésus-Christ <<< dans cet acte religieux (1). »

Nous voyons même les principaux chefs des calvinistes avouer, malgré toute leur horreur pour ce culte, qu'il était une suite nécessaire de la créance et de la réalité. Zwingle ne comprend pas «< comment ceux qui croient Jésus«<< Christ présent, peuvent éviter de pécher en ne l'adorant pas (2). ›

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Calvin déclare hautement qu'il lui a toujours paru très concluant de dire, « que si Jésus«Christ est dans le pain, il faut l'y adorer (3). »

Bèze dit que « s'il croyait à la réception « réelle de Jésus-Christ avec le pain, non<< seulement il regarderait l'adoration comme permise, mais qu'il s'en ferait un devoir indispensable (4); » ainsi les deux partis qui

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(1) Christum in actione Cœnæ Dominicæ verè et substantialiter præsentem, in spiritu et veritate adorandum nemo negat, nisi qui cum sacramentariis vel negat, vel dubitat de præsentiâ Christi in Cœna. 2. Parte Exam. Trid. Conc. T. 2. Edit. Francof. p. 151. n. 40.

(2) Si Christus hic est, cur non peccent qui non adorant? In Exeg. Euch. ad Luther. T. 2. f. 144.

(3) Nos semper sic rationati sumus, si Christus est in pane, esse sub pane adorandum. De vera participatione Cœnæ in tractatibus theologicis ed. Amstelod. p. 727.

(4) Id si ita esse crederem, adorationem illius profectò non modo tole

se sont si fort élevés contre notre doctrine touchant l'Eucharistie, quelque opposés qu'ils soient entre eux sur cette matière, ne laissent pas de se réunir entre eux et avec nous pour reconnaître que la présence réelle une fois établie, est un fondement légitime d'adoration, ou pour mieux dire, une source d'où naît une obligation indispensable d'adorer Jésus-Christ dans le

sacrement.

Certainement, Monsieur, si l'on croit chez vous devoir adorer Jésus-Christ à la cène, parce qu'il y est présent, vous trouverez bien juste que nous croyions devoir l'adorer aussi en d'autres temps, s'il est vrai s'il est vrai que Jésus-Christ reste constamment présent sous les espèces du pain après la consécration. Toute la difficulté se réduit donc au point de la présence fixe et permanente; et si nous sommes solidement fondés à croire cette présence, dès lors il n'est plus besoin de grands efforts pour justifier notre culte; ce que vous pratiquez vous-même presque partout en approchant de la cène, suffira pour en faire la justification.

Or, Monsieur, nous ne sommes nullement embarrassés à rendre bon compte de notre foi sur l'article de la présence continuée; car nous l'établissons par les paroles les plus claires de l'Ecriture, interprétées dans le sens le plus naturel, par le consentement général de toutes les nations, même de celles qui depuis plusieurs

rabilem et religiosam, sed etiam necessariam arbitrarer. Beza de Cœnâ Domini, p. 245.

TOM. III.

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siècles se trouvent plus éloignées de nous par l'animosité du schisme, que par la situation des climats, et par le témoignage incontestable de l'antiquité toute entière.

Me soupçonneriez-vous, Monsieur, d'avancer une proposition où il y a plus de parure et d'ostentation, que de fond et de vérité? Prenez la peine, s'il vous plaît, d'examiner avec soin la question; elle mérite toute votre attention par son importance. Non-seulement je ne craindrai pas l'examen le plus critique, mais, qui plus est, je ne puis m'empêcher de le désirer avec ardeur.

PREMIÈRE PROPOSITION.

PREUVES TIRÉES DE L'ÉCRITURE.

Lorsque le Sauveur prononça ces paroles : Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, il prétendit sans doute inviter ses disciples à recevoir cette nourriture céleste, en leur faisant connaître le prix et l'excellence de l'aliment qu'il leur présentait; on ne peut donc raisonnablement douter que ces paroles n'aient été prononcées avant que les Apôtres mangeassent et bussent effectivement ce qui leur était présenté. Or, les paroles du Sauveur ont certainement été vraies au moment même qu'il les prononça; il est donc évident que le corps et

fe sang ont été présents avant l'usage, je veux dire avant que les Apôtres approchassent le pain. sacré de leur bouche pour en manger, avant qu'ils appliquassent leurs lèvres à la coupe pour boire la liqueur dont elle était remplie; car si le corps et le sang n'avaient pas été présents dès-lors et avant que les Apôtres se rendissent à l'invitation du Sauveur, ses paroles se seraient trouvées fausses au moment même qu'elles furent prononcées.

Rien de plus simple ni de plus naturel, Monsieur, que ce raisonnement; il ne faut, comme vous voyez, aucune contention d'esprit pour le concevoir; je ne laisserai pas de le rendre encore plus sensible et plus pressant, en examinant de plus près les paroles dont le Sauveur se servit en présentant le calice. Ceci, dit-il, est la coupe de la nouvelle alliance en mon sang, laquelle coupe est répandue pour vous; car c'est ainsi que saint Luc s'exprime dans le grec original (1). Or, cette expression conduit naturellement à conclure que le sang sang était véritablement dans la coupe avant de passer dans la bouche des disciples; car, je vous prie, Monsieur, de le remarquer, il n'y eut jamais de vin répandu pour nous, mais c'est uniquement le sang de Jésus-Christ qui pour nous a été répandu. Donc, puisqu'il est dit que la coupe a été répandue pour nous, il faut que dans la coupe il ait eu, non pas du vin, mais le sang de Jé

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(1) Τοῦτο τὸ ποτήριον ή καινή διαθήκη ἐν τῷ αίματι μου, ὑπὲρ ὑμῶν εκχυνόμενον. Luc. 29. 90.

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