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sir de s'élever au-dessus du commun des fidèles qui les eût portés à se réserver la coupe pour eux seuls, sans en faire part au peuple; comment n'a-t-on pas remarqué, que les prêtres, dès qu'ils communient sans célébrer, ne reçoivent plus la communion que comme les autres fidèles, je veux dire sous la seule espèce du pain. Prêtres, évêques, cardinaux, pape, tous, lorsqu'ils ont à recevoir le viatique, s'avisent-ils jamais d'exiger la participation à la coupe? et quand hors d'état de dire la messe, ou par incommodité, ou par quelque autre empêchement, ils ont la dévotion de vouloir communier, ne se contentent-ils pas de ce qui est donné aux laïques? pensa-t-on jamais à les privilégier? Si c'est l'amour de la distinction qui les gouverne, comment cet amour ne les accompagne-t-il pas lorsqu'ils s'approchent de l'autel, non pour y célébrer le sacrifice, mais pour participer au sacrement? le désir de se distinguer s'étoufferait-il tout-à-coup, lorsqu'il y a les mêmes raisons de le voir également subsister? Que la malignité est outrée dans ses réflexions, et qu'elle réussit mal dans ses conjectures! elle pensait ici faire d'heureuses découvertes, et elle ne fait que se découvrir elle-même.

Mais, nous demande-t-on, pourquoi le prêtre, quand il célèbre, ne se dispense-t-il jamais de prendre la coupe? c'est, Monsieur, parce que la nature du sacrifice l'exige ainsi; c'est un sacrifice selon l'ordre de Melchisedech qui of frit du pain et du vin au Très-Haut; il faut em

ployer la même matière au sacrifice nouveau; autrement on ne saurait lui conserver cette qualité. C'est de plus, un sacrifice destiné de sa nature à représenter le sacrifice de la croix, en marquant la séparation du sang et du corps, opérée sur le calvaire; or, cette représentation ne peut se faire exactement que par les deux symboles, dont l'un marque le corps, l'autre le sang, et les paroles qui se prononcent en consacrant l'un et l'autre, nous retracent par faitement la division réellement exécutée au jour de la passion. Aussi ne s'est-il vu, depuis le commencement du christianisme, aucun exemple de prêtre qui ait célébré le sacrifice avec une seule espèce, tandis qu'il s'est vu des millions de communiants qui se sont contentés de recevoir la seule espèce du pain. C'est donc dans la nature du sacrifice, et non dans la vanité des prêtres, qu'il faut chercher la raison de la distinction établie entre les prêtres et le peuple, concernant l'usage de la coupe.

CONCLUSION.

Je ne m'aperçois pas, Monsieur, qu'en donnant trop d'étendue à ma matière, je me mets en danger de vous ennuyer. Il est donc temps de penser à finir, et je le ferai en vous priant de réfléchir, si après tout ce que j'ai eu l'honneur de vous dire touchant la communion sous une seule espèce, cet article a pu être pour vos ancêtres un sujet légitime de se séparer de nous. Rappelez-vous, s'il vous plaît, les points

capitaux exposés sur cette matière. Vous avez vu qu'en recevant une seule espèce, on reçoit autant qu'en recevant les deux; que JésusChrist promet à la réception d'une seule espèce, les mêmes avantages qu'à la réception conjointe de l'une et l'autre ; que les premiers chrétiens, loin de se faire aucune obligation de recevoir les deux espèces, se sont contentés très souvent de n'en recevoir qu'une; que dans tout l'Evangile, il ne se trouve aucun précepte qui oblige tous les fidèles à participer à la coupe; que l'usage d'une seule espèce n'a rien de contraire à l'institution de Jésus-Christ.

Voilà, Monsieur, les articles que je m'étais chargé de démontrer, je crois l'avoir fait en fournissant des preuves telles que je les ai promises, preuves de nature à pouvoir et à devoir contenter tout esprit raisonnable; et si l'attention avec laquelle vous les avez examinées n'a point été affaiblie par je ne sais quelle pente naturelle à mépriser, à dédaigner, à rejeter tout ce qui choque les premières idées dont on s'est laissé prévenir, je me tiens assuré que je ne passerai pas dans votre esprit pour m'être avancé témérairement, et que je n'aurai point à essuyer le reproche de vous avoir manqué de parole.

Qu'y a-t-il donc dans l'article de la communion sous une seule espèce, qui puisse fonder en aucune manière, la justice de votre séparation? Ne savons-nous pas que les chefs de votre prétendue réforme ont eux-mêmes regardé cet article comme un point de très petite consé

quence? Luther, après s'être ouvertement révolté contre l'Eglise, censura grièvement Carlostadt, d'avoir, contre son avis, établi la communion sous les deux espèces, lui reprochant de mettre toute la réforme « dans des << choses de néant (1). » Dans une instruction qu'il écrivit sur ce sujet en 1522, il dit en termes exprès: «Si vous arrivez dans un en« droit où l'on ne donne qu'une seule espèce, << contentez-vous de n'en recevoir qu'une; si << l'on y donne les deux, recevez les deux, et << n'allez pas vous distinguer de la multitude, <<< en vous opposant à la pratique que vous trou<< verez établie (2). >> En 1523, Mélanchthon fit imprimer à Haguenau, un livre intitulé Lieux communs, où il range parmi les pratiques indifférentes, la communion sous une ou sous deux espèces (3). En 1528, dix ans après que Luther se fut érigé en réformateur, dans sa visite des Eglises de Saxe, il laissa encore positivement la liberté de n'en prendre qu'une (4); et qui plus est, pour marquer d'une manière plus énergique, ce qu'il pensait sur ce sujet, il dit au troisième tome de son ouvrage : « Si <<< un concile ordonnait ou permettait les deux <<< espèces, en dépit du concile, nous n'en prendrions qu'une, ou nous ne prendrions ni

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(1) Tom. 2. Epist. Luth. ad Casp. Guttol. Epist. 56,

(2) Tom. 2. Ed. germ. Jen. apud Christ. Rodinger. p. 100. b.

Sequenti anno 1523. editi sunt Hagenoa Loci communes Philippi Melanchthonis, in quibus communionem sub unâ inter res medias et in arbitrio nostro positas numerat, Calixt. in disp. contra Comm. sub unâ. N. 199. 285.

(4) Tom. 4. Ed. Jen. germ. apud Donat. Ritzenhain, p. 341. a.

« l'une ni l'autre, et maudirions ceux qui prendraient les deux en vertu du con<<< cile (1). >>

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Je ne m'arrêterai pas à relever ici ce qu'il y a de frappant dans ces étranges paroles. Je pourrais, Monsieur, vous faire remarquer que cet homme si spécialement inspiré de Dieu, n'ouvre guères la bouche sans faire voir une espèce de fureur et de manie, une attache inconcevable à son sens, avec un mépris infini de toute autorité, quelque grande qu'elle puisse être. Mais pour ne pas m'arrêter à des réflexions qui pourraient vous faire peine, je me contenterai de demander depuis quand la communion sous une seule espèce est-elle devenue une profanation du mystère, une mutilation du sacrement, une contravention formelle au précepte et à l'institution de Jésus-Christ? Si elle renferme tous ces caractères de malignité comment Luther ne l'a-t-il pas vu? et s'il l'a vu, comment a-t-il pa permettre cette communion, et la ranger parmi des pratiques indiffé

rentes ?

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Calixte dit bonnement, que Luther et ses premiers associés «< ayant entrepris la réforme plutôt par la violence d'autrui que par leur << propre volonté, ils ne purent pas, au com<< mencement, découvrir la nécessité du pré<cepte de communier sous les deux espèces, <<< ni rejeter une coutume profondément enra<«< cinée; mais qu'étant sortis peu å peu, et << comme par degrés, des épaisses ténèbres

(1) Tom. 5. Ed. Jen. germ. 1560. p. 247. b.

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