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les effets du mariage dissous, et non pas seulement les gains de survie et les dons, étaient appréciés pour fixer l'indemnité à allouer à l'époux innocent. Les articles 299 et 300 du code civil ont remplacé les articles 6 et 7, § 3, de la loi du 27 septembre 1792. Ils les ont modifiés en certains points, mais le principe fondamental est resté immuable l'époux coupable ne doit rien gagner par le divorce, l'époux innocent ne doit rien y perdre. La loi ne fait pas de distinction entre les causes qui pourraient procurer le bénéfice pour l'un ou la perte pour l'autre le principe est absolu. Le pourvoi invoque un arrêt de la cour de Cologne du 28 décembre 1843 (Belg. jud., 1845) qui a adopté le système de la demanderesse.

Dans l'espèce, dit l'arrêt attaqué, la stipulation de communauté universelle ne contient pas un avantage dans le sens vrai du mot; malgré l'inégalité des apports, elle est à titre onéreux; car s'il est vrai que les biens apportés par la femme n'ont pas d'équivalent et que le mari n'a rien apporté, cet équivalent consiste néanmoins daus la chance d'un gain que le mari a donnée à sa femme par la promesse d'y apporter ses successions futures, et que si cette chance ne s'est pas réalisée avant le divorce, cette circonstance ue modifie pas le caractère purement onéreux ou commutatif de la convention; celle-ci était aléatoire dès le principe, et l'alea favorable à la femme ne s'est pas réalisé.

C'est là une pétition de principe. La communauté universelle renfermait sans doute une stipulation aléatoire; mais, dans son effet réel, la cour de Gand le constate, elle aura dépouillé la femme au profit du mari, qui en recueillera un avantage important, si cet avantage ne lui est pas enlevé par l'effet du divorce prononcé contre lui. Or, les conventions matrimoniales aléatoires, même sous le régime de la communauté légale, sont reconnues et traitées comme libéralités à l'égard des enfants du premier lit, quand la confusion des éléments de la communauté apportés par chaque époux a pour résultat d'avantager l'un d'eux. Contrairement à la doctrine de la décision attaquée, la chance de gagner n'est donc pas toujours considérée comme un équivalent des apports faits. L'arrêt attaqué répond en disant que l'existence d'enfants d'un premier lit est le seul cas dans lequel la loi regarde les avantages résultant des conventions matrimoniales comme des libéralités réductibles ou annulables. C'est là une erreur, puisque le contraire est formellement écrit dans l'article 1518 du code civil, et cela à propos des

effets du divorce sur les droits des époux relativement à un élément de la communauté. Mais y a-t-il une raison de considérer la disposition de cet article 1518 sur le préciput comme unique, exceptionnelle et dérogeant aux règles générales? On la chercherait vainement, et aucun motif sérieux ne peut le faire supposer. Il n'y a ni plus ni moins de raison d'appliquer l'article 299 du code civil aux avantages résultant d'autres conventions matrimoniales: ils ont le même caractère que le préciput. La doctrine juridique que l'arrêt a consacrée est contraire aux articles 299 et 500 du code civil qui sont violés par la méconnaissance de leur caractère général; elle est contraire à tous les autres articles cités : les articles 1516 et 1518 établissant que le préciput, bien que déclaré être un avantage non sujet aux formalités des donatious et simplement une convention de mariage, n'en doit pas moins être soumis aux articles 299 et 300 du code civil, par cela seul qu'il constitue un avantage; l'article 1527 établissant que les stipulations qui peuvent être faites entre époux par leur contrat de mariage n'échappent point, à ce titre, au principe que pose la loi relativement à certains intérêts qu'elle a voulu couvrir d'une protection spéciale.

Réponse au premier moyen. Les époux Vandevoorde-Steyaert ont stipulé le régime de la communauté universelle de tous leurs biens présents et à venir par leur contrat de mariage. Le mariage est dissous par un divorce prononcé contre le mari pour cause déterminée. Le hasard fait qu'à ce moment les biens versés dans la communauté dépassent en valeur ceux qu'y a apportés le mari. Le partage de la communauté en deux parts égales aura donc pour effet de lui attribuer en propriété une certaine quantité de biens venant de la femme, et celle-ci les perdra. L'alea, comme dit la cour de Gand, a tourné contre la femme. Il eût pu tourner en sa faveur si, par exemple, le mari avait recueilli avant ou après le mariage les successions de ses père et mère. Le pourvoi soutient que la stipulation du contrat de mariage établissant le régime de la communauté universelle, constitue un avantage frappé de révocation par l'article 299 du code civil. L'arrêt le conteste par la raison que, par avantages, cet article et les deux suivants entendent exclusivement les libéralités proprement dites dont les époux se sont respectivement gratifiés avec l'intention de donner; que ce mot ne comprend pas l'effet plus ou moins heureux que le hasard et non la volonté des époux fait produire à des conventions purement commutatives et à titre onéreux dans

leur principe. Nulle part la loi ne donne la définition légale du mot avantage. Elle ne le fait ni d'une façon générale, ni pour la signification spéciale attribuée à ce mot par l'article dont l'application a été refusée. Le juge du fond, appelé à qualifier une stipulation que les parties ne s'accordent pas à définir, que la loi n'a pas définie, n'a-t-il pas un pouvoir souverain pour dire que cette stipulation constitue oui ou non un avantage selon l'article 299 du code civil? Et n'est-ce point de ce pouvoir souverain qu'a usé l'arrêt en disant: Dans l'espèce, la stipulation de communauté universelle ne contient pas un avantage dans le sens vrai du mot, malgré l'inégalité des apports : elle est à titre onéreux; elle est aléatoire dans le principe, et l'alea favorable à la femme ne s'est pas réalisé. » Quoi qu'il en soit, la cour de Gand a sainement compris et appliqué la disposition de la loi que l'on prétend violée.

D

Le pourvoi rappelle les principes de la matière antérieure au code, parce que, dit-il, l'élément historique d'interprétation est un des plus importants et des plus sûrs : toute loi doit être interprétée d'après les idées de ses auteurs. On accepte la règle, mais où l'on se sépare du pourvoi, c'est lorsqu'il va chercher l'origine de l'article 299, l'esprit et les idées de ses auteurs dans les dispositions pénales édictées par le droit romain contre l'époux coupable forçant sa victime à la rupture du lien conjugal par la répudiation. On s'en sépare encore, lorsqu'il prétend interpréter le code civil, organisant le divorce et ses effets par la loi révolutionnaire du 20 septembre 1792. Les idées de Portalis et de Treilhard n'étaient évidemment plus celles des législateurs de 1792. Toutefois, l'esprit de la loi du 20 septembre 1792 est particulièrement propre à mettre en relief, par la comparaison, l'esprit du code civil, mais à la condition de rechercher la vérité juridique ailleurs que dans l'analogie; cette vérité jaillira par les dissemblances. La loi de 1792, en effet, voit dans le mariage un simple contrat consensuel civil. Elle le proclame dans son préambule. Le divorce, c'est pour elle l'application au contrat des principes sur la résolution des conventions civiles en général. De là le divorce par consentement mutuel d'une part, et le divorce pour cause déterminée de l'autre. Ce dernier est tout simplement l'action résolutoire des contrats synallagmatiques pour l'inexécution, par l'un des contractants, de ses obligations. Dans ce système, les couventions matrimoniales, les conditions civiles de l'union conjugale cessaient d'être en vigueur à dater de la dissolution (art. 4 et 6, § 5). Il en était de ces

conventions comme des statuts d'une société expirée et qu'on liquide. Toutefois la loi distingue, et la distinction est importante, entre le contrat de mariage, entre le règlement de la société conjugale et les avantages ou libéralités matrimoniales.

Les avantages (art. 6) tombent toujours et tout entiers par l'effet du divorce, quelle qu'en soit la cause; mais les droits et bénéfices dans la communauté ou la société d'acquêts sont, en règle, partagés entre les époux, comme ils l'auraient été en cas de décès de l'un d'eux (art. 4), sauf une pénalité en certaines circonstances exceptionnelles contre la femme coupable d'inconduite ou de torts graves (1).

La perte des avantages, quelle que fût la cause du divorce, était le frein mis par le législateur à l'abus du divorce pour cause non déterminée (2). Seulement au cas de divorce pour cause déterminée, la loi condamnait l'époux ayant occasionné le divorce par des faits qui peuvent lui être reprochés (3), condamnait l'époux coupable à indemniser son conjoint de la perte des avantages à l'aide d'une pension viagère (art. 7).

Le code civil établit un tout autre système. Dans le premier projet du code, plus hostile au divorce que le texte définitif, puisqu'il excluait le divorce par consentement mutuel rétabli plus tard par le conseil d'Etat; dans ce système, on trouve déjà les articles 299 et 300 du code civil actuel. Au chapitre intitulé: Des effets du divorce, il n'est question que des avantages; l'époux coupable les perd, l'époux innocent les conserve (art. 50 et 51, chap. X). La communauté, seul régime matrimonial légal prévu, est déclarée dissoute par suite de la dissolution du mariage. On le dit, mais au titre du Contrat de mariage: on n'en parle pas au titre du Divorce; et il est à noter que la communauté universelle des biens présents et à venir (titre X, art. 157), devait se partager par moitié, sans prélèvement entre les époux.

Le système de ce code est si bien un système nouveau où il est uniquement question des avantages et non du régime matrimonial, que vainement l'on proposa le retour an système de la loi de 1792. Le conseil d'Etat

(1) Voy. MERLIN, Quest. de droit, § 2, p. 102, et NICIAS GAILLARD, Revue des Revues de droit, t. XIII, p. 147.

(2) Discours de Robin parlant au nom du comité de législation (Voy. Moniteur, 8 septembre 1792.) (3) Même discours.

persista dans les idées du projet primitif, parce que la privation des avantages matrimoniaux est aujourd'hui la peine de l'ingratitude pour le donataire coupable, et pas autre chose.

Il ne s'agit plus, comme en 1792, de faire tomber les avantages à la suite d'une résolution du contrat, ainsi que le demandait encore le Tribunat. On en trouve une preuve manifeste dans ce fait que la disposition n'est plus applicable au divorce par consentement mutuel, comme elle l'était en 1792. L'époux innocent restera donataire malgré la dissolution du mariage, parce qu'il n'a pas démérité. L'autre, comme le dit Treilhard dans l'exposé des motifs, s'est placé au rang des ingrats: il sera traité comme eux (1).

Le système du code civil n'avait d'ailleurs de nouveau que son application au divorce. Il continuait l'ancien droit sous lequel l'époux coupable, au cas de séparation de corps, perdait ses avantages matrimoniaux, parce que les donations entre époux étaient révocables au cas d'ingratitude du donataire, comme les autres donations entre-vifs (2). Jamais d'ailleurs le mot avantages entre époux n'a été considéré dans le langage du droit comme pouvant s'appliquer à l'inégalité dans la communauté conjugale (3).

Le droit ancien et le droit intermédiaire en donnent de nombreuses preuves: ainsi l'article 282 de la coutume de Paris porte:

Homme et femme conjoints par mariage ne se peuvent avantager l'un l'autre par donation entre-viss, par testament ou ordonnance de dernière volonté, sinon, etc. Si l'on compare la définition, donnée par l'article 6 de la loi du 20 septembre 1792, de ce qu'elle entend par avantages à l'aide d'une énumération des actes ainsi qualifiés, et si l'on en rapproche les articles 14, 34, 38 et 59 de la loi du 17 nivôse an 11, la démonstration sera faite.

Vainement on invoque en faveur du système du pourvoi les articles 1496 et 1527 du code civil; d'abord ces articles ne peuvent servir à interpréter les articles 299 et 300. L'objet à réglementer dans l'une ou l'autre circonstance est totalement distinct. Aux articles 299 et 300, il s'agit du sort des stipulations matrimoniales ou de leurs effets entre les époux. Aux articles 1496 et 1527, il s'agit de leur influence et de leurs effets à l'égard des tiers, les enfants du premier lit.

(1) Locré, t. XI, p. 372.

(2) MERLIN, Rép., vis Institutions contract., $ 9, Séparation de corps, § 4, no 5.

(3) MERLIN, Rép. et Quest. de droit, ve Avantage.

La loi ne s'occupe pas, dans ces derniers articles, de la discussion des titres de l'un des époux aux libéralités de l'autre, de les comparer entre eux. Elle protége les enfants contre le convol et les préfère à l'époux nouveau. Aux articles 299 et 500, c'est le contraire qui se produit, et le retranchement s'opère au profit de l'un des époux au détriment de l'autre, sans préoccupation du droit des tiers.

Une objection analogue est puisée dans l'article 1518; mais l'article 1518 n'est pas une application de l'article 299. Le préciput a pour base la collaboration commune des époux, et cette collaboration cessant par la séparation de corps ou le divorce, la loi a dû enlever le bénéfice du préciput à celui des époux par la faute duquel la vie commune cesse. Il faut remarquer de plus que si le mot avantage de l'article 299 avait le sens que veut lui attribuer le pourvoi, il était fort inutile de parler du préciput dans l'article 1518.

De ces considérations, il résulte que le moyen n'est pas fondé.

M. le premier avocat général Cloquette a conclu au rejet dans les termes suivants :

Quelle est la portée de l'article 299 du code civil, lorsqu'il dispose que l'époux contre lequel le divorce aura été admis perdra les avantages que l'autre époux lui a faits, soit par leur contrat de mariage, soit depuis le mariage contracté; et que peut-il entendre, dans cette disposition, par tous les avantages faits par contrat de mariage, expression reproduite dans l'art. 500? Telle est la principale question que cette affaire présente à résoudre.

Les époux Vandevoorde-Steyaert avaient stipulé qu'il y aurait entre eux communauté universelle de tous les biens présents et à venir.

Leur mariage ayant été dissous par le divorce prononcé contre le mari pour cause déterminée, les droits de chacun des deux époux sur la communauté devaient être réglés.

Lors de ce règlement, la femme a soutenu que le régime de la communauté universelle, adopté par leur contrat de mariage, avait conféré à son mari des avantages auxquels la disposition de l'article 299 précité était applicable. C'est moi, disait-elle, qui ai apporté dans la communauté universelle tous les immeubles qui s'y sont trouvés lors de sa dissolution, ces biens ayant été acquis par moi avant le mariage, ou m'étant échus pendant le mariage. Si mon mari, qui n'a ·

rien apporté dans la communauté, obtenait une partie de ces biens, il conserverait les avantages que je lui ai faits par le contrat de mariage et dont je suis en droit de demander la révocation.

La cour d'appel de Gand a jugé qu'il n'y avait lieu à l'application de l'article 299, et que sa disposition devant rester sans influence sur le partage de la communauté des époux Vandevoorde-Steyaert, il devait avoir lieu par moitié.

Elle s'est fondée sur ce qu'une stipulation de communauté universelle n'est pas, en elle-même, une libéralité, mais une simple convention de mariage, qui doit sortir les effets légaux des conventions même en l'absence de tous apports par un des époux; sur ce que quand cette stipulation porte, comme dans l'espèce, sur les biens à venir comme sur les biens présents, il est impossible de dire, au moment du contrat, à qui elle profitera définitivement, les éventualités de l'avenir échappant à toutes prévisions et pouvant enrichir celui des époux qui d'abord avait été sans biens, ce qui ôte à une pareille stipulation tout caractère de libéralité; sur ce que d'ailleurs on ne pouvait, dans le cas spécial de cette cause, envisager la clause de communauté .universelle comme ayant été consentie par l'un des époux, dans le but d'exercer un acte de libéralité envers l'autre, cette clause ayant, dans ce cas spécial, le caractère d'un contrat commutatif aléatoire.

Selon le pourvoi, la cour de Gand a méconnu par son arrêt le sens de l'article 299, cet article étant conçu, d'après lui, dans des termes qui, par leur généralité, doivent faire perdre à l'époux coupable tous les avantages qu'il pouvait prétendre par suite de la stipulation d'une communauté universelle. Mais, contrairement à cette assertion, il est bien à remarquer que cet article ne parle que des avautages que l'autre époux lui a faits par leur contrat de mariage, ce qui ne peut s'entendre que des avantages qui lui ont été assurés par le contrat de mariage et qui en sont directement résultés, et non de ceux qui ne sont résultés plus tard que de circonstances tout à fait indépendantes de cet acte, et qui ne s'y rattachent qu'indirectement.

Lorsque des époux se marient sous le régime de la communauté universelle, on ne peut préciser, au moment du contrat, dans quel rapport seront, lors de la dissolution du mariage, les biens de l'avoir commun provenus de l'un des époux avec ceux qui sont provenus de l'autre.

Celui des époux qui était sans patri

moine lors de la célébration du mariage peut, par suite de successions ou de donations, verser plus tard dans la communauté, pendant le mariage, plus de biens que l'autre époux n'y avait apportés d'abord."

L'arrêt attaqué constate que Vandevoorde n'était pas orphelin lors de son mariage, qu'il avait encore ses parents, qu'il avait des héritances à faire: or, si les successions dont il avait l'expectative se fussent ouvertes avant cette époque, qui peut répondre que l'inégalité dont la demanderesse se prévaut eût encore existé dans les apports des deux époux dans la communauté universelle, et que même elle ne se fût pas déplacée?

Cette inégalité ne provient pas du contrat elle tient à des événements de vie ou de mort arrivés depuis le mariage; et les avantages qui en sont résultés en faveur du défendeur, pour le partage de la communauté universelle, ne sont pas des avantages que la demanderesse lui avait faits par son contrat de mariage, mais des avantages provenus de chances favorables à la suite d'une convention dont les effets devaient être aléatoires.

« C'est donc forcer les termes de l'art. 299 que de prétendre qu'ils sont d'une généralité qui les rend applicables dans la cause.

Notre opinion trouve sa confirmation dans l'exposé des motifs et dans le rapport au Tribunat du chapitre du code civil sur les effets du divorce. Dans l'exposé des motifs, Treilhard disait que l'époux contre qui le divorce a été prononcé ne doit pas conserver les avantages qui lui avaient été assurés par son contrat de mariage, puisqu'il s'est placé au rang des ingrats; et Savoie-Rollin disait aussi, dans son rapport au Tribunat, que l'époux accusateur doit conserver les avantages que l'époux coupable lui avait assurés. L'un et l'autre out parlé des avantages dont il s'agit dans l'article 299 et dans l'article 300 comme d'avantages certains acquis au jour de la célébration du mariage, ce qui exclut ceux qui ne sont qu'éventuels. On voit aussi, dans les motifs, que Treilhard les qualifiait de libéralités. La disposition de l'article 299 étant de nature pénale, elle doit être strictement interprétée.

Dans la supposition qu'on puisse admettre que les stipulations de communauté universelle des biens présents et à venir ne sont pas toujours, dans les contrats de mariage, de simples conventions commutatives, mais que parfois elles doivent être considérées comme des avantages d'un des époux envers l'autre, ce ne peut être que quand il est apparent que les inégalités de fortune qui

existent présentement entre les époux existeront encore à la dissolution du mariage : l'arrêt attaqué ne constatant pas que les époux Vandevoorde-Steyaert appartinssent à des familles de condition différente, et que le mari fût sans l'espoir fondé, à l'époque du mariage, de recueillir un jour des biens à lui propres, provenant de ses père et mère ou d'autres parents, la stipulation de communauté universelle des biens présents et à venir ne pouvait revêtir, dans l'espèce, le caractère d'un avantage fait au mari par la femme. Elle le pouvait d'autant moins que le contrat de mariage prévoyant, dans son article 3, le cas où le futur époux viendrait à prédécéder, sans laisser d'enfant à sa femme et sans avoir encore recueilli la succession d'un de ses parents, disposait qu'en ce cas tous les biens de la communauté universelle seraient dévolus à l'épouse survivante et n'accordait aux héritiers du défunt que le droit de reprendre ce qu'ils parviendraient à prouver qu'il avait reçu de ses parents, et qu'il avait apporté dans la communauté, lors du mariage ou depuis lors. Pareille clause témoignait d'une humeur peu libérale et n'annonçait pas l'intention, chez la future épouse, de faire par son contrat de mariage ni des actes de libéralité proprement dits, ni d'autres avantages dont cette clause atteste qu'elle se prévaudrait. En présence des termes restrictifs de l'article 299, il nous semble superflu de rechercher avec le pourvoi ce qu'en thèse générale il faut entendre par avantages dans diverses dispositions du code, au titre du Contrat de mariage, et si cette expression y comporte un sens plus étendu que celle de donation ou même de libéralité : nous croyons que, dans l'espèce, la stipulation de communauté universelle ne constituait pas un avantage, et que dût-elle être considérée comme telle, l'article 299 ne disposant que pour les avantages assurés par le contrat de mariage, n'était pas applicable et n'a pas été violé.

On ne peut argumenter de ce que c'est accorder une prime à l'immoralité de laisser recueillir par un mari dont les excès, sévices ou injures graves contre sa femme ont provoqué le divorce, la moitié de tous les biens de celle-ci tombés dans la communauté universelle, qu'elle seule a enrichie; ni de ce que sous l'empire des lois antérieures au code, l'époux coupable ne pouvait rien gagner, et l'époux innocent rien perdre par le divorce; ni de ce que l'article 299, ainsi compris, ne serait guère en rapport avec d'autres dispositions du code relatives aux droits respectifs des époux : ces arguments viennent se heurter contre le texte même de la loi et

contre les paroles des orateurs du gouverne. ment. Le premier moyen du pourvoi n'est donc pas fondé.

Le deuxième ne l'est pas non plus. En première instance, la demanderesse avait conclu à ce que le tribunal lui adjugeât tous les biens qui se trouvaient dans la communauté universelle, comme y ayant été versés par elle seule, et cette conclusion avait été rejetée par une décision motivée, portant qu'ils devaient être partagés par moitié. En appel, elle avait reproduit cette conclusion, en concluant subsidiairement à ce que la cour, si elle ne lui attribuait qu'une moitié des biens, décrétât de plus que les droits de survie, stipulés en sa faveur par l'art. 3 de son contrat de mariage, sortiraient leurs effets au détriment des héritiers de son mari, le cas échéant, ce qui impliquait subsidiairement qu'en ce cas encore le partage aurait lieu sur un autre pied que celui d'une juste moitié.

«L'arrêt attaqué l'a déclarée non fondée dans ses conclusions principale et subsidiaire, en adoptant les motifs des premiers juges.

« Cet arrêt s'est ainsi approprié, pour rejeter tout à la fois la conclusion principale et la conclusion subsidiaire, les motifs qu'avaient donnés les premiers juges, pour ne prononcer que le rejet de la conclusion principale, la seule qui eût été prise en première instance. Ces motifs sont censés faire partie de l'arrêt : quelle que soit leur valeur en eux-mêmes, ils lui donnent une base et satisfont au principe constitutionnel qui veut que les arrêts soient motivés, sans que l'application restreinte que les premiers juges avaient faite de ces motifs, dans la cause telle qu'elle se présentait devant eux, puisse vicier l'application plus étendue que les juges d'appel en ont faite aux nouveaux errements de la cause en appel.

« Nous concluons au rejet du pourvoi, avec condamnation de la demanderesse à l'indemnité et aux dépens. >

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 299, 300, 1496, 1527, 1516 et 1518 du code civil et sur la fausse application du principe consacré par l'article 1525 du même code:

Considérant que les avantages dont il s'agit en l'article 299 du code civil ne peuvent s'entendre que de libéralités, de dons purement gratuits faits par l'un des époux au profit de son conjoint;

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