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science, dans le cercle de la morale. Mais cet horizou lui-même est mobile. L'activité des rayons partis du centre commun s'augmente; et le premier cercle, en s'élargissant, presse le second, puis, par lui, le troisième, pour les forcer à s'étendre proportionnellement.

Ces vérités se trouvent appliquées au remplacement de l'ancien Testament par le nouveau. L'apôtre saint Paul, dans l'Épître aux Hébreux (ch. vi, § 18, vers. 9), les consacre, en reconnaissant que la loi mosaïque «< est << abolie comme impuissante et inutile: car la loi ne con«< duit personne à une parfaite justice; mais une nou<< velle espérance, par laquelle nous approchons de << Dieu, a été substituée à l'ancienne.» (Trad. de Sacy.) 570. Subsidiairement, écartons la distinction que l'on présente entre plusieurs espèces de MORALE.

Et d'abord refusons de distinguer la morale mondaine, la morale philosophique, la morale religieuse '.

Le mot morale mondaine, ou bien n'est qu'une antiphrase ironique pour exprimer l'immoralité, ou bien indique une moralité conventionnelle consistant dans le respect de certains usages: usages mauvais en euxmêmes, mais destinés à limiter d'autres applications du mal, qui seraient plus graves sans ces restrictions consacrées 2.

1 Montesquieu, Esprit des lois, liv. IV, chap. v: «Nous recevons trois édu⚫cations différentes ou contraires; celle de nos pères, celle de nos maîtres, ⚫ celle du monde. Ce qu'on nous dit dans la dernière, renverse toutes les « idées des premières.

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2 « Ce que vulgairement on nomme honneur dans la plupart des nations, • n'est qu'une vanité chatouilleuse, qui, toujours inquiétée par la con<< science de son peu de mérite, et craignant d'être abaissée dans l'opinion « des autres, est capable de porter les hommes aux plus affreux excès. » (D'HOLBACH, Morale universelle, section III, chap. I.)

Quant aux expressions morale philosophique et morale religieuse, elles ne sont malheureusement que des mots d'ordre d'une guerre que nous voudrions voir cesser. Pour nous, la prétendue morale d'une mauvaise philosophie, c'est l'immoralité : n'en parlons donc pas. Mais la morale d'une bonne philosophie ne diffère pas, même d'un iota, de la morale religieuse.

Nous ne comprenons pas davantage la distinction de la morale sociale et de la morale individuelle.

Disons, avec un auteur1 : « S'il y a deux morales, <«< il n'y a plus de morale. »

571. La division du DROIT NATUREL en pur ou proprement dit, et appliqué (Voy. plus haut, no 542), et aussi la subdivision (ibid.) du droit naturel pur ou proprement dit en droit naturel pur absolu (réglant les droits innés), et droit naturel pur hypothétique (réglant les droits acquis), ne sont à nos yeux que des complications inutiles.

Inutiles!.... c'est dire trop peu. Ajoutons qu'elles sont nuisibles par leur obscurité, dangereuses même par leur fausseté.-Toute cette érudition, conséquence du faux point de vue qui considère le droit positif, le droit naturel et la morale, comme trois directions essentiellement différentes, tombe entièrement devant la simplicité de l'idée de notre livre.

572. Parlons enfin d'une dernière distinction; c'est celle des règles de la législation et des règles de l'équité. Les amateurs de nuances philologiques la proposent comme une subdivision du droit naturel. — Ils

Jules Simon, Le Devoir, pag. 468.

emploient le mot règles de la législation, pour indiquer spécialement les connaissances acquises par l'économiste, par le statisticien proposant l'amélioration de la partie des lois positives qui recherche l'utilité publique. Ils préfèrent le mot règles de l'équité, pour indiquer les méditations de l'homme de bien, proposant l'amélioration de la partie des lois positives qui recherche l'application de l'égalité privée... Cette distinction nous est suspecte: elle se rapproche trop des systèmes qui refusent d'absorber l'utile dans le juste.

573. Concluons. Nous ne voyons entre ces trois recueils de règles, droit positif, droit naturel, morale, qu'une différence de modalité accidentelle; c'est celle des degrés respectifs de perfectionnement qu'ils supposent dans la science des mêmes objets du devoir. << Platon avait dit que le temps est l'image mobile de « l'éternité. Nous pourrions dire de même que la loi « est le reflet ou l'évolution progressive du principe << éternel du droit 1. »

Dans toute autre science que la science de la distinction du juste et de l'injuste, on ne se sert pas de divers mots, pour distinguer les résultats actuels acquis par l'étude, et les résultats à acquérir.—La chimie s'appelle chimie, soit qu'on parle du recueil des observations qui ont formé la liste des corps classés aujourd'hui, soit qu'on prévoie un recueil d'observa

1 Ahrens, Cours de droit naturel, partie générale, chap. 1, § 9. - Comp. chap. 1, § 3.

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Ethicum principium ad æternam libertatem accommodandum. » (WARNKOENIG, Doctrina juris philosophica, introd., cap. 11.) Utraque justi notio ex eodem fonte profluit. Utraque omnino ethica est. » (Id., ibid., cap. II, § 23.)

tions ultérieures qui ajouteront de nouveaux corps à la liste, ou en retrancheront. Au contraire, dans la science du juste et de l'injuste, on oppose, par des noms différents, la science d'aujourd'hui à celle de demain. Le droit positif ou naturel, c'est la direction que la somme actuelle des vices d'une nation lui permet d'accepter présentement du pouvoir social : la morale, c'est la direction meilleure que la méditation privée enseigne aux esprits d'élite, et que la civilisation progressive enseignera aux masses, quand la somme diminuée des vices laissera place à une intelligence plus susceptible de se plier au joug du devoir : si bien que (ceci semble un paradoxe, et cependant est mathématiquement vrai) le moment opportun pour risquer une loi, c'est le moment où, acceptée d'avance par la majorité, elle n'est déjà plus nécessaire que contre la minorité.

574. Les distinctions d'un for intérieur et d'un for extérieur, d'une société spirituelle et d'une société temporelle, ne sont que des manières d'exprimer l'imperfection d'une société unique, tendant à mettre en harmonie tous ses éléments.-Y parviendra-t-elle? Verrat-on luire une ère meilleure, où les nations, adoptant de plus en plus un droit uniforme révélé par la science, deviendront, au moins de cette manière, une seule nation1? où les esprits, entièrement éclairés sur l'i

1 C'est là peut-être ce que pensaient instinctivement les poètes qui ont parlé de l'âge d'or, et les philosophes qui ont rêvé un état anté-social. - Les premiers fils d'Adam ne formaient qu'une société; le fractionnement de leurs descendants en nations diverses a été une décadence. On peut, à ce point de vue, regretter l'unité primitive dans le passé, et se demander s'il est possible de la reconstituer dans l'avenir.

dentification de l'utile dans le juste, et des intérêts des particuliers dans ceux de l'espèce, verront si nettement les conséquences du mal moral qu'ils reculeront devant elles, et les conséquences du bien moral qu'ils ne résisteront plus à leur séduction?... C'est le secret d'un lointain avenir!

Mais si la perfection est bien difficile à espérer, gardons, à tout événement, la foi qui mène, sinon à elle, du moins vers elle! Croyons au type commun dans lequel doivent s'absorber le droit positif, le droit naturel et la morale!

Comment un être intelligent peut-il dire : JE CROIS EN UN SEUL DIEU, sans ajouter: JE CROIS EN UNE SEULE LOI, VOLONTÉ UNIQUE D'UN SEUL DIEU?

TITRE IV.

CONCILIATION PRATIQUE DES DIFFÉRENCES ACCIDENTELLES ET TRANSITOIRES QUI DISTINGUENT LES OBJETS DU DROIT POSITIF, DU DROIT NATUREL ET DE LA MORALE.

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575. Confiance due par l'homme de bien au législateur.

576. Existence cependant du droit au libre examen.-Embarras de l'homme de bien en présence d'un conflit entre le droit positif et la morale. 577. Conduite du législateur, en présence de ce conflit.

578. Conduite des fonctionnaires de l'ordre exécutif ou judiciaire, en présence de ce conflit.

579. Conduite de l'homme privé, en

présence de ce conflit.-Distinction de quatre cas différents.

580. Conduite de l'homme privé, dans les deux premiers cas.

581. Conduite de l'homme privé, dans les troisième et quatrième cas.

582. Idée heureuse des législateurs qui créent des cours exceptionnelles d'équité.

575. Bien qu'au gré de notre impatience scienti

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