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< HOMMES, VIVANT DANS UN ÉTAT OU DANS UNE SOCIÉTÉ < CIVILE, SONT SOUMIS; DE TELLE MANIÈRE QU'ils puis‹ SENT, EN CAS DE BESOIN, ÊTRE CONTRAINTS A LES OB<< SERVER PAR L'APPLICATION DE LA FORCE.... PAR LA < VOLONTÉ COmmune des membres de l'uNION 1.... PAR • LA POSSIBILITé d'une coercition extérieure, EXERCÉE « par l'état2. «Zachariæ dit plus brièvement : « C'est « L'ENSEMBLE DES LOIS A L'OBSERVATION DESQUELLES IL < EST PERMIS D'ASTREINDRE L'HOMME PAR UNE COERCI« TION EXTÉRIEURE OU PHYSIQUE. » Enfin, en moins de mots encore: « LE DROIT EST INSÉPARABLE DE L'IDÉE ◄ DE PUISSANCE, INSEPARABLE (comme dit Kant) DE LA « FACULTÉ DE CONTRAINDRE 3

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Et c'est par ce caractère que le droit se distingue 1o de la morale; 2o du conseil; 3o des principes dont l'observation serait recommandée par des considérations de prudence; et enfin 4o de tout usage non obligatoire. »

Quant au mot morale, dans son sens étymologique (mores, habitudes), il indiquerait une soumission naturelle à des penchants. Mais on l'emploie pour désigner une direction de la liberté, luttant plus ou moins péniblement contre certains de ces penchants.

Cette direction comprend l'ensemble des devoirs et des droits non sanctionnés par le pouvoir social.

403. En ce qui touche la distinction des assujétis

Falck, Cours d'introduction, introduction, S 2.

• Id., ibid., § 22.

* Ortolan, Introduction philosophique au cours de législation pénale comparée, § 159,- Kant, Principes métaphysiques du droit.

4 Falck, Cours d'introduction, introduction, S 6.

sements imposés par la direction sociale et des assujétissements imposés par la direction individuelle, adoptons les expressions obligations et devoirs proprements dits.

Évitons de mettre, à leur place, les mots obligations parfaites et obligations imparfaites. Ils nuiraient au fond de la pensée, par une forme obscure et contradictoire. En effet, cherchons à deviner. Qu'est-ce que l'obligation imparfaite? Probablement celle dont se contente le droit positif imparfait?... Et l'obligation parfaite? Probablement celle que réclame un droit se prétendant plus parfait que le droit positif?... -Eh bien non! C'est précisément l'inverse. On appelle obligation imparfaite celle dont le degré de pureté est supposé plus parfait; on appelle obligation parfaite celle dont le degré de pureté est supposé imparfait. Pourquoi? Parce que, par ellipse, on rattache à l'obligation le qualificatif de la sanction. L'obligation parfaite est celle dont la sanction est double, donc plus parfaite; l'obligation imparfaite est celle dont la sanction est simple, donc moins parfaite.

Préférons, encore une fois, les expressions obligations et devoirs proprement dits, qui ne contiennent pas ces énigmes.

404. Nous conserverons les deux mots consacrés, droit positif et droit naturel, pour indiquer les subdivisions du droit.

--

405. Du choix des expressions, passons à l'examen des idées. La notion de dualité de directions, que paraît contenir l'antithèse des mots droit et morale, représente-t-elle ou non une vérité approuvée

par la raison? Faut-il admettre la direction sociale et la direction individuelle? ou n'admettre que la direction sociale? ou n'admettre que la direction individuelle?

A ces questions, nécessairement préjudicielles à toute science du devoir, voici venir des réponses différentes, préjudicielles elles-mêmes, au gré de quatre systèmes qu'on peut formuler ainsi :

1er SYSTÈME. Croyance à la légitimité d'un état antésocial heureux. Négation de l'utilité et de la légitimité de l'état social.

-

2o SYSTÈME. Croyance à l'existence d'un état antésocial malheureux.

de l'état social.

Affirmation de l'utilité

3 SYSTÈME. Négation de l'existence d'un état anté-social.-Affirmation de la destination de l'homme

à l'état social.

social.

Affirmation de la destination de la société à diriger l'homme tout entier. 4 SYSTÈME. Négation de l'existence d'un état antéAffirmation de la destination de l'homme à l'état social. - Négation, au moins provisoire, de la destination de la société à diriger l'homme tout entier.

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406. 1er SYSTÈME.- Croyance à la légitimité d'un état anté-social heureux. Négation de l'utilité et de la légitimité de l'état social. On a vu l'imagination se laisser prendre à la supposition d'un état anté-social, plus heureux que l'état social. Il a existé, a-t-on dit, un âge primitif. Alors les hommes vivaient sans gouvernement, soumis tout au plus au pouvoirpro

tecteur de la famille, et seulement dans les premières années de leur vie, jusqu'au moment où ils pouvaient pourvoir, par leurs propres forces, à leurs besoins.

Pour les partisans de ce système, l'état naturel de l'homme est la solitude. La société n'a été qu'un accident funeste. Cet accident, comment est-il arrivé? Par le résultat de la force, ou par celui de l'erreur. Tantôt, soit par l'usurpation violente, soit par la fraude habile, certains ambitieux ont soumis à leur domination le vulgaire subjugué ou séduit. Tantôt l'erreur des hommes, espérant trouver le mieux dans une réunion imprudente, a produit des conventions spontanées : conventions irréfléchies, soit entre un peuple docile et un despote investi d'une autorité suprême; soit entre un peuple mieux avisé et un chef constitutionnel accepté à certaines conditions; soit entre les membres d'une nation, souverains individuels stipulant entre eux, par le contrat social, les conditions de leur réunion dans un but commun.

407. 2e SYSTÈME. Croyance à l'existence d'un état anté-social malheureux. - Affirmation de l'utilité de l'état social. — Les partisans de ce deuxième système, comme les partisans du premier, croient qu'il a existé un état anté-social; mais, à leur avis, cet état était fort malheureux. Ils répondent par des faits aux hypothèses. L'observation a interrogé les voyageurs qui ont visité les tribus sauvages, dont l'état se rapproche le plus de celui des hommes isolés tels que les suppose la fiction de l'âge d'or. Et les voyageurs, presque unanimes, lui ont affirmé que, dans l'état social, la condition des classes les plus misérables est cent

fois préférable à la dépravation de ces habitants de la terre de Van-Diémen ou de la Nouvelle-Calédonie, << s'égorgeant, sur les restes pourris d'une baleine, << pour s'en disputer les lambeaux1.»-« Les philo<< sophes, dit Lapeyrouse, se récrieront en vain. Ils << font leurs livres au coin du feu, et je voyage depuis trente ans..... Il est impossible de pénétrer <«< dans les bois que l'homme civilisé n'a point éla«< gués; de traverser les plaines remplies de pierres, « de rochers, et inondées de marais impraticables; « de faire société avec l'homme de la nature, parce

qu'il est barbare, méchant et fourbe 2. » Ajoutons, avec Bentham, que, dans la supposition d'un état antésocial, l'homme serait au-dessous des animaux. « Il

n'y aurait, dit cet auteur, pas plus de sécurité pour << l'homme que pour la brute : et l'homme aurait, de «< plus que la brute, la prévoyance du mal et le sen«<<timent de l'insécurité. »

Béni soit donc l'accident heureux qui a créé la société! s'écrient les partisans du second système. Cet accident a été le seul remède efficace contre un état naturel de guerre et d'extermination.....-Mais que parlons-nous d'accident? ajoutent-ils aussitôt. En présence de la nécessité de ce remède, pourquoi supposer, pour l'appliquer, une convention ou toute autre cause occasionnelle? Cela est bien superflu. Suivant Bentham, « fonder la société sur de pareilles

• Comte, Traité de législation, liv. IV, chap. ix.

* Id., ibid.

Les éloges que Mungo-Park a donnés au caractère des nègres de l'Afrique, sont contredits par la plupart des voyageurs.

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