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quent à toutes les autres branches de la distinction du bien et du mal. La charité aurait dû l'inspirer. Comme le dit éloquemment l'avocat Élie de Beaumont, dans l'affaire Béresford, la maxime de l'Évangile, « Omnia « quæcumque vultis ut faciant vobis homines, et vos facite illis,» devrait être la règle des rapports mutuels des nations, comme de ceux des individus. Hélas! l'espèce humaine est restée bien longtemps rebelle à cette idée. Ce que, dans les premiers temps de l'existence des hommes, un peuple réservait aux peuples voisins, s'il était plus fort qu'eux, c'était le massacre et l'extermination.

Plus tard, une amélioration s'introduisit : ce fut l'établissement de l'esclavage. On disait à l'ennemi abattu sur le champ de bataille : Je pourrais te tuer; je te laisse la vie, mais je te prends ta liberté. Raisonnement insuffisant au moment précis où on le faisait, puisque, l'ennemi abattu ne pouvant plus nuire, on n'avait plus le droit de le tuer... Raisonnement un peu acceptable toutefois, en ce sens, qu'en rendant la liberté à cet ennemi par un traité, on lui rendait le pouvoir de nuire, parce qu'il y avait peu à espérer, dans ces temps de mœurs farouches, qu'il observerait la foi de ce traité... En dernière analyse, raisonnement qui du moins signalait un progrès commencement d'hésitation dans la pratique de l'homicide!

D'autres progrès plus notables ont eu lieu. Montesquieu dit «< que nous devons au christianisme, dans

1 Saint Matthieu, chap. vII, § 2, vers. 12.

• Esprit des lois, liv. XXIV, chap. III.

« le gouvernement un certain droit politique, et dans « la guerre un certain droit des gens ce qui fait <«< que, parmi nous, la victoire laisse aux peuples <«< vaincus ces grandes choses : la vie, la liberté, les « lois, les biens, et toujours la religion, lorsqu'on ne << s'aveugle pas soi-même. »

770. Un grand nombre de traités ont été faits entre les nations. L'habitude de les respecter est devenue plus fréquente. Ces traités ont constitué le droit international exprès, ou droit international écrit des nations. (On l'appelle aussi droit volontaire, conventionnel, positif, pratique, externe, secondaire, hypothétique, ou arbitraire.) Ce droit, résultant de l'accord formulé des volontés des nations, est aussi respectable que celui qui, dans chaque nation, résulte de la promulgation faite par le pouvoir social.

Mais en l'absence même de traités exprès, la civilisation a établi, entre les nations, certaines règles de conduite, soit en paix, soit en guerre, et notamment dans les relations de commerce. Le recueil de ces règles, qui ont puisé leur force dans la longue habitude de leur observation, a constitué le droit international tacite, coutumier, ou non écrit. (On l'appelle aussi droit naturel, primitif, absolu, nécessaire, universel, interne, ou philosophique.) Ce droit a notamment pour objet, « les prérogatives des ambassa<< deurs1, les conséquences juridiques des conquêtes 2,

1 Merlin, Rép. v° ministre public, sect. v.

2 Merlin, Rép. v° hypothèque, sect. II, § 3, art. 6, no 4, questions 3 et 4. (L'auteur y traite de l'influence de la conquête sur l'efficacité des titres

« la force obligatoire des traités politiques', la juri<< diction des consuls commerciaux 2, les fonctions des « agents diplomatiques considérés comme officiers de « l'état civil. >>

Ces usages maintiennent, en temps de paix, le respect mutuel de la dignité des nations. Ils ôtent aux exigences de la guerre, en les restreignant dans certaines limites, le caractère d'une lutte d'extermination.

Ainsi, suivant l'expression de Montesquieu, les nations se font << dans la paix le plus de bien, et dans la << guerre le moins de mal qu'il est possible, sans nuire « à leurs véritables intérêts *. » Celles qui violeraient ces usages déshonoreraient leur nom; elles seraient mises au ban de la civilisation. Quel chef de peuple voudrait prendre aujourd'hui pour modèle le prince de Machiavel?

Toutefois, il y a encore des esprits qui restent incrédules à l'espoir d'un perfectionnement bien notable du droit international. « Ce droit, dit Falck", a été, << de tout temps, une pure théorie, dans laquelle les

authentiques et des jugements émanés des autorités d'un pays conquis.) —Merlin, vo Loi, § 6, no 9. (L'auteur y parle de l'influence de la conquête sur l'autorité des lois.) Vo Réunion, § 1; vo Souveraineté, § 8.

1 Les juges doivent-ils appliquer d'office et l'instar des lois les dispositions des traités politiques? Voy. Merlin, Rép. vo Jugements, § 7 bis.

Ces traités perdent-ils, par le seul effet d'une guerre, leur force obligatoire pour le juge? Voy. Merlin, Rép. v° Succession, sect. I, § 2; art. 4, no 2, Civ. cass. 15 juillet 1814; Sir., xI. 1, 301, et décret du 20 déc. 1810.

2 Merlin, Rép., vo Consuls des marchands, § 2.

3 Id., Rép., vo Etat civil, § 2, sur les art. 47 et 48 du Code civil. Esprit des lois, I, 3.

5 Cours d'introduction, chap. 1, § 45.

Voir, sur l'Histoire du droit international, quelques renseignements dans Eschbach (Cours d'introduction, partie I, chap. II, section 2, § 3).

SCIENCE DU DEVOIR.

« États les plus faibles croyaient trouver une protec<«<tion contre les plus puissants, plutôt qu'une doctrine <«< reconnue dans la pratique. Ce n'est pas seulement «< dans ces derniers temps qu'on a vu les règles qui << devaient valoir comme droit des gens, mises de côté «< quand elles n'étaient pas d'accord avec l'intérêt des «< États. Au contraire, toute l'histoire nous enseigne << que la force physique, au service d'une politique « égoïste, ne trouve ordinairement qu'un frein insuf«<< fisant dans l'usage établi et dans la morale. »

771. Nous ne sommes point aussi pessimiste. Nous croyons que les relations entre les peuples seront dirigées de plus en plus par la charité, et que leurs intérêts s'identifieront de plus en plus. - Nous croyons même, avec Eschbach', « qu'un jour peut-être, tous les États « de l'Europe se fédéraliseront, pour se garantir mu<< tuellement leurs droits. » Avec Ahrens 2, nous affir<< mons que « l'idée d'une telle confédération ne peut <«<< plus être considérée comme chimérique. » Bien plus, avec le même auteur, nous disons que « l'idée << d'une association de toute l'humanité (qui certes est <<< encore bien éloignée), ne peut être considérée non «< plus comme une chimère 3. >>

3

Si ce résultat arrivait dans la suite des temps, alors s'effacerait la division quadripartite expliquée dans ce titre.

↑ Cours d'introduction, partie I, chap. 11, sect. 2, § 3.

Cours de droit naturel (Philosophie du droit, partie générale, chap. II,

S 11).

" Id., ibid.

L'auteur cite les ouvrages qui se sont occupés des pensées de confédération européenne ou universelle.

A la place d'un droit national, d'un droit des gens, d'un droit international fédéral et d'un droit international proprement dit, il n'y aurait plus, sur notre globe, qu'un DROIT DÉTERMINATEUR UNIVERSEL.

TITRE III.

GRANDES DIVISIONS DU DROIT SANCTIONNATEUR :

DROIT SANCTIONNATEUR DU DROIT NATIONAL, DU DROIT DES GENS, DU DROIT INTERNATIONAL fédéral, du drOIT INTERNATIONAL PROPREMENT dit.

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772. D'après ce que nous avons dit au no 752, toute disposition de DROIT DÉTERMINATEUR doit trouver à côté de lui, comme complément, la sanction destinée à le faire respecter (à moins que le législateur n'ait oublié cette sanction, ou n'ait jugé provisoirement opportun de la passer sous silence).

En conséquence, la division des quatre branches du DROIT DÉTERMINATEUR doit se représenter dans le DROIT SANCTIONNATEUR. - Sur le droit national, le droit des gens, le droit international fédéral, le droit international proprement dit, DÉTERMINATEURS, doit se calquer un DROIT SANCTIONNATEUR du droit national, du

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