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C'est surtout aux cas laissés douteux, par l'ambiguité des textes législatifs, que le droit coutumier s'applique utilement 1.

Et il fait respecter, comme vérité, l'erreur elle-même qu'il consacre : « Quod non ratione introductum est, «sed more primum, deinde consuetudine obtentum « est, in aliis similibus obtinet2. »

793. Le pouvoir exécutif est chargé de faire connaître les lois écrites, et de faire exécuter les lois, soit écrites, soit non écrites.

De faire connaître les lois écrites: En d'autres termes, de les promulguer et de les publier, si elles ne sont pas publiées de fait par le vote au forum.-Qui ne voit la justice et la nécessité de cette condition externe d'existence de la loi? Quel tyran serait assez absurde pour réclamer l'obéissance à une règle, quand cette règle serait inconnue de ceux qui doivent la suivre ?

De faire exécuter les lois, soit écrites, soit non écrites: En employant un grand nombre d'agents, qui composent ce que l'on appelle la force publique.

794. Le pouvoir judiciaire est chargé de recevoir la preuve des faits donnant lieu à l'application des lois, et d'interpréter le sens de ces lois.

De recevoir la preuve des faits : La passion ou la

1

<< Imperator noster Severus rescripsit in ambiguitatibus quæ ex legibus

• proficiscuntur, consuetudinem, aut rerum perpetuo similiter judica

<< tarum auctoritatem, vim legis obtinere debere. »

(CALLISTRAT., fr. 38, Dig., De legibus, lib. I, tit. II.)

2 Celsus, fr. 39, Dig., eodem.

Sur les avantages et les inconvénients de la loi et de la coutume (comparées entre elles), voyez Roussel, Encyclopédie du droit, partie I, section 1, chap. II.

mauvaise foi élèvent de nombreuses contestations sur l'existence ou la non-existence de tels ou tels faits, donnant lieu à l'application des lois.-Le pouvoir judiciaire statue sur ces contestations.

D'interpréter le sens des lois : Plût à Dieu que les textes législatifs fussent tellement clairs «< que chaque « partie pût être elle-même son juge, avant que d'en<< treprendre ou de soutenir une contestation'!» Mais ce vœu n'est point réalisé 2. On ne voit guère de lois dont la rédaction ne soit incomplète ou obscure, et n'ait besoin d'une interprétation. - Le pouvoir judiciaire a mission de donner cette interprétation : « Il «<est, dit Montesquieu, la bouche qui prononce les << paroles de la loi. »

795. La distinction de ces trois modes d'action du pouvoir constitué est un résultat de la nature des choses. Faire la loi, la faire exécuter, en déclarer le sens et l'application aux faits, 'ce sont là trois opérations qui seront toujours distinctes.

Les critiques que nous avons lues contre cette division tripartite du pouvoir constitué3, se résument à peu près dans ces trois objections :

1гe OBJECTION : Le pouvoir judiciaire contribue à l'exécution des lois : donc il s'absorbe dans le pouvoir exécutif.

RÉPONSE: Il est si peu vrai que le pouvoir d'inter

1 D guesseau.

2 Comp. Bentham, Vue générale d'un corps complet de législation. * Voir notamment Falck, Cours d'introduction à l'étude du droit, chap. 1, $40. Voir aussi la note ajoutée, par appendice, à la fin du volume, dans la traduction de cet auteur par M. Pellat.

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préter s'absorbe dans le pouvoir d'exécuter, que le pouvoir exécutif demandera au pouvoir judiciaire telles ou telles décisions, qu'il devra faire exécuter.

2o OBJECTION: Les trois pouvoirs ne peuvent pas être nettement divisés, puisque les fonctionnaires de l'un de ces pouvoirs sont souvent, dans le mécanisme des constitutions, nommés par les fonctionnaires de quelque autre de ces pouvoirs.

RÉPONSE: Si cela est un vice, il faut le réformer.-Si c'est une nécessité de la nature des choses, il faut la subir. Mais, après tout, qu'importe? De ce que l'un des pouvoirs peut parfois contribuer à la désignation des agents d'un autre pouvoir, s'ensuit-il que ces agents, une fois nommés, n'aient pas une mission spéciale, indépendante de la volonté, et différente de la mission de celui qui les a choisis?

Le moindre juge de paix, nommé par le chef de l'Etat, ne rend-il pas des décisions devant lesquelles le chef de l'Etat doit s'incliner?

3e OBJECTION: Les trois pouvoirs ne sont pas nettement divisés, puisque souvent le même individu participe à tous les trois, ou à deux d'entre eux.

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par

RÉPONSE: Par cette objection, on joue sur le mot divisés. Dans le gouvernement de la famille le père, les pouvoirs ne sont pas divisés, en ce sens qu'ils sont tous en sa personne. Dans le gouvernement de la tribu, les chefs de famille, réunis en conseil, peuvent être à la fois législateurs, administrateurs et juges. - Dans les constitutions d'un mécanisme plus savant, le chef du pouvoir exécutif peut, à tort ou à raison, avoir une part du pouvoir législatif,

soit en faisant les traités (qui sont des lois entre les nations), soit en faisant, sous le nom d'ordonnances ou de décrets, des lois de second ordre, des lois réglementaires pour l'exécution des lois proprement dites.

Mais de ce que plusieurs magistratures peuvent être confiées au même homme, doué d'éminentes facultés et placé dans une position élevée exceptionnelle, s'ensuit-il que ces magistratures, réunies dans ses mains, ne restent pas divisées quant à leur nature? qu'elles ne continuent pas à réaliser des modes divers d'action gouvernementale?

Maintenons donc la distinction des trois pouvoirs; gardons-nous d'en rien retrancher.

796. Le droit constitutionnel, ou politique, est le droit qui règle le rapport d'autorité et d'obéissance dans l'Etat, en d'autres termes, l'organisation du pouvoir constitué (et parfois du pouvoir constituant régulier dont nous avons parlé).

Le monument principal de ce droit prend le nom de constitution. L'expression est bien choisie; c'est vraiment par la création d'un pouvoir social qu'une nation constitue son existence.

La constitution établit la liste des conditions d'admission à l'exercice de la puissance publique, et détermine les moyens d'action de cette puissance.

Elle appelle au pouvoir législatif un empereur, un roi, un président, des électeurs, des éligibles, des députés, des sénateurs, des conseillers d'Etat. Elle confie le pouvoir exécutif à un chef de l'Etat, représenté par de nombreux agents, ministres, préfets, maires, conseillers municipaux, soldats, gardes nationaux. Elle

remet le pouvoir judiciaire à des magistrats et à des jurés, au gré d'un grand nombre de distinctions sur la juridiction et la compétence.

797. L'histoire nous montre bien des constitutions différentes. Les diverses formes de ces constitutions peuvent être bonnes, dans leurs applications diverses, suivant les temps et les lieux. On peut classer ces formes sous ces dénominations principales: monarchie, aristocratie, démocratie; c'est-à-dire : gouvernement d'un seul, ou du petit nombre, ou du grand nombre. 798. La monarchie se subdivise elle-même en diverses espèces. Le despotisme, ou puissance absolue d'un seul homme; une royauté limitée par des Etats généraux, réunis de temps à autre, d'une manière intermittente; une royauté combattue par les prérogatives des parlements; une royauté en présence d'une assemblée unique; ou en présence de deux assemblées.... Voilà, dans un même genre, des espèces fort différentes, qu'on voit apparaître aux diverses époques de notre histoire, et de l'histoire des autres peuples.

Des subdivisions analogues se rencontrent dans l'aristocratie. Elle devient oligarchie, quand le pouvoir se concentre dans un très petit nombre d'hommes. Ces subdivisions se rencontrent aussi dans la démocratie. Celle-ci aboutit à l'anarchie, quand le pouvoir est dispersé dans trop de mains.

799. Mais que << la force générale soit placée dans <<< les mains d'un seul ou de plusieurs 1», la mission de

1 Montesquieu, Esprit des lois, liv. II, chap. xxxv.

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