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cats, la force cruels, la beauté lâches, les voyages diffimulez, la vieilleffe deffians,& la folitude fauuages: Mais la mort eft vn miroir qui ne flate point: & qui represente fi bien noftre vie, qu'on n'en peut voir ailleurs, ny les defauts, ny les auantages.

C'eft pour cette raison que faint Ambroise dit, que nous ne deuons pas laiffer perdre vne belle occafion de mourir, lors qu'elle nous eft offerte, pource que nous auons affez vefcu, & que nous mourons toufiours vieux quand nous mourons fages. Saint Augustin fur le mefme fondement de fon Maistre, ne trouuoit pas que la mort duft eftre estimée mauuaife de celuy de qui la vie auoit efté jufte, puis que rien ne faifoit la mauuaife mort que ce qui auoit accouftumé de la fuiure? & Lipfe dans fes Epiftres nous le fait voir affez clairement, quand il nous montre qu'elle ne paffe pour vn mal, que dans les efprits qui n'ont mis iamais le bien en vlage. Il ne nous importe pas de mourit tost, pourueu que nous puiffions bien mourir, dit Seneque, & nous ne deuons point nous mettre en peine par quel chemin nous arriuons à la mort, pourueu que celuy-cy nous couduise à celuy là de la gloire. Comme toute cette vie n'eft qu'vne farce, il ne faut pas regarder combien elle dure,puis que fa beauté ne confifte pas dans fa durée, il faut feulement vous efforcer d'y reprefenter vôtre perfonnage le mieux qu'il vous eft poflible.

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& ne fe point foucier dans quelle Scene vous acheuez voftre rolle, pourueu que vous le finiffiez bien. Si le Ciel, ou vostre malheur, vous y font jouer celuy de patient, vous eftes mefme couronné dés cette vie, comme les victimes qu'on chargeoit autrefois de fleurs lors qu'on les conduifoit à l'Autel;& vous auez au moins cette confolation fecrete, qu'il vaut mieux fouffrir le mal, que le faire; que la cruauté ne peut eftre iamais fi belle que la conftance, & qu'il eft plus glorieux d'eftre le martyr, que le bourreau. Ceux qui méprifent cette vie, dit S. Chrifoftome, ont defia fait la moitié du chemin de l'autre : Mais il eft bien malaisé,fi nous en croyons S. Cyprian, que ces pareffeux opiniaftres qui la quittent moins par vne refignation volontaire, que par vne neceffité abfolue, reçoiuent des recompenfes de celuy qu'ils vont voir que quand la force les y trailne.

que

Puis donc la mort eft indifferente d'elle-mefme, & qu'elle eft quelquefois à fouhaiter, il faut la receuoir auec autant de ioye, que fi on auoit découuert vn tresor, pour vfer des termes de Iob, & s'y preparer de bonne heure,comme vn moment d'où dépend noftre eternité. Platon mettoit au nombre des excellens Pilofophes, ceux dont elle entretenoit les mediations & les penfées; & pour montrer l'importance de cette eftude, c'eft que de la mort il n'y a point de.

retour à la vie; qu'on ne peut mourir qu'vne feule fois; qu'on peut dire d'elle, ce qu'vn Romain difoit de la guerre, où l'on ne pouuoit faire qu'vne faute; & qu'enfin ce doit eftre tout ensemble noftre apprentiffage & noftre chef-d'œuure.

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CHAPITRE IV.

Ous viuons dans vn temps où ceux qui commencent à peine à marcher, commencent à difcourir des matieres les plus difficiles Chez eux les Sciences femblent eftre infuses; ou s'ils ne les ont pas comme Adam par vn priuilege de Nature, ils les ont au moins comme Salomon, par vne grace particuliere. Iamais les belles connoiffances n'ont moins coufté qu'elles couftent; on diroit qu'on les reçoit toutes auec la vie, & que ce n'eft aujourd'huy qu'vne mesme chose que de faire vn enfant, & vn Philofophe

Autrefois il falloit deuenir vieux,fi l'ón vou~ loit deuenit fçauant. L'erreur ne nous abandonnoit qu'apres vne longue fuite d'experiences; & comme nous ne les achetions quepar la perte de nos années, il fe trouuoit auffi que nous ne railonnions iamais bien de toutes les chofes de ce monde, que quand nous eftions prefts d'entrer en l'autre. Mais maintenant chacun eft & fon disciple & fon maiftre; comme le fens commun eft auffi bien originaire de France, que d'Italie ou de Grece, on ne veut point que la doctrine foit vn ouurage du temps, & tous prefque croyent pouuoir faire dans vne des faifons de leur vie, ce qu'on ne faifoit iadis que dans tout vn fie. cle. Cette opinion n'a pas feulement corrompu les ftupides & les foibles, elle a gagné iufques aux plus delicats; & fi l'on s'en rapporte aux vns & aux autres, les Vniuerfitez ne feront plus que des places à confifquer, où l'on n'entend parler que de quelques ver tus fauuages,par des beftes appriuoifées. Cette ignorance en a fait naiftre vne autre auffi dangeureufe: On a crû depuis que toutes les Efcoles, celle du monde en eftoit la plus agreable & la plus belle, & qu'à force de dire les mauuaifes chofes, on pourroit trouuer l'art de dire les bonnes. C'est pour cette raifon que la plufpart fe font vne telle habitude de parler,qu'ils confondent bien fouuent iufques à la patience de leurs amis & de leurs. valets: Leurs moindres questions peuuent:

paffer pour des Sermons & des Harangues; & s'ils ceffent de difcourir, c'eft quand ils boiuent, ou quand ils dorment, & leur fommeil eft bien profond, s'ils n'ont encore quelque chofe à dire.

On en voit d'vne autre espece qui ne par lent pas pour apprendre,mais qui ne parlent que de ce qu'ils fçauent; ils font quelquefois capables de laffer les fourds, & de nous donner la migraine, à force de nous donner des preceptes. Vn fimple incident luy fournira de matiere pour le récit d'vne longue histoire: Pour alleguer vn paffage, ils debiteront vn Liure entier, ils citent autant d'Autheurs qu'ils difent de mots, & rapportent autant d'opinions, qu'ils ont de difficultez à resou dre. S'ils ont efté pouffez dans les armes par inclination ou par intereft, ils ne vous entretiennent que de Campemens, que de Sieges, que d'Affauts, que de Combats & de Batailles, ils ne rencontrent point d'eminence fur laquelle ils ne faffent quelque fortification imaginaire; toutes les places des Païs-bas ne font point confiderables en comparaison de celles qu'ils ont dans leurs teftes; & comme ils fe font de tous employs, ils fçauent auffic heureusement planter le picquet, que porter l'efpée. Quelques autres ont leurs Genealo gies, leurs procés, ou leurs voyages conter; ils ne peuuent ny se taire, ny finir ce qu'ils commencent; on a moins de peine à fouffrir vne fciatique, qu'à les entendre; &

à ra

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