me on confultoit anciennement fes Oracles; & leur donne plus de fa foy, que nous ne donnons de noftre creance à ceux qui font nos Almanachs, ou qui tirent nos Horoscopes. Lors qu'il eft malade iufques à n'auoir plus que la penfée libre, & qu'il ne s'attend de fortir du lit que pour eftre mis dans le tombeau, il fe repentira pluftoft d'auoir trauaillé le Samedy apres difner, que d'vne vsure ou d'vn facrilege : Toutes les vifions ont leurs interpretations & leurs prefages; & quand l'iffue n'a pas refpondu à fon commentaire, il accommode fon commentaire à l'iffuë. Il a de la deuotion pour tous les lieux fombres, & pour toutes les murailles peintes, mais elle eft charnelle: Il ne prend fon confeil que des vieilles & des eftoilles: Il n'eft preferué que par des enchantemens de nuit, & n'a que des charmes pour toutes fortes de medecines. Il vfe des caracteres de Paracelle pour le mal des dents : vn billet attaché au col eft fon affeurance & fon antidote. Ce qui n'arriue pas tous les iours, eft à fon aduis au deffus de la nature; & fon efprit eft fi credule & fi facile, qu'il porteroit Les offrandes iufques à la Mecque, s'il entendoit qu'elle fe fut fignalée depuis peu, par quelque miracle. En quelque lieu qu'il éuite le moindre danger, il y laiffe des mar ques d'vn reffentiment aueugle: Il croit que la fortune a fait des chemins qui font pour luy trop perilleux ou trop libres: 11 forge des

fantômes où ce nom mefme n'eft pas connu; il fe fait vn efprit de la plus foible lumiere, & du moindre bruit, vne chaifne. Il ne laiffe jamais la croix à main gauche; d'vn feul euenement il en tire des principes & des regles à fon vifage: son opiniaftreté dure plus que fa vie ; & pourueu qu'il s'acquite de fon deuoir, il n'en confidere ny les conditions, ny les circonstances: Enfin quand Dieu mefme, entre tous les feruiteurs, l'auroit choifi pour eftre le difpenfateurs de fes loix, il n'en trouueroit point de plus religieux ny de plus fidele: Mais à bien confiderer fa façon de viure, on peut dire affeurément, & auec verité, qu'il en eft le plus mefchant & le plus à craindre.

LE

PROPHANE.

CHAPITRE XIII.

E Superftitieux à toujours des Dieux en grand nombre, & le Prophane n'en peut

conceuoir aucun, fi peut eftre le monde n'eft

fon Paradís,& s'il n'eft luy-mefme fon Dieu. Dans tout ce qui regarde la Religion, fon cœur eft vn morceau de chair morte quine reffent ny les craintes, ny les foins, ny les remords de fa confcience. Par vn vfage long & maudir, il eft deuenu tellement ftupide, qu'il femble auoir perdu tout fentiment, & s'eft fait vue telle habitude de ses crimes, qu'il ne fçauroit plus faire autre chofe. Quoy que le peché foit attaché à noftre nature, & qu'il naiffe auec nous, il s'eft rendu toutefois opiniaftre en luy par certains degrez; il eft deuenu prophane, quelque temps apres impie : 11 pecha d'abord fans repentir, & pe che maintenant fans connoiffance. 11 n'a point d'autre fouuerain que fon appetit; la Raifon eft fa fujette, la Religion la boufonne, le Sens fon écriture, & la regle de fa creance: & quand la pieté luy doit eftre heureufe, il peut tout enfemble la méprifer, & la contrefaire. S'il a fait quelque fouhait inutile, toutes les injures font contre le Deftin, & contre celuy dont il ne veut point releuer: Si quelque fuccez n'a point trompé fon attente, il ne l'attribue qu'à fon bonheur ou à fa prudence: Ses plus beaux facrifices font pour la fortune, & c'est ainsi qu'il trouue beaucoup d'apparence de s'ima giner vn faux Dieu, que de reconnoiftre le veritable. Sa confcience pourroit bien l'entretenir de son infamie, mais il ne la veut point écouter: Il fait autant de defauts,

qu'elle luy donne d'affignations; ou la condamne autant de fois, qu'elle luy demande audiance:Le Nom de Dieu ne fort de fa bouche qu'auec vn blafpheme: S'il fonge en luy, c'eft quand il n'a plus perfonne à reclamer, & que toutes choses luy manquent, & c'est alors auffi qu'il ne fçait pas la maniere de le prier, pource que cette reconnoiffance eft alors feulement fon apprentiffage, & fon chef-d'œuure. Il le querelle quand il confidere que la volupté à des conditions trop dures, & que la douleur eft trop pres iointe au plaifir: Il vomit autant d'injures contre luy, qu'il a de penfées, s'il iuge que fa damnation eternelle ne viendra que de quelques heures qu'il a paffées dans les defbauches, & tirant de fon immuable decret des excufes à fa malice, il veut que l'Autheur de fon eftre le foit auffi de toutes les fautes. La neceffité inéuitable du confeil de Dieu fait fon defefpoir & fa negligence, & c'eft de là qu'il s'empoifonne luy-mefme des meilleures viandes. La probité n'eft entretenue chez luy que pour luy feruir de fujet de rire, il déguile tous les vices, il attaque toutes les vertus, il n'eft vain que des pechez de fa ieuneffe, qu'il rend bien fouuent plus horribles qu'ils ne font, pour le rendre plus honnefte homme, & trouue de la confolation à les raconter, quand il n'eft plus en puiffance de les commettre. Il ne fonge point à la mort Lans impatience & fans horreur, & la craint

beaucoup plus qu'il ne craint l'enfer, pource qu'il eft affeuré de l'vne, & qu'il eft encore en doute de l'autre. S'il frequente les Eglifes, c'eft de mefme forte qu'it frequente les Theatres, horfmis qu'il les vifite auec plus de crainte: Il n'y va que par diuertiffement ou par coûtume, & peus cftre pour y chercher le fommeil, ou pour y trouuer dequoy contenter à loifir & fes yeux, & fes oreilles. Il n'aime que luy- mefme, quoy que le vray bien ne foit pas le fondement ny l'objet de cette amour. Il ne regarde pas qu'elles perfonnes il peut fouler, pourueu qu'il s'éleue: Sa conuerfation n'eft qu'vn ou trage, fa vie n'eft qu'vne licence de crimes: Il eft autant hay de Dieu, qu'il hayt fa crainte, & s'il n'auoit point de corps, il ne feroit point diferent au Diable.

LE

MAL-CONTENT.

CHAPITRE XIV.

L n'eft iamais à ieun, il n'eft iamais faoul, & de tout les temps, il n'en hayt que le prefent quoy que fa bouche foit toufiours