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que iamais de fe perdre quand elle entre prend de la découurir ; Er quoy que Phile mon n'ait efté qu'vn Poëte Comique, & qu'il ait fait fon plaifir d'en donner aux autres, il ne laiffe pourtant pas de condamner ouuertement ceux qui adoroient la Fortune comme vne Diuinité puiffante, lors qu'il eferit que ce n'eft qu'vn accident, par qui tout ce qui arriue à chacun de nous, eft nommé Fortune. Il raille de la mefme forte ceux qui faifoient leur fcience & leur employ des augures & des Sortileges, & fe vante, pour les deferier, qu'il aura des yeux pour celuy qui estudiera de prés ceux qui efternuent, ou qui marchent; qui aura des moyens pour les con fondre, & des mains pour les deftruire. Comme nous allons tous dans vne place publique, que nous parlons, & que nous efternuons, fans y eftre forcez par vne puissance étrangere; ceux qui font dans la ville ne font auffi que ce qui leur a efté confeillé par la nature. Dans la Comedie qui porte le SuperArtiaux pour titre, Menander ne peut s'empefcher de rire de ces religieux obferuateurs de bagatelles, quand il prie les Dieux de faire efclater vifiblement en fa faueur les marqués de leur bonté, quand il dit qu'il a rompu les liens de fon foulier droit en fe chauffant; & qu'il conclud en fuite par fes paroles: Vous lauez certes rompu, apres auoir defia perdu la raifon, pource que la vieilleffe l'auoit mis en eftat de ne plus feruir, & que vous n'eftes

pas affez hardy pour acheter d'autres fouliers, parce que vous eftes trop auate. Ceux qui ne mefnagent leur diuertiffement & leur vie que pour les Theatres, ont toûjours eu quelque raillerie pour ces prefages, & n'ont point encore manqué d'en découutir, & d'en condamner l'impofture. Antiphon n'eut pas plutoft veu qu'vn homme s'affligeoit infini ment pour vne truye qui auoit mangé les pes tits qu'elle auoit fait dans fa maison, & qu'il le faifoit vn malheur horrible de cette aduenture, qu'il luy dit, Qu'elle eftoit pour luy vne matiere de confolation & de joye, puis que dans la faim qui l'auoit preffée, elle n'auoit pas deuoré les enfans propres. Bion n'auoit pas vn fentiment plus aduantageux pour ces Superftitions ridicules, quand il s'efcrioit, Quel prodige fi la fouris qui n'auoit rien à manger; à rongé le fac où tu avois accoustumé de mettre le pain! Si le fac euft mangé la fouris, comme difoit Archefilaus par raillerie, la matiere d'eftonnement cuft efté beaucoup plus grande, & beaucoup plus iuftes. Diogene pour auoir veu quelqu'vn affligé, qu'vn ferpent le fuft approché d'vn pilon à mortier, le confola dés l'heure mefme par galanterie en luy remonftrant qu'il n'auoit pas dequoy s'effonner, qu'il cut efté bien plus furpris fi le pilon fuft allé. droit au ferpent, & qu'en effect l'aduanture eut efté plus merueilleufe, & plus rare. Comme il cut va iour apperçeut cecy efcrit fur

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vne muraille. Hercule enfant inuincible de luè piter demeure dans cette maison, que rien de manuais n'y entre; Le maiftre de la maison y doit-il entrer? reprit incontinent Diogene. C'eft ainfi que la fuperftition a paffé pour vne folie; que le fiecle des Augures a efté nommé celuy des erreurs & qu'on a presque toûjours décrié ces fignes & ces prodiges. 1ls difoient donc, qu'on efternuoit plutoft par couftume & par accident, que par quelque fecret myftere; que ceux qui parloient enfemble s'entretenoient de leurs affaires fans predire aucune autre chofe; que la faim feule auroit contraint la fouris de ronger le fac ou eftoit le pain, fans rien marquer de plus trifte à celuy qui en eftoit le maistre; que ce qui attachoit le foulier s'eftoit ailément rompu, pour eftre vlé defia de vieilleffe,

&

que c'eftoit renoncer à la raifon que de s'en faire pour l'auenir de fafcheufes & de funeftes coniectures. Epicarme, de l'efcole de Pythagoré, fçauant & delicat en ce cette matiere, nous confeille de mefprifer ces curiofitez baffes & vaines, & de craindre celuy qui voit tous les eftres, & qui les conferue. Penfez-vous, s'efcrie Diphile, qui confond par vn merueilleux agrément, la veritable philofophie auec la fable, penfez-vous que la diuinité ne fçache, point diftinguer ny reconnoiftre les morts de qui la vie n'a efté qu'vne longue & honteufe fuite de voluptez & de crimes? Il eft vn œil qui voit tout; il est voe

Luftice redoutable & faincte; & deux chemins font ouuerts fous terre, par où l'on passe dans l'aure monde; I'vn pour les perfonnes qui ont donné toutes leurs inclinations à la vertu, & l'autre pour les fuiuans & pour les ef claues du vice. Ne vous trompez pas, dit-il vn peu apres, le droit d'vn chacun fera conferué dans les enfers, puis que les vns ne fentent paint icy de chaftimes pour leurs fautes: que les autres reftent fans couronne apres auoir trauaillé fi dignement pour la vertu, & que leurs œuures ont efté fans recompenfe. Diphile dit de bone grace qu'il eft va œil qui découurent tout,& parle de la Iuftice diuine, pour porter les hommes au bien par l'horreur d'vne eternité de fuplices, & pour les r'affeurer en mefme temps, quand ils verront qu'ils ne font pas à combattre pour la vertu,& qu'on eft encore à les reconnoiftre. Pindare, pour ne produire ny la fatalité, ny la fortune, inftruit affez les foibles & les ftupides,de la fòrce & de la puiffance de Dieu, lors qu'il dit qu'il peut tirer des tenebres de la plus efpaiffe nuict,la clarté la plus éclatante & la plus pure, & couurir d'obfcurité ce que le iour a de plus vif & de plus brillant dans fa lumiere. Platon, nous fait toucher plus fenfiblement, que Dieu prefide à toutes les chofes, qu'il en eft le maitre, & qu'il en eft encore le gouuerneur & le guide. Si nous rendons à l'antiquité la deference que nous luy deuons, nous en irerons, dit-il, cette haute & fameufe in

Atruction, que Dieu comprend en luy-mefme le principe, la fin, & les moyens de toutes les chofes; que tout ce qu'il fait, le rapporte merueilleulement à la nature; qu'il a les yeux ouuerts fur tous les ouurages; que la iuftice eft fa compagne ou fa fuiuante, & qu'il s'en fert à la honte & à la perte des coupables. Celuy qui veut donc fe rendre heureux, n'a qu'à fe rendre humble, modefte, & iufte. Si quelqu'vn eft enfié de gloire, que l'argent qu'il a dans fes coffres entretienne fa vanité; que la beauté, les honneurs, la fantê, la force, & les charges luy faffent perdre la memoire de fa condition & de fon deuoir, & que les fougues & les faillies de fa ieuneffe le portent aux iniures & aux outrages, comme s'il n'auoit plus befoin ny de Prince by de Gouuerneur, & qu'il deuft eftre luymefme celuy des autres, il eft abandonné de Dieu. Dans cet eftat malheureux il fait montre de toutes ces choses, il éclate, il s'en croit plus grand, il porte par tout le defordre, & l'on le tromperoit mefme à fon aduantage fi on en vouloit iuger par les apparences; mais comme la iuftice qu'il a mefprisée, a des peines pour fon impudence & pour fa fo lie, il deuient enfin fon propre fleau, & celuy de fa maifon, & de fa ville. C'eft par là que Platon nous fait connoiftre que Dieu s'eft referué la conduite de tout le monde, & c'eft par là qu'il nous inftruit de sa patiendu mal quien reuient à ceux qui ne font

ce,

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