Un curieux coin de Picardie population maritime, qui vit là comme dans une île, un peu en dehors du reste du monde civilisé. Aussi, rencontre-t-on, parmi les vieux marins du lieu, de curieux types de loups de mer >>. E hameau pittores | sapins maladifs. Il est habité par une petite que, perdu sur la côte, s'avance à l'extrémité d'une pointe de terre bornée d'un côté par les flots de la Manche, d'un au tre par les syrtes désertes et désolées de la Baie de Somme, et du troisième côté, vers la Mollière, par l'arididité des crocs semés de Les nombreux baigneurs qui viennent passer la saison estivale sur notre côte picarde ont découvert Le Hourdel. Ce village est devenu un but de promenade. Quelques Parisiens, amis de la solitude et, disons-le, recherchant des loyers peu élevés, l'ont choisi pour s'y fixer quelques semaines. Le cer cette pointe progressivement, et les gens du pays assurent que, pendant la durée moyenne d'une vie humaine, la pointe du Hourdel s'avance de trente mètres dans la mer. Ce fait a été scientifiquement constaté. Charles Lenthéric, dans la Revue des Deux-Mondes du 15 Juin 1902, parle d'un autre phénomène non moins curieux.A mesure, dit-il, que la pointe du Hourdel s'avance, celle de Saint Quentin, qui lui fait face sur la rive droite de la baie, recule; de sorte que la distance qui les sépare reste toujours la même. On cite aussi le Hourdel comme étant le point de la côte de Picardie où Harold comme de Kent, frère d'Edith, femme d'Edouard Le Confesseur, fit naufrage en 1530. UN VIEUX MATELOT DU HOURDEL: LE PÈRE BOCQUET On a voulu reconnaître dans le nom de ce hameau le Hornensis locus mentiondans la Notice de l'Empire romain, M. Ernest Prarond fait remarquer avec raison que cette désignation s'attribue plus souvent au Cap Hornu de Saint Valery. Piganiol de la Force dit que Guillaume de Normandie partit du havre du Hourdel pour la conquête de l'Angleterre. Sa flotte s'était abritée en effet, suivant certaines opinions, entre le Cap Hornu de StValery et le Hourdel. (Louandre. Revue des Deux Mondes 1873.) En 1178, le vaisseau qui portait le chancelier d'Angleterre périt à l'entrée du port de St-Valery, c'est-à-dire vers le Hourdel. (Dusevel.){ On dit aussi que trente des navires de Richemond, qui s'était embarqué en Bretagne pour tenter une descente en Angleterre, se perdirent en vue du Hourdel, sur les bancs de Somme. Quoiqu'il en soit de ces questions trop (4) J'ai consigné quelques notes sur ce sujet dans un travail que LA PICARDIE va publier: tumes d'une ville picarde aux XVIIe et XVIIIe siècles. » Pour ces raisons et pour une autre dont nous allons parler, Le Hourdel_ne prit jamais une grande extension. Le Hourdel point stratégique Sa situation, en effet, comme point stratégique, n'était pas sans importance. Henri IV, dit le P. Ignace, ne voulut jamais permettre au duc de Nevers (1) de bâtir une forteresse en cet endroit parce que c'eut été préjudiciable à la ville d'Abbeville, l'une des clés du royaume. Lors des troubles qui suivirent la mort du roi, le maréchal d'Ancre craignant l'arrivée au Hourdel d'une levée d'hommes de guerre pour les princes, venant d'Angleterre et des Pays-Bas, manda aux maïeur et échevins d'Abbeville, de lui fournir trois ou quatre navires avec des soldats et des munitions. L'Echevinage répondit qu'il n'avait ni navires ni soldats à envoyer au Hourdel, ce qui fit mettre l'Italien dans une grande colère, si l'on s'en rapporte à une lettre citée par M. Prarond. (1) Le projet du maréchal d'Ancre reçut une exécution que n'a pas mentionnée l'éminent historien abbevillois. En effet, au mois de décembre de la même année (1615), le Gouverneur de Saint-Valery était avisé que dix cavaliers envoyés par le Gouverneur d'Amiens (le maréchal) étaient au Hourdel pour reconnaître la place afin d'y mettre une garnison de cinq à sir cents hommes de guerre. Le capitaine de Saint-Valery (Cayeux et le Hourdel ressortissaient de son com mandement), envoya un exprès au Maréchal pour lui représenter que le logement de cinq à six cents hommes au Hourdel serait une ruine pour tout le pays environnant. Il le priait, au cas où il persisterait dans son projet, de différer au moins jus qu'à ce qu'il ait eu le temps d'en aviser le duc de Nevers. Concini passa outre et envoya des soldats. On se demande comment ils purent subsister dans un lieu à peu près désert et dans quel endroit ils purent bien loger. Le séjour des soldats du maréchal d'Ancre au Hourdel ne paraît cependant pas faire de doute, car voici la lettre que le duc de Nevers écrivait aux maïeur et échevins de Saint-Valery le 28 du même mois : Chers et bien amez, Nous avons entendu par vos lettres ce quy s'est passé au Hourdel, touchant la garnison que le maréchal d'Ancre y a faict entrer; laquelle, comme estimons, en sera maintenant sortie, comme estant la volonté du Roy. De quoy nous désirons être promptement advertis, aiant asseurance de sa (1) Seigneur de Saint-Valery, Cayeux et Le Hourdel. Majesté que, en cas qu'il en seroit de besoing y en avoir quelqu'une, qu'elle ny sera mise d'autre main que de la nôtre; quy est tout ce que nous vous disons pour ceste fois, priant Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. D'Aubeterre le XVIIIe j. de décembre 1615. D'Infreville, envoyé en 1639 pour visiter les côtes de Picardie, mentionnait le Hourdel comme à peu près inhabité et inhabitable. Maupin, ingénieur du Cardinal, le chevalier de Cherville en 1664, Gobert en 1665, I'Intendant Bignon en 1698, n'en portaient pas un meilleur jugement. |