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1, une trad tion gauloise éminem

it releuse a voulu que, jusqu'à nos jours (où les Grit les Domas ils y ont mis en partie bon ordre), 1 mari a hitre fût toujours ridicule et le séducteur tours Pisant. Mais, si Orgon est ridicule comme Dia un, il rian que à Tartule un point capital (cutre 112 ne le Laliure, impertinence aristocratique du Un et d'autres choses encore pour qu'il ressemble à Clitindi» ; c'est qu'Elnire ait pour lui les sentiments

Angolpe. En vain M. J. Lemaitre nous dit-il : Molière cncis à montré un scélérat si élégant, d'une pâleur si distinguée dans son costume noir, si spicial par Fironic Sacriège qu'il mèle à ses discours, que, si Elmire lui resiste, ce ne peut plas être chez elle dégoût et répunance, et que vraiment, en suppant cette jeune femme un rien curieuse, ct de temperament moins paisible, on aurait presque lieu de trembler pour elle. » Il y a fort à répondre à ce passage: d'abord, que cette distinction de Tartuffe ne se voit guère dans Molière, et que la pâleur distingue du gros acteur du Croisy est un aimable contresens; ensuite, que le poète a bien soin de nous montrer Elmire paisible et peu & curieuse » de perversité morale; --- enfin et surtout, qu'on n'avait pas encore alors brouillé à plaisir tous les sentiments; qu'on n'avait pas songé à conlendre l'amour profane et l'amour de Dieu; que le sacrilège pouvait séduire un « grand seigneur méchant homme » comme Don Juan, mais non une bonne et honnète bourgeoise comme Elmire.

Mais alors Tartuffe, qui parle encore de Dieu au moment où il essaie d'amener Elmire à l'acte le moins

1. L'autour de la Lettre sur l'Impostear, peut-être soufflé par Molière, va même jusqu'à soutenir longuement que l'amour coupable et la séduction recevront de celte pièce un coup terrible, parce que les femmes, après avoir ri de l'amoureux Panulphe, ne pourront plus prendre au sérieux ceux qui leur parleront d'amour.

religieux du monde; Tartuffe, qui veut cumuler les emplois de séducteur et de dévot; Tartuffe est un insigne maladroit, et Molière en a pris trop à son aise avec le personnage ?

Non, certes. Molière aurait pu faire rire de Tartuffe en lui donnant une attitude gauche et ridicule; il ne l'a point voulu; et, si Tartuffe fait rire, c'est uniquement parce qu'il est dans une situation fausse. Tartuffe s'est toujours donné comme un saint homme, et maintenant, épris d'Elmire, incapable de résister à ses vices, il veut la séduire que doit-il faire? déclarer qu'il a voulu tromper tout le monde? c'est un peu ce qu'il fait à la fin de la seconde entrevue, quand il dit qu'il a mis Orgon en état de tout voir sans rien croire. Mais c'est qu'alors il se croit sûr du succès et peut se laisser aller; s'il parlait ainsi plus tôt, il risquerait de rebuter Elmire et de lui inspirer de l'horreur pour un fourbe tel que lui. Doit-il pro

clamer tragiquement qu'il est sincère dans sa piété, qu'il commet un crime en aimant Elmire, mais qu'il se damne avec joie pour elle? Quelque peu religieuse d'air et de maintien que soit Elmire, une pareille déclaration ne paraît pas de nature à l'attirer non plus, et il y a des chances sérieuses pour qu'elle lui réponde: « Damnezvous, soit; je ne tiens pas du tout à me damner avec vous. » De plus, quand Tartuffe aura bien fait le héros romantique et fatal, pourra-t-il reprendre ses momeries? Non, sans doute; or, Tartuffe, qu'on se le rappelle, ne veut lâcher ni Orgon, ni Mariane, qui sont pour lui des sources de profit trop évidentes. Enfin, Tartuffe n'est, à mon sens, ni un pur imposteur, ni un héros romantique faire du vice et de la piété un monstrueux mélange, c'est le fond même du personnage. La fausseté de sa situation résulte de la contradiction même qui est en lui. Et dès lors, Tartuffe ne peut agir que comme il agit. S'il fait rire, c'est d'un rire de bon aloi. Or, il est comique

incontestablement. Il l'est d'abord, parce que son masqi d'honnête dévot ie goue singulièrement pour s'expli pu et qu'imire feint longtemps de ne pas le comprendr Il est ensuite, parce que, toute sa casuistique étant perce à jour par Elmite, plus il s'efforce de la gagner, plus.. l'éloigne et se compromet lui-même. Il l'est enfin, pared que lui, le dupeur de profession, va être trompé par une âme sincère, droite, à qui la fourberie répugne et qui ny a recours qu en désespoir de cause.

Ainsi, Tartuffe serait-il seul avec Elmire, comme il le croit, que sa situation serait déjà comique; mais dans aucune des deux entrevues il n'est seul avec elle. Pendant qu'il cherche à séduire Elmire à l'acte III, nous regardons, en riant d'avance de l'effet qui va être produit. la porte du cabinet où se cache Damis. Damis, il est vrai, ne tirera pas grand profit de son artifice, et Tartuile se relèvera vite de sa déconvenue; mais nous n'en savons rien en ce moment, et nous jouissons déjà d'un éclat qui nous paraît inévitable et sûr. A l'acte IV, nous sommes encore plus certains de l'échec de Tartuffe, puisque Orgon est là sous la table à l'écouter, et rien n'est plus plaisant que d'entendre le maitre fourbe dire avec confiance à la barbe du mari :

Qu'est il besoin pour lui du soin que vous prenez !
C'est un homme, entre nous, à mener par le nez.
De tous nos entretiens il est pour faire gloire,

Et je l'ai mis au point de tout voir sans rien croire.

Rien n'est plus plaisant, dis-je, sinon de le voir s'avancer, l'œil allumé, les bras ouverts, pour embrasser uniquement Orgon.

Il est vrai qu'après les deux scènes avec Elmire, Tartuffe reprend vite l'avantage, qu'il est sinistre et nullement comique quand il fait chasser Damis par son père, ou quand à Orgon, qui l'invite à sortir de sa maison, il répond insolemment :

C'est à vous d'en sortir, vous qui parlez en maître.

Mais, dans le premier cas, Molière nous empêche de nous laisser attrister par Tartuffe en nous faisant rire d'Orgon; dans le second, il s'efforce aussi de nous distraire par les mots de Dorine et l'inconcevable obstination de Mme Pernelle, jusqu'à ce qu'arrive la confusion définitive du traître, où nous rions bien volontiers de lui, où

nous ririons même trop et jusqu'à oublier la leçon sérieuse qui se dégage de l'œuvre, si Cléante ne nous rappelait au sentiment des convenances en y rappelant Orgon :

Ah! mon frère, arrêtez,
Et ne descendez point à des indignités.

Comique par les situations où il est placé, Tartuffe ne peut que l'être aussi par son attitude et par son langage. Là encore, il est pris entre sa nature vicieuse et son rôle religieux; contrairement à ce que dit La Bruyère, il lui est impossible de se débarrasser de son bigotisme quand il le faudrait ; et le voilà obligé de regarder Elmire avec des yeux ardents et pudibonds à la fois; de s'approcher d'elle tout doucement, à mesure qu'elle s'éloigne ; de regarder gravement si les étoffes dont le corps d'Elmire est recouvert sont moelleuses, tandis que c'est à ce corps seul qu'il songe. L'effet plaisant de ses roulements d'yeux équivoques est complété par son langage, fort équivoque aussi. Là où il voudrait parler de sa passion, il parle à plusieurs reprises de son zèle; là où il voudrait crier sa soif de serrer dans ses bras celle qui a ému ses sens, il en est réduit à dire piteusement :

De vous faire aucun mal je n'eus jamais dessein.

S'il s'enhardit et s'il va plus loin, il n'en continue pas moins à porter toute une défroque pieuse et, en partie pour jouer son rôle, en partie par simple habitude, en

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partie, si lon aduet mon interprétation, par un abomin He abus des closes les plus respectables et qu'il croit luimême respecter, il emploie toute une phraséologie taysti que, qu'il transpose, pour ainsi dire, qu'il applique à jo idées nullement mystiques : et l'on voit quel effet piquant et produit par ce mot de béatitude qu'il emploie au wins à deux reprises, par ceux de quiétude et de suavite. par la dévotion qu'il se propose d'avoir pour Elmire, e1 T'autel ou il voudrait bien que son cœur sacrifiât.

On a cité, pour prouver le caractère sérieux de Tartuife, les vers où il fait de l'amour des créatures un échelon por s'élever à l'amour du créateur :

Nos sens facilement peuvent être charmés
Des ouvrages parfaits que le ciel a formés.
Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles ;
Mais il étale en vous ses plus rares merveilles:
Il a sur votre face épauché des beautés

Dont les yeux sont surpris, et les cours transportés,
Et je n'ai pu vous voir, parfaite créature,

Sans admirer en vous l'auteur de la nature,

Et d'une ardente amour sentir mon cœur atteint,
Au plus beau des portraits où lui-même il s'est peint 1.

C'est là, nous dit-on, un sentiment, et ce sont presque des vers lamartiniens! Sans doute; mais, de tout temps, le sublime a touché au grotesque. Là où Lamartine peut légitimement éveiller quelques scrupules, mais enfin excite notre admiration par sa sincérité et par la hauteur de ses vues, Tartuffe nous fait rire par sa duplicité et sa lubricité basse. Lamartine ne cherche qu'à exhaler ses sentiments profonds, et nous nous laissons gagner par eux; Tartuffe ne veut que tromper Elmire, et, comme elle rit de lui, nous en rions plus fort.

Un comique plus subtil et plus délicat que celui qui résulte du vocabulaire de Tartuffe est celui qui découle des

1. Acte III, sc. 11, v. 935-944.

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