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des Femmes a cédé à un milin dior de ve yede lægr a écrit le sermon d'Arnolphe sur le mariage, ont le stad. dale devait être aggravé par la direction d'intention de Tartuffe et les restrictions mentales de Don Juan. Ami du goinfre Chapelle, du pique-assiette d'Assoucy et de la cynique famille des Béjart, il est probable que le comédien poète a gardé de la libre vie du théâtre la facilité morale qui était nécessaire pour peindre sans dégoût la délurée femme de George Dandin, pour plaisanter finement sur les infortunes d'Amphitryon, pour étaler çà et là cette « morale Jubrique » que réchauffaient encore les sons de la musique de Lulli:

Ne songeons qu'à nous divertir,
La grande affaire est le plaisir.

Marié avec une femme coquette et qui ne paraît pas l'avoir jamais aimé, sans cesse occupé, semble-t-il, à se brouiller et à se réconcilier avec elle, il est probable que le mari inquiet a trouvé dans son expérience, dans ses souffrances personnelles de quoi peindre la coquetterie de Célimène et la jalousie d'Alceste ou de Don Pèdre. Enfin, tourmenté par la faiblesse de son estomac et de sa poitrine, obligé parfois de fermer les portes de son théâtre et de se laisser passer pour moribond ou pour mort, n'ayant justement, comme dit Béralde, de la force que pour porter son mal, sans pouvoir porter avec la maladie les malfaisants remèdes que lui offraient d'ignorants médecins, il est probable que ce malade nullement imaginaire a juré de se revancher de son impuissance en discréditant tous les monsieur Purgon et la vaine science dont ils se targuaient, en engageant contre eux la lutte implacable qu'il a soutenue depuis le déguisement burlesque du Sganarelle de Don Juan en médecin jusqu'à la réception plus burlesque encore du docteur Argan et jusqu'aux suprêmes convulsions de Molère lui-même: juro. Mais, si tout cela est probable, peut

être tout cela n'est-il pas certain; et, si même l'on veut que tout cela soit certain, du moins n'en peut-en tirer que des conclusions assez générales, et convient-il de compléter, de corriger ces observations par bien d'autres.

Voyez, en effet, ce que, pour nous en tenir aux premières remarques qui se présentent à l'esprit, il est on ne peut plus facile de répondre à ce que nous venons d'avancer. Molière est le poète ne disons pas le premier poète des bourgeois, soit ; mais n'est-ce pas surtout dans la bourgeoisie, moins absorbée que le bas peuple par la lutte pour l'existence, moins exposée que l'aristocratie à tomber dans des malheurs tragiques, vivant plus que l'une et l'autre de la vie de famille, n'est-ce pas dans la bourgeoisie, dis-je, qu'un moraliste à l'affèt des vices à la fois plaisants et pernicieux pour la famille devait trouver un gibier à sa convenance? Au reste, il était loin de peindre exclusivement la bourgeoisie, celui qui à côté du grand seigneur Don Juan savait faire vivre le pauvre valet Sganarelle, voire, dans toute leur saisissante naïveté, les paysans Pierrot et Charlotte; et il était loin d'avoir un parti pris favorable aux bourgeois, celui qui a choisi pour leur faire exposer tant de nobles ou de fines idées, conformes aux siennes, le Dorante de la Critique, le Clitandre des Femmes savantes, l'Alceste et lé Philinte du Misanthrope. Molière, pendant ses années d'apprentissage et de voyage, a eu à souffrir du clergé et de la dévotion ; mais bien d'autres n'ont pas eu moins à se plaindre, qui sont restés fort religieux ou fort respectueux en apparence de tout pouvoir spirituel; et ne faut-il pas, pour expliquer ses audaces, songer aussi et surtout à sa philosophie naturaliste est vrai que sa philosophie elle-même est en partie faite de son indifférence morale dont no expliquions tout à l'heure les origines; mais il y a autre chose certes dans cette philosophie qu'une morale accommodante, et ce ne sont pas des fréquentations dangereuses, ce ne sont

nous

pas des amours faciles qui ont permis à Molière de créer l'âme si haute d'Alcoste. Est-ce la chaine qui l'attachait à Armande Béjart qui lui a fait sentir ce qu'était la jalousie 2 La jalousie tient une fort grande place dans le théâtre de Molière, et les contemporains Favaient remarqué déjà; mais, si Molière a mis six ou sept fois la jalousie sur la scène depuis son mariage avec Armande, il l'y avait mise six fois auparavant; toutes les formes de ce tourment, mème celles qu'il n'a guère pu éprouver, lui sont également familières; et tantôt il excite notre sympathic pour le jaloux, tantôt il le condamne expressément ou nous le présente comme ridicule. Enfin, dans sa lutte contre la médecine, Molière s'est, pour ainsi dire, démasqué, puisqu'il a fait parler Béralde en son nom; mais n'oublie-t-on pas trop que la médecine, déjà tributaire des satiriques de la scène en France comme en Italie et en Espagne, n'est pas épargnée dans les farces de sa robuste jeunesse ? et, plus tard, même s'il n'avait pas été malade, même si les médecins n'avaient pas eu si beau jeu à lui crier: « Crève, crève: cela t'apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté », aurait-il pu, lui le grand railleur, ne pas s'attaquer à la solennelle nullité des guérisseurs de son temps et à la béate crédulité de leurs victimes?

L'un meurt vide de sang, l'autre plein de séné,

allait dire en un bien joli vers l'ami Despréaux: est-ce que Molière pouvait se taire? et, comme les âmes des héros romains qu'Anchise montre d'avance à Énée dans les enfers, est-ce que l'âme falote de Thomas Diafoirus n'attend it pas quelque part que Molière l'appelât à la vie et à l'immortalité?

III

Trois motifs principaux paraissent avoir enhardi les cri

tiques qui voulaient à tout prix trouver dans les pièces de Molière des souvenirs et des indices de sa vie.

Pourquoi, d'abord, hésiterait-on à chercher Molière dans son œuvre, quand il a pris soin de s'y nommer et de s'y montrer lui-même? Il s'est fait maudire par Argan comme ennemi des médecins et discuter par l'ineffable Lysidas comme auteur d'une comédie impardonnable à bien des titres, et notamment parce qu'on y avait couru de toutes parts!

Mais précisément il ne s'agissait là que de l'auteur, qui eut toujours appartenu à la critique, même s'il n'avait pas eu le bon esprit de s'en déclarer justiciable.

Avec l'auteur, Molière livrait aussi le comédien aux appréciations de ses spectateurs et de ses rivaux: « Je leur abandonne de bon cœur mes ouvrages, ma figure, mes gestes, mes paroles, mon ton de voix et ma façon de réciter, pour en faire et dire tout ce qu'il leur plaira, s'ils en peuvent tirer quelque avantage. Je ne m'oppose point à toutes ces choses, et je serai ravi que cela puisse réjouir le monde. » Réjouir le monde ! N'est-ce pas, en effet, ce qu'il cherchait tout le premier, quand il accusait ses défauts physiques et ceux de ses camarades? La toux du valétudinaire Molière est mise à profit dans l'Avare, et peut-être dans Pourceaugnac; le gros René Duparc s'écrie dans le Dépit amoureus :

Je suis homme fort rond de toutes les manières ;

le boiteux Louis Béjart devient le boiteux médecin des Fonandrès et « ce chien de boiteux » de La Flèche ; quelques comédiennes sont peintes d'un trait dans l'Impromptu, et, chose plus grave, la femme même de Molière, Fenchanteresse Armande, est ce sont les contemporams qui nous l'attestent minutieusement décrite dans

le Bourgeois gentilhomme. Quelles révélations ne peut-on pas attendre de l'homme qui ne craint pas de détailler à

ce point devant le public les beautés de celle qu'il aime et qui porte son nom?

Elle a les yeux petits.

Cola est vrai, elle a les yeux petits; mais elle les a pleins de feux, les plus brillants, les plus perçants du monde, les plus touchants qu'on puisse voir. Elle a la bouche grande. Oui, mais on y voit des graces qu'on ne voit poini aux autres bouches; et cette bouche, en la voyant, inspire des désirs, est la plus attrayante, la plus amoureuse du monde. Pour sa taille, elle n'est pas grande. Non; mais elle est aisée et bien prise. Elle affecte une nonchalance dans son parler, et dans ses actions. Il est vrai; mais elle a grâce à tout cela, et ses manières sont engageantes, ont je ne sais quel charme à s'insinuer dans les cours...

Voilà sans doute qui est piquant. Mais quoi! Mile Molière était actrice, c'était son métier d'être analysée, critiquée. admirée par les spectateurs; el ce portrait, qui nous parait à nous si révélateur, né révélait rien du tout aux conlemporains. Quand Covielle et Cléonte décrivaient ainsi Lucile sous les traits d'Armande, ils ne faisaient que ce qu'ont fait, dans ces dernières années, tant de personnages de théâtre, décrivant celle qu'ils aimaient sous les traits de Mme Réjane ou de Mme Sarah Bernhardt; et quand Molière jouait ses ridicules physiques ou ceux de ses camarades, il agissait comme tant de vaudevillistes ou de faiseurs d'opérettes tirant des effets comiques du nez incommensurable d'Hyacinthe ou de la voix rouilléc de Baron. Tous les dramaturges qui savent, en composant leurs pièces, par qui les divers personnages seront joués, forment ainsi quelque peu ces personnages à l'image et à la ressemblance de leurs interprètes: est-ce à dire qu'il Taille chercher dans l'intrigue et dans le dialogue même des révélations sur la vie des comédiens?

Molière, il est vrai, est allé plus loin, et nous rencontrons ici un texte formel dont on ne peut songer à contester l'importance: « Il s'est joué le premier en plusieurs endroits sur des affaires de sa famille et qui regardaient

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