Il mio core d'un amoroso velo
Ha ricoperto tutti i pensier mei.
(Sonnet de Raphaël. )
Un'anima in due corpi fatta eterna
Ambò levando al cielo e con pari ale.
(Sonnet de Michel-Ange. )
Ainsi que parmi nous un même écho réveille Les grands noms consacrés de Racine et Corneille, Ainsi dans l'Italie un culte universel
Auprès de Michel-Ange a placé Raphaël. Dans la postérité leurs gloires sont unies,
Mais comme leurs destins diffèrent leurs génies; L'art les a séparés, et Dieu, quand ils sont nés, Marqua d'un sceau divers leurs fronts prédestinés.
Doux enfant adoré, Raphaël au nom d'ange Reçut de sa famille un amour sans mélange. Son génie en naissant sous le toit paternel Ne fut pas étouffé comme un don criminel;
On fit éclore en lui l'étincelle de flamme
Qu'il apportait du ciel et couvait dans son ame; Et comme pressentant son sublime avenir, De sa gloire à l'avance on voulut le bénir.
Créature d'amour! par un charme suprême
Il touchait tous les cœurs. On l'aimait comme on aime La fleur qui s'ouvre au ciel et prodigue au hasard A l'ame son parfum, son éclat au regard. Ainsi, nature exquise et suave harmonie, Il avait pour charmer la beauté, le génie; Et Dieu, mêlant en lui de célestes accords, Comme il doua son ame avait doué son corps.
L'orsque l'enfant grandit, quand l'ange devint homme, Son nom fut proclamé par le peuple de Rome, Attiré sur ses pas par un charme inconnu; On allait répétant: « Un dieu nous est venu,
Et par lui l'art chrétien, plus beau que l'art antique, Immortalisera la Rome catholique. »
Tandis qu'on le nommait un envoyé des cieux, A la gloire il marchait modeste, insoucieux; De force et de candeur mystérieux emblême, Génie irrésistible, il s'ignorait lui-même. En voyant son œil calme et son front radieux, On sentait qu'il créait comme créaient les dieux, Sans lutte, sans douleur, sans heures d'amertume; Pour lui la gloire était un encens qui parfume; Et l'art, le caressant comme un fils adoré, L'embrasa de son feu sans l'avoir dévoré.
On eût dit qu'entr'ouvrant ses voiles
Le ciel s'inclinait à sa loi,
Et faisait passer sur ses toiles Les grandes scènes de la foi.
Il vit ce que l'ame devine Quand au monde elle dit adieu :
Il surprit la vierge divine
Tenant dans ses bras l'Enfant-Dieu!
Ces purs tableaux de l'Évangile Si pleins d'innocence et d'amour; Cette crèche, touchant asile Où le Christ a reçu le jour;
Cette demeure de Marie,
Humble et chaste comme son cœur, Où son époux travaille et prie Auprès du berceau du Sauveur;
Cette fuite par Dieu guidée, Ces jours de souffrance et d'exil Où la vierge de la Judée
Conduit son Fils aux bords du Nil;
Toute cette histoire sublime
Où s'instruisit l'humanité,
Sous son pinceau qui la ranime, Ressaisit sa divinité.
Dans sa céleste vie il suit le Dieu fait homme
Jusqu'au jour rédempteur où pour nous se consomme Le drame de la croix; puis il nous montre encor, Dans un dernier tableau de ce divin poème, Le Christ ressuscité qui redevient Dieu même Se transfigurant au Thabor!
Ce fut là son œuvre suprême; L'Homme-Dieu remontant au ciel Était comme un céleste emblême Du dernier jour de Raphaël.
Mais il pouvait mourir, sa tâche était remplie; Les temples, les palais de toute l'Italie, Devaient porter sa gloire à la postérité, Et dans le Vatican ses œuvres colossales
Décorant les lambris des dômes et des salles, En remplissaient l'immensité.
La Bible et l'Évangile inspiraient ses ouvrages; De ces livres sacrés nous déroulant les pages, Il fit dans ses tableaux revivre tour à tour Les apôtres du Christ, les martyrs, les prophètes, Du peuple d'Israël les massacres, les fêtes, Les mystiques scènes d'amour.
L'amour! ce fut parmi les passions humaines La seule qu'il connut. Au milieu de leurs haines, Tandis que ses rivaux s'agitaient, lui vainqueur, Lui qui sans la chercher trouva la renommée, Dérobait son éclat près d'une femme aimée, Douce compagne de son cœur.
Celle qui le charma fut une simple fille, Qui dans l'obscurité, belle sans le savoir, Partageait les travaux de son humble famille, Et sur les bords du Tibre allait rêver le soir.
Pauvre ame où l'innocence habite, Confiante, elle se donna,
Aussi chaste que Marguerite,
Quand Faust à l'amour l'entraîna.
Sa taille souple et virginale, Ses traits si pleins de pureté, Rappelaient l'image idéale Que l'artiste a de la beauté!
C'est par cette grace divine Qu'elle captivait Raphaël, Et les yeux de la Fornarine Étaient sa lumière et son ciel!
Un amour sans orgueil, une candeur sereine, La firent de son cœur la tendre souveraine. Les triomphes du monde et les splendeurs de l'art
Valaient-ils son sourire et son touchant regard?
Dans cette ame, à laquelle il pouvait toujours croire, L'artiste déposait le fardeau de sa gloire;
Son cœur, enveloppé sous un voile amoureux, Oubliait l'univers et se sentait heureux,
Savourant comme un dieu qu'entoure le mystère, L'ivresse de l'amour et l'encens de la terre!
Et pour que rien n'altère un aussi beau destin, Il meurt le front orné des roses du matin; Il meurt jeune, et n'ayant accepté de la vie Que ce qui rend heureux, que ce qui fait envie; Par la gloire et l'amour à la fois caressé,
Il meurt comme on s'endort quand le jour est passé; Avant que la vieillesse à la tombe l'appelle,
Il vole en souriant vers Dieu qui le rappelle,
Et son ame sereine, en prenant son essor, Dans un tendre sommeil semble flotter encor.
Quand des mains du Très-Haut elle s'est échappée, L'ame de Michel-Ange autrement fut trempée. Forte, dès son éveil le malheur la nourrit. Il connaît au berceau les luttes de l'esprit. Dédaigné par les siens, enfant rêveur et sombre, Il se forme lui-même et s'élève dans l'ombre; Sous le joug paternel son génie opprimé Se débat et grandit sourdement enflammé; Et quand, sortant enfin du rêve qui l'embrase, L'heure de l'action succède au jour d'extase, Athlète puissamment armé pour le combat, Nul danger ne l'émeut, nul malheur ne l'abat. Grandi dans la souffrance et dans la solitude, Il accepte en héros une vie âpre et rude,
Et l'obstacle est pour lui comme un sublime effort Qui roidit son courage et qui le rend plus fort! Vraiment homme, il comprend la dignité de l'homme; C'est un de ces esprits qui, dans l'antique Rome,
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