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semblent bien éloignées de celui où elles étaient lorsque vous avez expédié le numéro 12. Dieu seul est le maître des volontés; les hommes n'y peuvent rien; mais quoi qu'il en puisse être, en me tenant fermement attaché aux principes, en méritant peut-être qu'on me fasse l'application du vers,

Justum et tenacem propositi virum,

l'honneur au moins me restera, et c'est ce que j'ambitionne le plus.

:

Je ne suis pas surpris des bruits qui courent, des nouvelles que l'on mande et de la consistance que leur donne la mauvaise volonté. Moi-même il ne tiendrait qu'à moi de ne pas avoir un instant de repos, et cependant mon sommeil est aussi paisible que dans ma jeunesse. La raison en est simple je n'ai jamais cru que passé les premiers instants de la Restauration, le mélange de tant d'éléments hétérogènes ne produisit pas de fermentation; je sais qu'il en existe; mais je ne m'en inquiète point. Résolu à ne jamais m'écarter, au dehors, de ce que me prescrit l'équité; au dedans, de la Constitution que j'ai donnée à mon peuple, à ne jamais mollir dans l'exercice de mon autorité légitime, je ne crains rien, et un peu plus tôt ou un peu plus tard, je verrai se dissiper ces nuages dont j'avais prévu la for

mation.

On vous parle de changements dans le ministère, et moi

de l'Empereur François, j'ai cru voir qu'il n'avait pas encore de confiance dans la conciliation à laquelle vous voulez amener l'Empereur Alexandre. » (Jaucourt à Talleyrand, 18 décembre 1814.)

je vous en annonce. Je rends toute justice au zèle et aux bonnes qualités du comte Dupont; mais je n'ai pas également à me louer de son administration; en conséquence, je viens de lui retirer son département, que je confie au maréchal Soult'; je donne celui de la marine au comte Beugnot, et la direction générale de la police à M. d'André. Mais ces déplacements partiels de confiance, dont j'ai voulu que vous fussiez le premier instruit, ne changent rien au système de politique qui est le mien; c'est ce que vous aurez bien soin de dire hautement à quiconque vous parlera de ce qui se passe aujourd'hui.

Je serais très-aise de vous revoir, quand il en sera temps; mais les raisons qui m'ont déterminé à me priver de vos services près de moi subsistent avec une force accrue par les difficultés mêmes que vous éprouvez. Il est donc nécessaire que vous continuiez aussi bien que vous faites à me représenter au Congrès jusqu'à sa dissolution. Sur quoi, etc.

1 « Le dernier article de ma dernière lettre sera le premier de celle-ci : le renvoi du général Dupont. Tout le monde déclare que la nomination du maréchal Soult était inattendue. Monsieur, à son arrivée, avait parlé des plaintes; le sujet de ces plaintes était surtout l'état de dénûment des régi(Jaucourt à Talleyrand, 7 décembre 1814)

ments.

On m'assure que Monsieur est pour beaucoup dans le choix qui a été fait. Peut-être un jour tel qui se félicite aujourd'hui de l'influence qu'exerce sa présence se tourmentera de l'y voir. Pour moi, je crois à sa capacité, à la force de sa tête et de sa conduite, et à sa parfaite indifférence sur la forme que peut ou doit avoir un gouvernement, pourvu qu'il lui donne l'exercice d'une grande autorité; il y a avec cela, en effet, de quoi exercer de l'influence. (Jaucourt à Talleyrand, 10 novembre 1814.) 2 . Comme nous n'avons pas de marine, que probablement nous n'en aurons pas de longtemps, le choix de Beugnot n'a fait ni bien ni mal. On a ri, et voilà tout. Les marins se plaignent un peu, mais ils sont en si petit nombre! (D'Hauterive à Talleyrand, 10 décembre 1814.)

XXVI

DU COMTE DE BLACAS AU PRINCE DE TALLEYRAND

Paris, le 4 décembre 1814.

La lettre, prince, que le Roi a reçue de vous, par le courrier qui n'avait pu m'apporter votre réponse à celle que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 9 du mois dernier, m'avait déjà fourni d'importantes lumières sur les principaux objets traités dans la lettre que vous avez bien voulu m'adresser le 23. Sa Majesté avait eu la bonté de me communiquer votre dépêche, ainsi que la note de lord Castlereagh, et il est impossible, comme vous l'observez, de ne pas être frappé de la différence qui existe entre le style de cette note et le langage du duc de Wellington. Je ne puis toutefois, je l'avoue, fixer encore mes idées sur les causes réelles de cette différence. Le Roi répugne à ne l'attribuer qu'à un système d'artifice dont le but serait la déconsidération de la France. Lord Wellington, par des communications officieuses telles que celle dont je vous ai parlé au sujet des relations de Naples avec Paris, et par la conduite. qu'il a tenue dernièrement à l'occasion d'une correspondance saisie sur lord Oxford', a montré des dispositions

1 On lit dans le Moniteur universel du 16 septembre 1814, à la correspondance de Naples :

Le lord Oxford est arrivé dernièrement de Naples, où il a laissé lady

que ne pourrait guère motiver uniquement le projet de répandre au loin des craintes chimériques. Il serait au reste possible que, s'exagérant à lui-même des périls dont quelques rumeurs trop généralement accueillies ne cessent d'épouvanter les esprits timides, il eût souvent desservi sans le vouloir la politique du Roi, ou peut-être favorisé ar là des intentions moins franches que les siennes. Ce

Oxford et ses enfants; on sait que le principal objet de son voyage est de communiquer au gouvernement du Prince-Régent l'état exact des affaires de la Cour de Naples en ce moment. »

Voici l'incident expliqué par la correspondance particulière de M. de Jaucourt avec M. de Talleyrand : ...... Le lord Oxford a été arrêté à peu de distance de Paris hier. Je ne le sais que par M. le marquis de Saint-Élie, chargé d'affaires, non reconnu, du Roi Murat, qui a insisté le matin pour me voir, et qui m'a dit que l'agent de police en arrêtant le lord Oxford lui avait dit qu'il voulait faire l'examen de ses papiers, sachant qu'il était en rapport particulièrement avec le marquis de Saint-Élie. Je ne suis entré en aucune explication avec lui, seulement je lui ai dit :

- Vous n'avez rien à faire avec moi dans tout ceci, aucun rapport « n'existant entre nous; mais vous pouvez voir le ministre de la police, et je vous y invite..... "

Lord Oxford entretenait ici une liaison si intime, si publique en même temps, avec les clabaudeurs bonapartistes et avec les zélés muratistes, que la police ne pouvait s'empêcher d'y regarder. On a saisi le prétexte de la contravention aux règlements de la poste aux lettres qui défendent aux voyageurs de se charger de lettres, et l'on a saisi celles qu'il portait. A Villejuif, où un agent de police s'est présenté à la portière, il a voulu revenir à Paris; il a fait remettre son paquet de papiers cacheté de ses armes; le paquet a été ouvert en présence de M. Beugnot; on lui a rendu non-seulement ses papiers, mais même les lettres, hors trois adressées au Roi Joachim.....” (20 novembre 1814.)

....Je vous ai, je crois, mandé quelques détails de l'affaire du comte d'Oxford, affaire qui a mis dans la main de Beugnot des lettres qui prouvent l'inquiétude et l'agitation des gens du Roi de Naples. Madame de Staël y figure, mais comme grande prêtresse du temple de la paix et de la liberté. Elle aime Joachim à cause de son amour pour ces deux bienfaitrices du monde...... (3 décembre 1814.)

qu'il y a de certain, c'est que plusieurs circonstances indépendantes des vues de l'Angleterre n'ont que trop fourni de prétextes aux défiances propres à encourager les opinions fàcheuses dont vous redoutez l'effet. Vous savez, prince, et vous avez déploré souvent avec moi, le peu d'assurance que donnait au Gouvernement de Sa Majesté le défaut de vigueur et d'ensemble dans les opérations ministérielles'. Ce vice, dont la connaissance était restée quelque

Dès le 20 septembre, Jaucourt écrivait à M. de Talleyrand :

. Hier nous nous sommes réunis chez le chancelier....., les personnes d'habitude et le nouveau venu. Si le ministre de la guerre ne m'avait pas dit que ce diner n'était pas le plus insignifiant auquel les mêmes personnes se fussent trouvées, j'aurais pensé que l'on attendait pour parler que je fusse absent. M. de Montesquiou a dormi, et ronflé ou écouté dérisoirement; le pauvre Ferrand a posé sa tête sur les genoux, le chancelier a parlé.............

« J'ai fait quelques observations sur le peu de prévoyance, d'habileté et surtout de sincérité avec lesquelles on se conduisait envers les Chambres, que l'on ne saisissait l'opinion publique par aucun point, qu'il n'y avait ni écrits utiles ni communications sincères. Croyez, mon cher ami, que je porte ici le sentiment qui nous animait au 30 avril, mais les temps de crise et de danger donnent bien de l'avantage. Il était plus aisé de placer cent sénateurs au pied de la potence, que de faire ici un ministère uni et solidaire. » Le 1er octobre:

Le départ des députés, l'époque de leur retour, la disposition de l'Assemblée, qui, ainsi qu'une grande partie de celle des pairs, ne veut former son opinion que d'après la présomption qu'elle a que ce qu'on propose est plus ou moins constitutionnel, tout cela le (le baron Louis) tourmentait et le rendait assez maniable.....

Mettre les ministres dans l'Assemblée, augmenter le nombre des députés, déclarer l'Assemblée formée pour un espace de cinq ans, renouveler alors en totalité, voilà ce qui a été mis sur le tapis, avec la bonne foi de l'inquiétude et la confiance de la crainte..... Madame de Staël part de Clichy pour faire rage constitutionnelle..

Le 4 octobre:

M. de Vitrolles est venu flairer si je lui confierais quelque chose à mettre dans le Moniteur.....

Je ne serais pas trop d'avis d'user du Moniteur, dont le caractère officiel

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