Images de page
PDF
ePub

tiaire prussien; il sera seul. Comme il ne s'agira dans cette négociation que de limites, on doit voir clair dans cette affaire d'ici à peu de jours.

Quoique j'eusse fait lire à lord Castlereagh ma lettre à M. de Metternich, j'ai voulu lui en envoyer une copie, pour qu'elle pût se trouver parmi les pièces dont la communication pourra lui être un jour demandée par le Parlement, et je l'ai accompagnée, non d'une lettre d'envoi pure et simple, mais de celle dont j'ai l'honneur de joindre ici une copie1. Le grand problème dont le Congrès doit donner la solution y est présenté sous une nouvelle forme, et réduit à ses termes les plus simples. Les prémisses sont tellement incontestables, et les conséquences en découlent si nécessairement, qu'il ne me semble pas qu'il y ait rien à répondre. Je n'ai donc pas été surpris lorsque M. de Metternich m'a dit que lord Castlereagh, qui lui avait montré ma lettre, lui en avait paru assez embarrassé.

Il existe en Italie comme en Allemagne une secte d'unitaires, c'est-à-dire de gens qui aspirent à faire de l'Italie un seul et même État; l'Autriche, avertie, a fait faire dans une même nuit un grand nombre d'arrestations, dans lesquelles trois généraux de division se trouvent compris, et les papiers de la secte ont été saisis chez un professeur nommé Rosari. On ne sait par qui l'Autriche a été informée ; quelques-uns croient que c'est par Murat2, et qu'il a

2

1 V. D'ANGEBERG, p. 570.

Un intérêt sourd pour les principes révolutionnaires agit en sa faveur; c'est un homme comme nous qui est Roi fait pour les plébéiens, un point d'appui, un sentiment de satisfaction intime qu'ils ne perdront qu'à

livré des hommes avec lesquels il était d'intelligence, pour s'en faire un mérite auprès de cette Cour-ci.

[ocr errors]

Votre Majesté a vu par les pièces que j'ai eu l'honneur de lui envoyer, que je ne perds pas de vue l'affaire de Naples. Je n'oublie pas non plus le delenda Carthago ; mais ce n'est pas par là qu'il est possible de commencer. Je pense aussi au mariage. Les circonstances ont tellement changé, que si, il y a un an, Votre Majesté pouvait désirer cette alliance, c'est aujourd'hui à l'Empereur de Russie de la désirer. Mais cela demande des développements que je supplie Votre Majesté de me permettre de réserver pour une lettre particulière que j'aurai l'honneur de lui écrire.

Quand cette lettre parviendra à Votre Majesté, nous serons dans une nouvelle année. Je n'aurai point eu le bonheur de me trouver près de vous, Sire, le jour où elle aura commencé, et de présenter à Votre Majesté mes respectueuses félicitations et mes vœux; je la supplie de me permettre de les lui offrir et de vouloir bien en agréer l'hommage.

Je suis, etc.

Vienne. 28 décembre 1814.

regret; pour les nobles c'est un sujet de dérision, mais la cause de la noblesse est au moins difficile à défendre.

Nous levons les mains au ciel

pendant le combat: voilà pour nous tout ce que nous pouvons faire..

(Jaucourt à Talleyrand, 18 février.)

No 15.

XXXV

LE ROI AU PRINCE DE TALLEYRAND

30 décembre 1814.

Mon Cousin, j'ai recu votre no 17. La note de M. de Metternich m'a fait plaisir, parce qu'enfin voilà l'Autriche positivement engagée; mais votre réponse m'en a fait encore davantage. Je ne sais si l'on pourrait l'abréger; mais je sais bien que je ne le désirerais pas, d'abord parce qu'elle dit tout, et rien que tout ce qu'il fallait dire ; ensuite parce que je trouve plus de cette aménité si utile et souvent si nécessaire en affaires, à développer un peu ses idées, qu'à les exposer trop laconiquement.

Ce que vous me dites de l'embarras où se trouve lord Castlereagh, me prouve que j'ai eu raison de vous envoyer ma dernière dépêche; il est possible qu'il n'aperçût pas la belle porte que la paix avec l'Amérique lui présente pour revenir sans honte sur ses pas'.

1 M. le duc de Berry m'a dit ce matin (31 décembre) qu'il avait vu le lord Wellington, qu'il lui avait parlé de Murat, qu'il lui avait fait sentir que dans la position où se trouvait l'Angleterre, elle devait fixer le sort du monde.....

Lord Wellington a répondu en acquiesçant à ces assertions, en s'engageant

Je suis bien aise que les affaires de la Reine d'Étrurie prennent une meilleure tournure; mais je ne considère ce point que comme un acheminement vers un autre bien plus capital, et auquel j'attache mille fois plus de prix.

M. de Jaucourt vous instruit sans doute de ce que M. de Butiakin lui a dit; vous êtes plus à portée que moi de savoir la vérité de ce qu'il rapporte au sujet de Vienne; mais s'il est vrai, comme cela est vraisemblable, que la nation russe, qui, malgré l'aristocratie, compte bien pour quelque chose, met de l'amour-propre au succès du mariage, qu'elle se souvienne que qui veut la fin veut les moyens. Quant à moi, j'ai donné mon ultimatum ; je n'y changerai rien. Sur quoi, etc.

No 19.

XXXVI

Vienne, 4 janvier 1815.

SIRE,

J'ai reçu la lettre dont Votre Majesté a daigné m'honorer le 23 du mois dernier.

Le 21 du présent mois, l'anniversaire d'un jour d'horreur et de deuil éternel, il sera célébré dans l'une des

à écrire, en s'engageant même, à en croire M. le duc de Berry, jusqu'à dire qu'il en viendrait à bout. »

(Jaucourt à Talleyrand, 31 décembre 1814.)

principales églises de Vienne un service solennel et expiatoire j'en fais faire les préparatifs; en les ordonnant, je n'ai pas seulement suivi l'impulsion de mon cœur, j'ai encore pensé qu'il convenait que les ambassadeurs de Votre Majesté, se rendant les interprètes de la douleur de la France, la fissent éclater en terre étrangère et sous les yeux de l'Europe rassemblée. Tout, dans cette triste cérémonie, doit répondre à la grandeur de son objet, à celle de la Couronne de France, et à la qualité de ceux qu'elle doit avoir pour témoins. Tous les membres du Congrès y seront invités, et je me suis assuré qu'ils y viendraient'. L'Empereur d'Autriche m'a fait dire qu'il y assisterait. Son exemple sera sans doute imité par les autres Souverains. Tout ce que Vienne offre de plus distingué dans les deux sexes se fera un devoir de s'y rendre. J'ignore encore ce que cela coùtera; mais c'est une dépense né

cessaire.

La nouvelle de la signature de la paix entre l'Angleterre et les États-Unis d'Amérique me fut annoncée le premier jour de l'an par un billet de lord Castlereagh. Je m'empressai de lui en adresser mes félicitations, et je m'en félicitai moi-même, sentant bien quelle influence cet événement pouvait avoir et sur les dispositions de ce ministre et sur les déterminations de ceux dont nous avions eu jusque-là les prétentions à combattre. Lord Castlereagh m'a fait voir

1. La veille de cette cérémonie, l'Empereur de Russie affirmait qu'elle n'avait aucun but utile, et son envoyé près la Cour d'Autriche avait allégué des prétextes pour ne pas y aller. »

(Lettre des plénipotentiaires français au Département, 24 janvier 1815.)

« PrécédentContinuer »