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qui la possède que pour sa vie, et le fils de l'Archiduchesse ne devant pas posséder d'État indépendant.

Les préparatifs pour la cérémonie du 21 sont presque achevés. L'empressement d'y assister est si grand, qu'il nous sera difficile d'y répondre, et que l'église de SaintÉtienne, la plus grande de Vienne, ne pourra contenir tous ceux qui y voudraient être.

Tous les Souverains ont été prévenus de cette cérémonic. Tous, à l'exception de l'Empereur1 et de l'Impératrice de Russie, qui n'ont point encore répondu, ont fait connaître qu'ils y assisteraient.

L'Impératrice d'Autriche, à qui sa santé ne permet pas d'y aller, a désiré d'être excusée auprès de Votre Majesté (ce sont les expressions dont elle s'est servie). Madame l'Archiduchesse Béatrix, sa mère, y assistera. Les femmes seront toutes en voile : c'est le signe du plus grand deuil.

Le général Pozzo attend toujours ses instructions; on lui dit d'être prêt, et il l'est depuis plus d'une semaine, mais les instructions n'arrivent point.

Le général Andréossi a passé ici en revenant de Constan

L'Empereur Alexandre, seul, sans opposer un refus, fit une simple observation. Il dit que personne ne pouvait douter des sentiments que l'Europe portait à l'infortuné Louis XVI, mais que c'était là une scène de parti, qui, fort impolitique à Paris, était à Vienne une imitation maladroite et peu digne.. (THIERS, Consulat et Empire, t. XVIII, p. 588.) Sans doute La Harpe avait rappelé à son royal élève ce passage de Tacite : Valerius Messalicus proposait de consacrer une statue d'or dans le temple de Mars Vengeur; Cecina Severus, d'élever un autel à la Vengeance. César s'y opposa : « Ces monuments, disait-il, étaient faits pour des victoires étrangères; les malheurs domestiques devaient être couverts d'un voile de ⚫ tristesse. > (TACITE, Annales, liv. III, traduction BURNOUF, p. 105.)

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tinople son langage est très-bon; il m'a fait une profession de foi telle que je pouvais la désirer. C'est un homme d'esprit, qui a occupé des places considérables et qui est susceptible d'être employé'.

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Je dois avoir aujourd'hui l'honneur d'entretenir Votre Majesté de la cérémonie célébrée ici ce matin.

J'en ai fait faire un récit circonstancié, mais simple, pour ètre inséré dans le Moniteur2, si Votre Majesté l'approuve. J'ai cru qu'il ne fallait que présenter les faits et s'abstenir d'offrir en même temps des réflexions qui viendront natu

1 « Nous recevrons le général Andréossi comme votre satisfaction de lui nous y oblige; nous sommes votre écho, mais nous voudrions l'être de vos pensées, et vous deviner n'est pas chose donnée à tout le monde. »

(Jaucourt à Talleyrand, 30 janvier 1815.)

2 Le Moniteur a en effet inséré ce récit, le 30 janvier 1815, sous forme de correspondance datée de Vienne. Le 22 janvier, on y lit ces lignes : « Aux coins du catafalque étaient placées quatre statues représentant la France abîmée de douleur, l'Europe versant des larmes, la Religion tenant le testament de Louis XVI, et l'Espérance levant les yeux vers le ciel. »

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rellement à l'esprit des lecteurs, et leur feront par cela même plus d'impression.

Dans ce récit se trouve compris le discours qui a été prononcé par le curé de Sainte-Anne, Français de naissance'. Ce n'est point une oraison funèbre, ni un sermon; c'est un discours. On n'a eu que quelques jours pour le faire, pour le rendre analogue à l'objet de la cérémonie et en même temps aux circonstances présentes et à la qualité des principaux d'entre les assistants; il était moins nécessaire d'y mettre de l'éloquence que de la mesure, et ceux qui l'ont entendu ont trouvé que, sous ce rapport, il ne laissait rien à désirer.

Rien n'a manqué à cette cérémonie, ni la pompe convenable à son objet, ni le choix des spectateurs, ni la douleur que l'événement qu'elle rappelait doit éternellement exciter. Elle devait, dans le souvenir d'un grand malheur, offrir une grande leçon. Elle avait un but moral et politique; les chefs des grandes légations, et des personnes du premier ordre que j'ai eu à dîner, m'ont donné lieu de croire que ce but avait été atteint 2.

1 Le Moniteur donne son nom. C'était l'abbé de Zaignelins; il a inséré aussi son discours in extenso.

2 Vous entendrez tellement parler, mon prince, de l'effet que vous produisez à la Cour, chez les particuliers comme dans la famille royale, que mon petit tribut d'éloges particulier ne vous sera pas bien intéressant. C'est une belle et grande idée d'avoir fait d'une cérémonie toute simple et toute naturelle en apparence, une chose toute politique et une véritable affaire de congrès, d'un acte religieux. Le Joachim serait bien heureux d'en être quitte pour les frais, et votre discours lui fera plus de mal que l'armée autrichienne. Comme je suis critiqueur de ma nature, pour vous louer en toute sûreté de conscience, j'avoue que j'aurais changé la phrase de soixante

Je ne puis trop me louer de la prévenance et de la grâce que l'Empereur d'Autriche a mises à permettre ou à ordonner les dispositions qui pouvaient ajouter soit au bon ordre, soit à la dignité de la cérémonie.

Seul de tous les Souverains, l'Empereur François y a assisté en noir: les autres étaient en uniforme.

J'ai été, d'ailleurs, parfaitement secondé, et particulièrement par M. le comte Alexis de Noailles.

M. Moreau, architecte, chargé de tous les préparatifs, y a mis utant d'intelligence que de zèle. La musique a été trouvée fort belle. Elle est de M. Neukomm, qui en a dirigé l'exécution, conjointement avec le premier maître de chapelle de la Cour, M. Salieri.

Je supplie Votre Majesté de vouloir bien donner à ces trois artistes, ainsi qu'à M. Isabey, qui a été d'un grand secours, un témoignage de sa satisfaction en me faisant adresser pour eux des décorations de la Légion d'honneur.

Je supplie encore Votre Majesté de vouloir bien accorder la même grâce à MM. Rouen, Damour, Formont, Saint-Mars et Sers, attachés à l'ambassade de Votre

ans d'incrédulité; car si nous sommes incrédules depuis soixante ans, nous ne pouvons être aujourd'hui qu'hypocrites; et si, comme vous le dites plus bas, les novateurs ne nous ont produit que des erreurs et des maux, il nous faut les Jésuites pour apprendre le latin, les parlements pour nous juger, les biens du clergé..... » (Jaucourt à Talleyrand, 1er février 1815.) Je termine en vous admirant de nouveau de l'idée expiatoire, monarchique, européenne; de l'idée qui a donné au Congrès son premier résultat la réunion des Souverains dans un service solennel à la mémoire de Louis XVI..... Nous vous nommons le prince des diplomates.

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(Jaucourt à Talleyrand, 25 janvier 1815.)

Majesté, de la conduite desquels j'ai lieu d'être extrêmement satisfait, et qui, seuls de tous ceux qui sont attachés aux ambassades au Congrès, n'ont aucune décoration.

Mercredi, je ferai partir un courrier par lequel j'aurai l'honneur d'écrire à Votre Majesté sur la question du mariage, dont je sens bien toute l'importance et que je n'ai jamais perdue de vue.

Je suis, etc.

P. S. Le départ du général Pozzo paraît fixé pour

mardi 24.

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No 24.

Vienne, 21 janvier 1815.

XLV

Vienne, 25 janvier 1815.

SIRE,

J'ai assisté hier à une conférence de M. de Metternich et du prince de Schwarzenberg dont l'objet était de déterminer, d'après l'opinion des militaires autrichiens, quels points de la Saxe on pouvait, et quels points on ne pouvait pas laisser à la Prusse, sans compromettre la sûreté de l'Autriche.

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