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consul d'Ancône ', extrait que le duc de Wellington m'a aussi communiqué.

C'est le 26, à neuf heures du soir, que Buonaparte s'est embarqué à Porto-Ferrajo. Il a emmené avec lui environ douze cents hommes, dix pièces de canon, dont six de campagne, quelques chevaux et des provisions pour cinq ou six jours. Les Anglais, qui s'étaient chargés de surveiller ses mouvements, l'ont fait avec une négligence qu'ils auront peine à excuser2.

La direction qu'il a prise, celle du nord, semble indiquer qu'il se porte ou du côté de Gênes ou vers le midi de la France. Je ne puis croire qu'il ose rien tenter sur nos provinces méridionales. Il ne s'y hasarderait qu'à la faveur

1 C'était M. Dumorey.

2 Dans la séance du 7 avril, à la Chambre des communes, le ministre anglais disait :

« On a demandé pourquoi Bonaparte n'avait pas été gardé de près dans l'île d'Elbe.

« La raison en a été que Bonaparte n'y était pas en qualité de prisonnier. Ce lieu lui avait été assigné comme une souveraineté. En l'assujettissant à une gêne quelconque dans cette île, on aurait violé le traité fait avec lui. Quant au moyen de garder l'île, je crois que tout marin sera convaincu que la marine entière de l'Angleterre ne suffirait pas pour empêcher un individu de s'échapper de l'île d'Elbe, etc..... Il est au reste évident par le traité que l'intention des alliés n'était nullement que Bonaparte dût être considéré comme prisonnier à l'île d'Elbe. ▾

L'article 3 du traité de Paris du 11 avril 1814 était ainsi conçu :

L'ile d'Elbe, adoptée par Sa Majesté l'Empereur Napoléon pour le lieu de son séjour, formera sa vie durant une principauté séparée qui sera possédée par lui en toute souveraineté et propriété.

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(Voir D'ANGEBERG, p. 148.)

L'article 18 du traité du 11 avril 1814 portait :

Sa Majesté l'Empereur Napoléon pourra emmener avec lui et conserver pour sa garde quatre cents hommes de bonne volonté, tant officiers que sous-officiers et soldats.»

d'intelligences qu'il n'est pas à supposer qu'il ait. Il n'en est pas moins nécessaire de prendre des précautions de ce côté et d'y mettre des hommes de choix et parfaitement sûrs. Du reste, toute entreprise de sa part sur la France serait celle d'un bandit. C'est ainsi qu'il devrait être traité, et toute mesure permise contre les brigands devrait être employée contre lui.

Il me paraît infiniment plus vraisemblable qu'il veut agir dans le nord de l'Italie. Le duc de Wellington me dit qu'il y a à Gênes deux mille Anglais et trois mille Italiens qui ont fait la guerre d'Espagne et qui sont entrés au service du Roi de Sardaigne. Il ne doute pas que ces troupes, qu'il dit excellentes, ne fassent leur devoir. Le Roi de Sardaigne est à Gênes dans ce moment et doit y avoir sa garde. Il y a aussi dans le port trois frégates anglaises. Si donc Buonaparte faisait une tentative sur Gênes avec ses douze cents hommes, il échouerait. Mais il est à craindre qu'il ne se porte, par les montagnes, vers l'État de Parme et la Lombardie, et que sa présence n'y soit le signal d'une insurrection préparée de longue main, que la mauvaise conduite des Autrichiens et la fausse politique de leur Cabinet n'a que trop favorisée, et qui, étant soutenue par les troupes de Murat, avec lequel il est probable que Buonaparte est d'accord, mettrait l'Italie tout entière en combustion. Le prince de Schwarzenberg et M. de Metternich m'ont dit l'un et l'autre que si Buonaparte arrivait dans le nord de l'Italie, cela les mettrait dans le plus grand embarras, parce qu'ils ne se sentent point encore en mesure. La nuit dernière, des estafettes ont été expédiées à tous les

corps destinés pour l'Italie, afin de hàter leur marche; mais, quelque diligence que ces corps fassent, il leur faut un mois au moins pour être rendus à destination, et un mois peut amener bien des événements. Il paraît que le prince de Schwarzenberg aura lui-même l'ordre de se rendre en Italie.

Dans toute hypothèse, Votre Majesté jugera sûrement nécessaire de réunir des forces suffisantes dans le Midi, pour agir suivant les circonstances.

Les suites de cet événement ne sauraient être encore prévues, mais il en peut avoir d'heureuses si l'on en sait tirer parti. Je ferai tout ce qui sera en moi pour qu'ici l'on ne s'endorme pas, et pour faire prendre par le Congrès une résolution qui fasse tout à fait descendre Buonaparte du rang que, par une inconcevable faiblesse, on lui avait conservé, et le mettre enfin hors d'état de préparer de nouveaux désastres à l'Europe.

On a délibéré sur la manière de faire connaître au Roi de Saxe les cessions que les puissances sont convenues qu'il ferait à la Prusse, et pour lesquelles son consentement est nécessaire. On est convenu d'extraire du protocole général les articles qui contiennent les cessions et d'en former un protocole particulier que, pour plus d'égards, nous remettrons au Roi, le duc de Wellington, le prince de Metternich et moi. Nous irons, à cet effet, tous les trois à Presbourg après-demain. La résistance du Roi de Saxe serait inutile pour lui et très-fàcheuse pour tout le monde, surtout dans un moment où il importe de pouvoir réunir tous les esprits et toutes les opinions contre les entreprises de l'homme de

l'île d'Elbe. Nous ferons donc tout ce qui sera nécessaire pour que le Roi de Saxe se soumette de bonne grâce à ce qu'exige la nécessité des conjonctures.

On est d'accord sur les affaires de la Suisse. Les Russes, forcés de renoncer à l'idée d'exclure le canton de Berne du nombre des cantons directoriaux, ont demandé que du moins il fut invité à modifier sa constitution en y introduisant une partie représentative. Toutes les puissances ont adhéré à cette demande, qui est dans les idées du temps, et la France n'a pas dû s'y refuser, les lettres de MM. de Watteville et de Müllinen faisant connaître que cette demande n'est point de nature à éprouver à Berne des difficultés sérieuses; c'est aussi l'avis de l'envoyé bernois, M. de Zerleder.

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Le général Ricard retourne à Paris, suivant les ordres qui lui ont été donnés par le ministre de la guerre, pour le cas où sa présence ici ne serait plus nécessaire. Son

voyage n'a point servi à l'objet pour lequel il avait été entrepris, et ce ne peut pas être un sujet de regret; mais il a été utile sous d'autres rapports. Le général Ricard a été présenté aux Souverains; il a vu les principaux ministres au Congrès; on l'a beaucoup questionné; ses réponses et son langage, comme en général toute sa conduite, ont fait prendre une idée juste et une idée avantageuse de la situation de la France, et en particulier de l'armée; je supplie Votre Majesté de vouloir bien lui en marquer sa satisfaction.

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J'ai reçu la lettre dont Votre Majesté m'a honoré, en date du 3 de ce mois. J'attendrai celle qu'Elle veut bien m'annoncer et ses instructions relatives à l'affaire de Parme, pour entamer cette affaire avec M. de Metternich, qui m'a déjà demandé si je n'étais pas encore en mesure de la traiter. Le mystère dont il a voulu l'envelopper, les

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