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ami des querelles et des discussions, ne pouvaient manquer de pousser ce caractère batailleur jusqu'à ses dernières limites. Toujours armés (usage qui ne se rencontrait ni chez les Grecs ni chez les Romains), ils avaient toutes facilités pour satisfaire leurs inclinations. Faute de trouver des ennemis à combattre, ils se battaient entre eux. Chez eux les combats singuliers devinrent une sorte de divertissement public que nous verrons plus tard se perpétuer jusque dans le moyen âge. Les différends se terminaient par les armes ; c'était également par les armes que les témoins fournissaient les preuves de leur témoignage. Le sanctuaire même où résidaient leurs dieux ne leur semblait pas profané par cette coutume. La chaise curule du grand prêtre, chef des Druides, devenait le prix d'un combat singulier entre ceux qui ambitionnaient sa succession.

Les compagnes de nos ancêtres partageaient les instincts belliqueux de leurs époux. Elles conservaient dans leur sein le germe de cet esprit guerrier fidèlement transmis à leurs descendants.

Le gracieux et sympathique auteur du Mérite des Femmes, M. Legouvé, a consacré de bien belles pages à nous représenter la femme comme toujours supérieure à notre sexe.

Ange consolateur de la famille, la femme supporte avec une indomptable énergie de grandes infortunes qui trompent la vigueur du sexe fort; son dévouement inépuisable la porte à faire en souriant le sacrifice de sa vie pour le salut des êtres qui lui sont chers. Et, sans remonter bien haut, n'avons-nous

pas vu la belle et vaillante princesse Marie-Pie, reine de Portugal (digne fille de notre ancien et bienaimé souverain Victor-Emmanuel dont tout un peuple pleure aujourd'hui la perte prématurée), n'avonsnous pas vu la femme courageuse terrifier des courtisans affolés, en s'élançant elle-même dans les flots pour reconquérir ses enfants emportés par les vagues envahissantes?

Aux nobles princes, ses aïeux, la bravoure dans les combats, le courage militaire! A la femme couronnée, le dévouement maternel, le courage civil!

Dans sa faiblesse même, la femme puise l'admiration pour la force. Tout indice de pusillanimité lui fait regarder comme indigne de son affection, celuilà même qu'elle eût volontiers choisi pour son pro

tecteur.

La finesse exquise, le tact infiniment supérieur de la femme, les sentiments généreux qui abondent dans son cœur, impriment à ses jugements le cachet de la vérité.

Aussi, n'hésitons-nous pas à regarder cette gracieuse moitié du genre humain comme le meilleur juge du point d'honneur.

Avez-vous remarqué ce jeune homme lancé dans une discussion irritante qui côtoie l'agression et va peut-être bientôt dégénérer en violence? Tout à coup l'orage s'apaise. On le voit reprendre le ton courtois de la bonne société... Un simple regard de l'objet aimé l'a ramené dans la bonne voie.

La tendresse de la femme patronnant la cause de la justice et de la raison ne lui donne-t-elle pas le

droit au commandement sur tout homme de cœur? La femme voit-elle l'objet de ses préférences subir une insulte aussi grave qu'imméritée, un regard calme et fier viendra l'encourager à suivre le sentier de l'honneur. Comment pourrait-il y manquer, puisqu'il a la certitude que son courage sera partagé?

C'est encore dans le sentiment de l'honneur que la femme puise la force nécessaire pour donner l'exemple de deux vertus qui lui sont pourtant si souvent contestées : le silence et la discrétion.

Citons un exemple :

Il y a quelque vingt ans, dans une armée étrangère, une querelle entre deux honorables officiers nécessite un duel à outrance. Pour des motifs que nous ne croyons pas devoir préciser, la rencontre ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du terme de trois mois.

Pendant cette longue attente, des mères, une femme, des sœurs, les deux familles enfin, cachent leurs angoisses, leurs inquiétudes, jusqu'au jour du dénouement qui mit l'un des champions hors de combat et fit craindre pendant quelque temps pour la conservation de ses jours.

A quel puissant mobile attribuer un si long silence, une pareille discrétion, si ce n'est au profond sentiment de respect pour le point d'honneur!

Nous le répétons, les sentiments généreux, le respect pour le point d'honneur, l'amour-propre ne sont pas moins développés chez les femmes que chez les hommes. Les mères et les épouses n'aiment point seulement la personne, mais plus encore, si c'est pos

sible, la considération et la dignité de ceux qui leur sont chers.

Et les fiancées surtout, n'ont-elles point voix au chapitre? Souffriront-elles que l'objet de leurs plus chères affections, celui qui doit être bientôt pour elles un protecteur, soit livré au ridicule, aux sourires, aux dédains dans la société? L'amour-propre n'emporte-t-il pas tout?

Jeune homme, si vous osez vous révolter contre l'opinion, vous êtes médusé, quand bien mème vous vous seriez assuré l'appui de quelques douairières bien pensantes, en étalant la rigidité de principes du pratiquant, amorce infaillible, rivale de la liqueur à carpes Moricaud, dans la pêche... à la dot!... Tout est inutile! Une violente secousse brise inopinément la mort-à-pêche!

Quoi qu'il en soit de cette digression, faite pour accidenter la sécheresse de notre course au clocher dans les domaines de l'histoire, c'est chez les peuples barbares dont les diverses agglomérations ont donné naissance aux sociétés modernes, que l'on s'accorde généralement à reconnaître la véritable origine du duel qui dut passer par diverses phases sociales avant de devenir ce qu'il est de nos jours.

Ainsi, le duel nous apparaît d'abord comme une institution judiciaire, un mode de preuve adopté dans les procès, pour obtenir l'éclaircissement des faits contestés.

En justice, il est un principe admis : c'est qu'il appartient au demandeur de fournir la preuve des faits

qu'il avance; dans le cas contraire, le défendeur est renvoyé de la plainte.

Des lois barbares méconnurent ce principe en ordonnant que le défendeur prêtât le serment. (Loi des Visigoths, lib. II, tit. II, c. v).

La dissolution progressive des mœurs, l'affaiblissement graduel des caractères et l'abus du serment lui-même, qui n'était plus réservé pour des cas extrêmes, atténuèrent le respect pour la religion du serment qui, au temps de Rome antique, avait enfanté des prodiges.

Placé entre l'alternative de se condamner par un aveu ou de se libérer par un parjure, le défendeur jurait. Pour suppléer à l'insuffisance du serment, on imagina d'exiger que la véracité de celui qui le prêtait, fût attestée par un certain nombre de personnes : conjuratores sacramentales. Le nombre de ces certificateurs de serment était déterminé par la loi, suivant l'importance du procès. (Lib. VI, cap. 1, Alamannorum.) Ils juraient sur l'Evangile en même temps que leurs clients. En multipliant les serments, on multiplia les parjures. C'est pour faire disparaître cet abus que fut institué le combat judiciaire.

L'usage de ce combat fut consacré pour la première fois dans la loi des Bourguignons connue sous le nom de loi gombette (du nom de Gondebaud son auteur, tit. XLV).

Cette institution se généralisa bientôt et s'introduisit successivement dans les habitudes juridiques des autres peuples barbares. On la rencontre dans les lois des Francs ripuaires, dans celles des Allemands, des

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