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trouve avec Julie, et expriment les sentimens de deux amans qui sont traversés dans leurs amours par le caprice de leurs parens.)

UNE MUSICIENNE.

Répands, charmante nuit, répands sur tous les yeux
De tes pavots la douce violence;
Et ne laisse veiller en ces aimables lieux
Que les cœurs que l'amour soumet à sa puissance.
Tes ombres et ton silence,

Plus beaux que le plus beau jour,
Offrent de doux momens à soupirer d'amour

PREMIER MUSICIEN.

Que soupirer d'amour

Est une douce chose,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose!
A d'aimables penchans notre cœur nous dispose
Mais on a des tyrans à qui l'on doit le jour.
Que soupirer d'amour

Est une douce chose,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose,

SECOND MUSICIEN.

Tout ce qu'à nos vœux on oppose,
Contre un parfait amour ne gagne jamais rien:
Et, pour vaincre toute chose,

Il ne faut que s'aimer bien.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle :
Les rigueurs des parens, la contrainte cruelle,
L'absence, les travaux, la fortune rebelle,
Ne font que redoubler une amitié fidèle.
Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle :
Quand deux cœurs s'aiment bien,
Tout le reste n'est rien.

PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.

F

Danse de deux maîtres à

danser.

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET. Danse de deux pages

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TROISIÈME ENTRÉE DE BALLET. - Quatre curieux de spectacles, qui ont pris querelle pendant la danse des deux pages, dansent en se battant l'épée à la main.

QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET. Deux Suisses séparent les quatre combattans, et, après les avoir mis d'accord, dansent

avec eux.

SCENE III. JULIE, ÉRASTE, NÉRINE

JULIE. Mon Dieu! Eraste, gardons d'être surpris Je tremble qu'on ne nous voie ensemble; et tout seroit perdu après la défense que l'on m'a faite.

ÉRASTE. Je regarde de tous côtés, et je n'aperçois rien.

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JULIE, à Nerine. Aie aussi l'œil au guet, Nérine; et prends bien garde qu'il ne vienne personne.

NÉRINE, se retirant dans le fond du théâtre.

Reposez-vous sur

moi, et dites hardiment ce que vous avez à vous diré.

JULIE.

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– Avez-vous imaginé pour notre affaire quelque chose de favorable? et croyez-vous, Éraste, pouvoir venir à bout de détourner ce fâcheux mariage que mon père s'est mis en tête? ÉRASTE. Au moins y travaillons-nous fortement; et déjà nous vons préparé un bon nombre de batteries pour renverser ce dessein ridicule.

NÉRINE, accourant, à Julie.

Par ma foi, voilà votre père;

JULIE. Ah! séparons-nous vite.

NÉRINE.

Non, non, non, ne boiigez; je m'étois trompée. JULIE. — Mon Dieu! Nërine, que tu es sotte de nous donner de ces frayeurs!

ERASTE. Oui, belle Julie, nous avons dressé pour cela quantité de machines; et nous ne feignons point de mettre tout en usage, sur la permission que vous m'avez donnee. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer, vous en aurez le divertissement; et, comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise, et de ne vous avertir point de tout ce qu'on vous fera voir c'est assez de vous dire que nous avons en main divers stratagèmes tout prêts à produire dans l'occasion, et que l'ingénieuse Nérine et l'adroit Sbrigani entreprennent l'affaire.

NÉRINE. Assurément. Votre père se moque-t-il, de vouloir vous anger de son avocat de Limoges, monsieur de Pourceaugnac, qu'il n'a vu de sa vie, et qui vient par le coche vous enlever à notre barbe? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus; sur á parole de votre oncle, lui fassent rejeter un amant qui vous agrée? et une personne comme vous est-elle faite pour un Limosin? S'il a envie de se marier, que ne prend-il une Limosine, et ne laisse-t-il en repos les chrétiens? Le seul nom de monsieur de Pourceaugnac m'a aise dans une colère effroyable. J'enrage de monsieur de Pourceaunac. Quand il n'y auroit que ce nom-là, monsieur de Pourceaugnac, j'y brûlerai mes livres, ou je romprai ce mariage; et vous ne serez point madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac! cela se peut il souffrir? Non, Pourceaugnac est une chose que je ne saurois supporter; et nous lui jouerons tant de pièces, nous lui ferons tant de

niches sur niches, que nous renverrons à Limoges monsieur de Pourceaugnac.

ÉRASTE. velles.

Voici notre subtil Napolitain, qui nous dira des nou

SCENE IV. JULIE, ÉRASTE, SBRIGANI, NERINE.

SBRIGANI.

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Monsieur, votre homme arrive. Je l'ai vu à trois lieues d'ici, où a couché le coche; et, dans la cuisine, où il est descendu pour déjeuner, je l'ai étudié une bonne grosse demiheure, et je le sais déjà par cœur. Pour sa figure, je ne veux point vous en parler : vous verrez de quel air la nature l'a dessinée, et si l'ajustement qui l'accompagne y répond comme il faut; mais, pour son esprit, je vous avertis, par avance, qu'il est des plus épais qui se fassent; que nous trouvons en lui une matière tout à fait disposée pour ce que nous voulons, et qu'il est homme enfin à donner dans tous les panneaux qu'on lui présentera.

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ÉRASTE.
SBRIGANI.
NÉRINE.

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Nous dis-tu vrai?

Oui, si je me connois en gens.

Madame, voilà un illustre. Votre affaire ne pouvoit être mise en de meilleures mains, et c'est le héros de notre siècle pour les exploits dont il s'agit; un homme qui, vingt fois en sa vie, pour servir ses amis, a généreusement affronté les galères; qui, au péril de ses bras et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les aventures les plus difficiles, et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d'actions honorables qu'il a généreusement entreprises.

SBRIGANI.

Je suis confus des louanges dont vous m'honorez : et je pourrois vous en donner avec plus de justice sur les merveilles de votre vie, et principalement sur la gloire que vous acquîtes, lorsque avec tant d'honnêteté vous pipâtes au jeu, pour douze mille écus, ce jeune seigneur étranger que l'on mena chez vous; lorsqu' vous fîtes galamment ce faux contrat qui ruina toute une famille; lorsque avec tant de grandeur d'âme vous sûtes nier le dépôt qu'on vous avoit confié; et que si généreusement on vous vit prêter votre témoignage à faire pendre ces deux personnes qui ne l'avoient pas mérité.

NÉRINE. Ce sont petites bagatelles qui ne valent pas qu'on en parle; et vos éloges me font rougir.

SBRIGANI.

Je veux bien épargner votre modestie; laissons cela, et, pour commencer notre affaire, allons vite joindre notre provincial, tandis que de votre côté vous nous tiendrez prêts au besoin les autres acteurs de la comédie.

ÉRASTE.. Au moins, madame, souvenez-vous de votre rôle; et, pour mieux couvrir notre ieu, feignez, comme on vous a dit, d'être la plus contente du monde des résolutions de votre père.

JULIE.

- S'il ne tient qu'à cela, les choses iront à merveille. ÉRASTE. Mais, belle Julie, si toutes nos machines venoient à e pas réussir?

JULIE.

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Je déclarerai à mon père mes véritables sentimens. ERASTE. Et si, contre vos sentimens, il s'obstinoit à son des sein?

JULIE. Je le menacercis de me jeter dans un couvent.

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Mais si, malgré tout cela, il vouloit vous forcer à ce

Que voulez-vous que je vous dise?
Ce que je veux que vous me disiez!

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ÉRASTE.

-

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Que rien ne pourra vous contraindre; et que, malgré tous les efforts d'un père, vous me promettez d'être à moi. JULIE. Mon Dieu! Eraste, contentez-vous de ce que je fais maintenant, et n'allez point tenter sur l'avenir les résolutions de mon cœur; ne fatiguez point mon devoir par les propositions d'une fâcheuse extrémité dont peut-être n'aurons-nous pas besoin; et, s'il y faut venir, souffrez au moins que j'y sois entraînée par la suite des choses.

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SBRIGANI. Ma foi! voici notre homme songeons à nous.
NÉRINE. Ah! comme il est bâti!

SCENE V. M. DE POURCEAUGNAC, SBRIGANI.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, se tournant du côté d'où il est venu, et parlant à des gens qui le suivent. Hé bien! quoi? Qu'est-ce? Qu'y a-t-il? Au diantre soit la sotte ville, et les sottes gens qui y sont! Ne pouvoir faire un pas, sans trouver des nigauds qui vous regardent et se mettent à rire! Hé! messieurs les badauds, faites vos affaires, et laissez passer les personnes sans leur rire au nez. Je me donne au diable, si je ne baille un coup de poing au premier que je verrai rire.

SBRIGANI, parlant aux mêmes personnes. Qu'est-ce que c'est, messieurs? Que veut dire cela? A qui en avez-vous? Faut-il se moquer ainsi des honnêtes étrangers qui arrivent ici?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Voilà un homme raisonnable, ce mi-là.

SBRIGANI. - Quel procédé est le vôtre? et qu'avez-vous à rire? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Fort bien.

SBRIGANI.

Monsieur a-t-il quelque chose de ridicule en soi?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. . Qui.

MOLIÈRE III

SBRIGANI.

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Est-il autrement que les autres?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

SBRIGANI.

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Suis-je tortu ou bossu?

Apprenez à connoître les gens. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. C'est bien dit. SBRIGANI. Monsieur est d'une mine à respecter.

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.SBRIGANI.

--

Monsieur n'est point une personne à faire rire.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. - Assurément.

SBRIGANI. Et quiconque rira de lui, aura affaire à moi.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à Sbrigani.

suis infiniment obligé.

Monsieur, je vous

SBRIGANI. Je suis fâché, monsieur, de voir recevoir de la sorte une personne comme vous; et je vous demande pardon pour la ville.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je suis votre serviteur.

SBRIGANI.

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Je vous ai vu ce matin, monsieur, avec le coche, lorsque vous avez déjeuné; et la grâce avec laquelle vous mangiez votre pain, m'a fait naître d'abord de l'amitié pour vous; et, comme je sais que vous n'êtes jamais venu en ce pays, et que vous y êtes tout neuf, je suis bien aise de vous avoir trouvé, pour vous offrir mon service à cette arrivée, et vous aider à vous conduire parmi ce peuple, qui n'a pas, parfois, pour les honnêtes gens, toute la considération qu'il faudroit.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

faites.

SBRIGANI.

C'est trop de grâce que vous me

Je vous l'ai déjà dit : du moment que je vous ai vu, je me suis senti pour vous de l'inclination.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je vous suis obligė.

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MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Ce m'est beaucoup d'honneur
J'y ai vu quelque chose d'honnête.

SBRIGANI.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je suis votre serviteur.

SBRIGANI. Quelque chose d'aimable.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

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