Clitandre et Acaste. Alceste. Non pas, madame. La peur de leur départ occupe fort votre âme. 735 Sortez quand vous voudrez, messieurs; mais j'avertis Que je ne sors qu'après que vous serez sortis. Acaste. A moins de voir madame en être importunée, Moi, pourvu que je puisse être au petit couché, 740 Je n'ai point d'autre affaire où je sois attaché Célimène (à Alceste). C'est pour rire, je crois. Alceste. Non, en aucune sorte. A Nous verrons si c'est moi que vous voudrez qui sorte. SCÈNE VI. ALCESTE, CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ACASTE, PHILINTE, CLITANDRE, BASQUE. Basque (à Alceste). Monsieur, un homme est là qui voudrait vous parler Alceste. 745 Dis-lui que je n'ai point d'affaires si pressées. Basque. Il porte une jaquette à grand'basques plissées, Avec du d'or dessus. Célimène (à Alceste). Allez voir ce que c'est, Ou bien faites-le entrer. SCÈNE VII. ALCESTE, CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ACASTE, PHILINTE, CLITANDRE, UN GARDE DE LA MARÉCHAUSSÉE. 750 Vous pouvez parler haut, monsieur, pour m'en instruire. Le Garde. Messieurs les maréchaux, dont j'ai commandement, Oronte et lui se sont tantôt bravés Sur certains petits vers, qu'il n'a pas approuvés ; Alceste. Moi, je n'aurai jamais de lâche complaisance. Philinte. Mais il faut suivre l'ordre: allons, disposez-vous. 760 Quel accommodement veut-on faire entre nous ? Je les trouve méchants. Philinte. Mais d'un plus doux esprit. Alceste. 765 Je n'en démordrai point, les vers sont exécrables. Philinte. Vous devez faire voir des sentiments traitables. Allons, venez. Alceste. J'irai; mais rien n'aura pouvoir De me faire dédire. Philinte. Allons vous faire voir. Hors qu'un commandement exprès du roi me vienne 770 De trouver bons les vers dont on se met en peine, Je soutiendrai toujours, morbleu! qu'ils sont mauvais, Et qu'un homme est pendable après les avoir faits. Par le sangbleu ! messieurs, je ne croyais pas être 775 Où vous devez. Célimène. Allez vite paraître Alceste. J'y vais, madame; et sur mes pas Je reviens en ce lieu pour vider nos débats. ACTE TROISIÈME. SCÈNE I. CLITANDRE, ACASTE. Clitandre. Cher marquis, je te vois l'âme bien satisfaite; En bonne foi, crois-tu, sans t'éblouir les yeux, 780 Avoir de grands sujets de paraître joyeux ? Acaste. Parbleu! je ne vois pas, lorsque je m'examine, Qu'il est fort peu d'emplois dont je ne sois en passe. Et l'on m'a vu pousser dans le monde une affaire 790 D'une assez vigoureuse et gaillarde manière. Pour de l'esprit, j'en ai, sans doute; et du bon goût A faire, aux nouveautés, dont je suis idolâtre, A tous les beaux endroits qui méritent des has! Je me vois dans l'estime autant qu'on y puisse être, Je crois qu'avec cela, mon cher marquis, je croi ✓ Qu'on peut, par tout pays, être content de soi. Clitandre. 805 Oui. Mais, trouvant ailleurs des conquêtes faciles, Moi? Parbleu ! je ne suis de taille ni d'humeur C'est aux gens mal tournés, aux mérites vulgaires, 815 Mais les gens de mon air, marquis, ne sont pas faits Pour aimer à crédit, et faire tous les frais. Quelque rare que soit le mérite des belles, Je pense, dieu merci, qu'on vaut son prix comme elles ; Que, pour se faire honneur d'un cœur comme le mien, 820 Ce n'est pas la raison qu'il ne leur coûte rien ; Et qu'au moins, à tout mettre en de justes balances, Clitandre. Tu penses donc, marquis, être fort bien ici? Acaste. J'ai quelque lieu, marquis, de le penser ainsi. Clitandre. 825 Crois-moi, détache-toi de cette erreur extrême : Il est vrai, je me flatte, et m'aveugle en effet. Mais qui te fait juger ton bonheur si parfait ? |