trop simple, voulut conquérir la Baltique, d'où partiraient ses flottes. Tel et plus fier encore fut Louis XIV après cette surprise de deux provinces, conquérant sans combat, et vainqueur sans victoire. Dans les trois ans qui suivent, on le voit désirer, embrasser je ne sais combien de choses. immenses et les plus divergentes : 1° La succession d'Espagne. Il en veut au moins le meilleur, le moins usé, comme la Flandre, en donnant l'os, l'Espagne à Léopold ; 2° L'élection d'Allemagne. Ce Léopold tout jeune, moins âgé que lui de quatre ans, le roi prétend lui succéder, et il va tout à l'heure acheter la voix de la Bavière pour la future élection; 3° L'Empire turc se conduit mal à notre égard, et trouve mauvais que nos Français, en Hongrie, à Candie, soient toujours pour ses ennemis. Le roi (1670) va faire lever des plans de l'Archipel, s'emparer de ses iles peut-être, du chemin de Constantinople; 4° Mais plus près les vrais mécréants, ce sont les protestants. Donc, à eux la première croisade. Toute la question est de savoir s'il faut d'abord convertir l'Angleterre à main armée ou frapper la Hollande. Pour résumer, le roi, monté comme à la pointe de cette création immense et subite de l'industrie et de la guerre, regardait la terre à ses pieds, et se demandait seulement ce qu'il daignerait prendre. Il se devait au monde, et, de ce qu'il était roi de France, il ne s'ensuivait qu'il dût refuser le bienfait de son gouvernement à tant d'autres nations. C'est ce qu'exprime sa médaille, où, sous son emblème, un soleil, on lit : « Un pour plusieurs (royaumes). Le roi rentrait à Saint-Germain dans ces hautes pensées, quand l'ambassadeur de Hollande lui notifia respectueusement ce qu'on appela la Triple alliance, la ligue qui lui liait les mains. Son Charles II l'avait lâché. Il avait eu la main forcée par l'élan de l'Angleterre qui se joignait aux Hollandais. La Suède, notre fidèle alliée depuis quarante années, nous lâchait également. On fut surpris. Tout traité, en Hollande, devait être soumis aux villes qui en délibéraient. Mais de Witt, pour brusquer la chose dans ce péril, avait risqué sa tête. Il avait hardiment signé (23 janvier 1668). Le curieux de l'affaire, c'est qu'elle semblait dirigée contre l'Espagne. On la menaçait pour la protéger. La Hollande lui parlait de sa plus grosse voix. Au contraire, elle priait le roi, lui adressait d'humbles demandes, le chapeau à la main. De Witt faisait entendre qu'il était tout Français, mais qu'il ne pouvait plus arrêter ce peuple, qu'il lui échappait, qu'il agirait sans lui. Le roi chicanait d'abord. Mais il se vit abandonné du Portugal même qu'il venait d'acheter par un subside énorme. La reine, une Française, y avait fait une révolution, s'était démariée, remariée, avait pris le trône. Cette Française elle-même tourne le dos à la France, tend la main à l'Espagne, son ennemie. Mais l'ennemi de tous, et celui que tous craignent, c'est désormais Louis XIV. Le 2 mai 1668, il signe enfin la paix à Aix-laChapelle, et rend la Franche-Comté. Il gardait la Flandre française; la Hollande la gloire. Elle triompha modestement par une simple médaille, sans phrase, et vraiment historique : << Les lois sauvées, les rois défendus et réconciliés, la paix conquise, la liberté des mers. » Mais le monde malin imagina et répéta qu'une médaille toute autre avait été frappée, - hostile, hardie, véridique, après tout, Josué et le soleil Stetit sol, il s'est arrêté. CHAPITRE IX. La débâcle des mœurs publiques. méridionale. Dépopulation de l'Europe La guerre est infaillible. On peut prévoir d'ici que cet orgueil bouffi va crever en tempêtes, que la France, arrêtée dans son effort pour se renouveler, rentrera dans la voie misérable où sont les États du Midi. La guerre naturelle et fatale de la royauté catholique contre la république protestante, l'essor effréné des dépenses et la furie des fêtes, l'infamie triomphale des favorites et favoris, l'avénement de madame de Montespan et du chevalier de Lorraine, la surprenante soumission des confesseurs aux mœurs publiques, c'est le spectacle de ce temps. Ces brillantes années, entre les chants de gloire de Molière, Quinault et Lulli, sont comme un arc de triomphe qu'on croirait une porte de cité populeuse, et qui ne conduit qu'au désert. On a dit que Colbert, si la guerre et Louvois ne l'avaient emporté, eût soutenu la situation; que l'effort colossal de ce grand résurrectionniste, à force de créer, eût dépassé l'effort, non moins grand, du roi, pour détruire. Je ne le crois nullement. Sous les pieds de Colbert, un terrain trèsmauvais devait toujours le faire crouler. Il bâtissait sur quoi? sur les ruines de la moralité publique. Il crée le travail ici et là par les primes énormes que l'exclusion des produits étrangers donne à telle industrie. Mais le goût général est à l'oisiveté et à la vie improductive. Du plus bas au plus haut, tout regarde la cour. Qui peut, vit noblement. Colbert obtient, exige du clergé la suppression de quelques fêtes, et elles n'en sont pas moins chômées. Il promet pension aux nobles qui auront dix enfants (plus tard même aux non-nobles); mais cela ne tente personne. Les familles connues produisent de moins en moins; beaucoup finissent avec le siècle. Exemple, les Arnauld, famille prolifique, énergique. Le premier, l'avocat, sous Henri IV, a vingi enfants (dix sont d'église, dont six religieuses qui meurent jeunes). Le second, Arnauld d'Andilly, sous Louis XIII, a quinze enfants (dont six religieuses |